Depuis cinq ans, l’Institut du capitalisme responsable réunit des dirigeants de grandes entreprises, des représentants de fonds d’investissement et du secteur public pour les faire avancer conjointement vers un capitalisme plus responsable. "Think & do tanks", événements, rapports… La fondatrice de l’organisme Caroline de La Marnierre revient sur ses méthodes de travail.

Décideurs L’Institut du capitalisme responsable (ICR) fête ses 5 ans. Qu’est-ce qui a évolué dans ce laps de temps ?

Caroline de La Marnierre. Quand j’ai lancé l’Institut, j’ai contacté des personnes de haut niveau que je connaissais pour leur demander de rejoindre le conseil d’administration et le collège d’experts. Certains ont refusé, m’opposant que "capitalisme responsable" constituait un oxymore, qu’il vaudrait mieux parler d’économie ou d’entreprise responsable. À l’époque, lorsqu’on les tapait dans la recherche Google, on ne trouvait aucun résultat qui liaient ces deux principes. Je me suis alors interrogée sur ma démarche. Je suis arrivée à la conclusion que c’était justement parce que cela dérangeait qu’on devait faire la jonction entre les deux notions. Aujourd’hui, dans le milieu des affaires, plus personne ne se demande pourquoi on les accole. J’espère même que dans cinq ans "capitalisme responsable" deviendra un pléonasme. Mais c’est un combat et, même lorsqu’il aura avancé, il exigera une vigilance de chaque instant.

Quel est votre objectif ?

Du point de vue de l’Institut, le capitalisme responsable est un alignement progressif entre le monde de l’investissement, celui de l’entreprise et les pouvoirs publics. Ces trois univers évoluent vers la notion de responsabilité mais avec des logiciels différents. Or, lorsque les routes ne se croisent pas, on perd en efficacité. L’ICR a pour vocation d’aider les différents acteurs à saisir toute la complexité du problème et à se focaliser sur des recommandations très empiriques et testées opérationnellement par les entreprises.

Auriez-vous un exemple de "routes qui ne se croisent pas" ?

Je pense au ratio d’équité mis en place en 2020 qui a pour vocation d’apporter de la transparence sur les écarts entre la rémunération des dirigeants et la moyenne ou la médiane de celle des salariés. Ces indicateurs ne sont pas reconnus à l’unanimité par les investisseurs car le périmètre fixé par la loi n’est pas bien défini et ne peut pas l’être compte tenu de la complexité juridique des grands groupes. Le législateur est parti d’une bonne intention mais la donnée n’est pas exploitable.

 "J’espère que dans cinq ans le capitalisme responsable deviendra un pléonasme"

Comment vos recommandations sont-elles élaborées ?

Nous sommes un centre de recherche appliquée. L’Institut regroupe quatre think & do tanks thématiques qui réunissent des investisseurs, des entreprises et souvent des représentants de la sphère publique. On propose des sujets et on travaille avec des groupes qui expérimentent des mesures. Celles qui fonctionnent sont retenues. Je crois à la politique des petits pas. On ne peut pas modifier la trajectoire d’un paquebot en une fois, cela pourrait faire beaucoup de dégâts. C’est pourquoi nos recommandations ne sont pas spectaculaires mais elles permettent de faire du chemin. On organise également des prix pour mettre en lumière les meilleures pratiques et insuffler l’enthousiasme. Car le moteur le plus efficace du changement, c’est le sens

Auriez-vous un exemple de recommandation ?

Une qui me tient à cœur, que nous avons produite en 2021 et qui n’est pas encore mise en œuvre a trait à la politique de dividendes. Nous suggérons aux entreprises de mettre en perspective la distribution des dividendes au regard de leur politique ESG, d’expliquer comment elles ont arbitré en fonction des engagements qu’elles ont pris en faveur de l’environnement, du social ou de la gouvernance. Cela paraît évident et pourtant cette pratique n’existe pas, notamment parce que les dirigeants pensent que le lien va de soi. Or, il est absolument nécessaire de faire de la pédagogie

Propos recueillis par Olivia Vignaud

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