Devenu une figure incontournable du militantisme vert, Cyril Dion incarne une écologie qui se veut plus pragmatique, en témoigne son rôle de garant de la Convention citoyenne pour le climat. Il appelle aujourd’hui à tirer les leçons de la crise sanitaire pour la lutte climatique.

Décideurs. Quelles analogies faites-vous entre la crise du Covid-19 et le risque climatique ?

Tout à coup, les responsables politiques se sont mis à écouter les scientifiques et à fonder leurs décisions sur leurs éclairages. Il faut d’urgence faire la même chose pour le climat ! De la même manière que nous tirons la sonnette d’alarme climatique depuis des années, nombre de spécialistes avertissaient du risque d’une pandémie de ce type. Nous voyons à quel point le manque de préparation entraîne des dégâts considérables. Face au changement climatique, il faudra donc tirer les leçons de cette crise : préparer nos économies dès maintenant à des chocs matériels importants qui pourront déstabiliser nos réseaux. Mais également tout faire pour arrêter le réchauffement, ce qui passe par une forme de décélération et l’invention d’une société post-croissance. C’est la seule solution pour limiter la casse

En 2008, les États se sont munis d’armes "non conventionnelles" pour sortir de la crise. Quels instruments suggérez-vous d’utiliser pour gagner le combat climatique ?

Ce qui est frappant c’est que nous sommes victimes d’une convention. J’entendais un économiste africain le dire il y a quelques jours sur RFI. Si l’on regarde objectivement la création de richesse sur la planète, nous avons toujours de quoi répondre aux besoins de tous. Pourtant il existe des règles, parfois érigées en véritables dogmes, qui vont conduire des millions de personnes à plonger dans la pauvreté. En particulier, le sujet tabou de la création monétaire par la dette doit être remis en cause : il s’agit là d’une convention, pas d’une loi de la nature ! De surcroît, fonctionner avec une "monoculture monétaire" ne peut pas être efficace dans tous les contextes économiques. Entamer une transition écologique véritablement ambitieuse pourrait se faire avec des mécanismes monétaires voire des monnaies dédiées : toutes les activités relatives à la résilience ne sont pas forcément rentables, mais sont pourtant incontournables. Ces nouveaux instruments permettraient de diriger les liquidités là où elles sont nécessaires. Malheureusement, on préfère répéter qu’il va falloir travailler plus pour rembourser une dette qui n’est de la responsabilité de personne.

Quel regard portez-vous sur le "virage vert" du quinquennat Macron ?

Bien que cela ne se traduise pas de façon suffisante, très loin de là, il y a quand même une évolution. Depuis les dernières élections européennes, la question climatique et écologique est devenue l’une des préoccupations principales des personnes sondées. Au premier tour des élections municipales nous avons vu des maires verts ou à forte sensibilité écologique être en passe d’être élus dans presque toutes les plus grandes villes de France. C’est une vraie nouveauté ! Les villes ont une importante capacité d’influence, par leur poids démographique et leur rayonnement culturel, il faut donc espérer que la dynamique perdure jusqu’au second tour. L’aversion au nucléaire dans les milieux écologistes n’est-elle pas aussi un dogme à reconsidérer ?

"L'aversion du nucléaire dans les milieux écologistes n'est-elle pas aussi un dogme à reconsidérer ?"

La gravité de la situation nous oblige inévitablement à considérer le nucléaire comme une solution de transition. Étant donné la vitesse avec laquelle on veut réduire les gaz à effet de serre, il n’est pas réaliste de vouloir se passer de l’atome du jour au lendemain Cependant, les déchets continuent à poser des problèmes de pollution. Il faut aussi considérer que l’aggravation des aléas climatiques va multiplier les problèmes de sécurité. Cela doit donc rester une solution de transition qui ne s’envisage qu’à moyen terme, l’avenir restant du côté des énergies renouvelables

Êtes-vous optimiste sur les leçons à tirer de cette crise ?

On a souvent la mémoire courte… et lorsque les choses s’améliorent, on a tendance à revenir à ce que l’on connaît. Cependant, le discours d’Emmanuel Macron laisse à penser qu’il perçoit qu’il ne pourra pas faire l’économie d’un certain nombre de changements assez profonds dans la société. L’opinion publique est certainement en attente de signaux forts, mais je reste dubitatif sur l’importance de la réponse.

Propos recueillis par Boris Beltran

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