À l’issue des élections municipales, les socialistes devraient perdre un certain nombre de communes, mais garder leurs principaux bastions. Après les déroutes de la présidentielle, des législatives et des européennes, cela sonnerait comme une victoire.

Un chemin de croix. Voilà à quoi ressemble le quotidien du Parti socialiste depuis la présidentielle de 2017 soldée par un pitoyable 6,35% pour son candidat Benoît Hamon. Les scrutins passent et les déconvenues se succèdent pour le parti à la rose. Les législatives se sont avérées un cataclysme qui a vu le groupe parlementaire passer de 331 à 30 députés et, lors des élections européennes, la liste menée par Raphaël Glucksmann a atteint 6,19%. Autant dire qu’aux municipales, le PS joue gros : sa survie. Une nouvelle défaite d’ampleur pourrait porter un coup fatal au parti de Jean Jaurès et François Mitterrand.

Garder ses bastions

Par chance, ce scrutin local devrait permettre de stopper l’hémorragie. En 2014, le parti a subi une claque historique en perdant de nombreuses grandes villes telles qu’Angers, Limoges, Chambéry, Quimper, Tours ou encore Roubaix. Malgré tout, 170 municipalités de plus de 10 000 habitants sont encore entre les mains des socialistes. Et ces derniers peuvent se montrer plutôt optimistes. « Dans ces villes, les sondages révèlent que lorsque les maires sortants se représentent, les perspectives sont plutôt bonnes. Ils sont identifiés et peuvent se targuer de réalisations concrètes », analyse Frédéric Dabi, directeur du pôle Opinion de l’Ifop, qui énumère plusieurs métropoles qui ont de bonnes chances de rester entre les mains de poids lourds du parti : Lille avec Martine Aubry, Le Mans avec Stéphane Le Foll ou encore Dijon avec François Rebsamen. À Paris, commune la plus peuplée de France, Anne Hidalgo fait aussi office de grande favorite. D’autres places fortes du socialisme municipal ne devraient pas changer de main. C’est notamment le cas de Rennes, Nantes ou encore Lens.

L’impossible reconquête

Au soir du second tour, il est probable que les dirigeants socialistes soient soulagés d’être restés maîtres de leurs principaux fiefs. Mais, selon les projections, peu de villes devraient tomber dans leur escarcelle. Selon Frédéric Dabi, Nancy pourrait toutefois virer au rose puisque le sortant, Laurent Hénart, est au coude à coude avec le socialiste Mathieu Klein. Ce qui reste insuffisant pour parler de reconquête. 

Si certaines villes sont susceptibles de basculer à gauche, c'est EELV qui raflerait la mise

Plus préoccupant, si certaines villes sont susceptibles de basculer à gauche, c’est EELV qui raflerait la mise, que ce soit à Montpellier, Besançon, Rouen ou encore Strasbourg. Le PS n’est plus automatiquement le premier parti de gauche. « Le mouvement de balancier classique où certaines villes perdues sont reprises par le simple jeu de l’alternance n’a plus lieu d’être », analyse Frédéric Dabi. Ce qui pourrait, à moyen terme, faire connaître au parti actuellement dirigé par Olivier Faure, un sort similaire à celui des communistes. Soit un mouvement qui, scrutin après scrutin, perd des villes et se replie sur son noyau dur. Si ce scénario se met en place, le PS peut continuer à « vivoter » comme force politique de second rang. Mais son avenir de parti capable d’exercer le pouvoir s’annonce sombre…

Adieu les forces vives

Effet collatéral, la perte de villes porterait un coup dur au renouvellement du parti. Traditionnellement, les jeunes élus locaux peuvent par la suite se construire une carrière nationale. Hélas, « les défaites à répétition engendrent une perte du vivier de dirigeants potentiels et les militants ne s’engagent plus, ou alors dans d’autres partis », pointe Frédéric Dabi. Même son de cloche du côté de Christophe Bellon, enseignant à Sciences Po et spécialiste de l’histoire parlementaire qui fait remarquer que « Jean-Marc Ayrault est devenu maire de Saint Herblain à 27 ans avant de conquérir Nantes et d’accéder à des responsabilités nationales, même chose pour Manuel Valls qui a conquis Evry alors qu’il était trentenaire ». L’universitaire souligne toutefois que « de plus en plus de responsables politiques viennent de la société civile ou se targuent d’une solide expérience dans le secteur privé ».

Le PS pourrait connaître un sort similaire à celui du PCF : un parti réduit à son noyau dur

En cas de repli aux élections municipales, le PS devrait voir son influence s’éroder au niveau national. Moins de maires et de conseillers municipaux, c’est automatiquement moins de sénateurs. Or, pour Christophe Bellon, « ces derniers sont indispensables pour peser dans la procédure législative ». Ainsi, la majorité LR au Sénat permet au parti dirigé par Christian Jacob de continuer à avoir un rôle primordial dans la politique hexagonal : « Gérard Larcher est protocolairement le second personnage de l’État, Philippe Bas, préside la puissante commission des lois… », énumère l’enseignant qui estime qu’un « groupe sénatorial fort est le moyen idéal de faire valoir ses idées ».

Manque à gagner

Mais, en politique, si les idées occupent une place centrale, l’argent reste le nerf de la guerre. Or, pour les socialistes, moins de maires, c’est aussi une perte financière. « Entre 2012 et 2017, le PS a reçu chaque année 10 millions d’euros grâce à l’élection de François Hollande et 15 millions grâce à ses élus », explique Christophe Bellon qui évalue un siège de sénateur à « 36 000 euros par an ». Une rente dépendant grandement des élections municipales. Et qui, si elle venait à se tarir, pourrait conduire le PS vers un nouveau plan social. Un coup de grâce pour le parti qui, depuis 2017, a licencié 55 de ses 97 salariés et a vendu son emblématique siège de la rue de Solférino pour s’installer à Ivry-sur-Seine. Un bastion communiste dans lequel le PS ne présente aucun candidat et préfère se ranger derrière les écologistes. Tout un symbole.

Lucas Jakubowicz

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