La tête de liste du Printemps marseillais a mis fin à l'ère Gaudin en battant une droite divisée et un RN bien portant. Voici l'essentiel à savoir sur celle qui est désormais à la tête de la seconde plus grande ville de France.

Un quart de la population vivant sous le seuil de pauvreté, des quartiers à l’abandon et enclavés, des établissements publics vétustes et trop peu nombreux, deux milliards d’euros de dettes… Malgré certains signaux positifs, Marseille est une ville malade. Le 28 juin, les électeurs ont appelé à son chevet un médecin de 63 ans, Michèle Rubirola, tête de liste du Printemps marseillais.

Union de la gauche

Elue haut la main avec 39,9% des voix (estimation France 2 à 21h30) dans un second tour mettant en scène une droite divisée entre Martine Vassal, candidate LR officielle (29,8%), un dissident Bruno Gilles (6,1%) et le sénateur RN Stéphane Ravier (19,8%), la néo-maire peut se targuer de deux exploits : faire basculer une ville gérée par le LR Jean-Claude Gaudin depuis 1995 et unir les forces de gauche. Ce qui n’est pas une mince affaire puisque la gauche plurielle chère à Lionel Jospin a peu à peu disparu dans les limbes de l’histoire. Une fin actée par Manuel Valls qui, en 2016 a théorisé le concept de "deux gauches irréconciliables". L’une sociale-démocrate et modérée, l’autre plus contestataire.

Durant la campagne municipale, Michèle Rubirola est parvenue à rassembler les deux blocs. Le secrétaire national du PS Olivier Faure, les verts Julien Bayou, Yannick Jadot et Éric Piolle, le communiste Ian Brossat, les insoumis Clémentine Autain et François Ruffin ou encore Benoît Hamon…. Tous ont soutenu, parfois sur place, la campagne de la nouvelle pasionaria marseillaise. Même Jean-Luc Mélenchon, ombrageux député de la ville phocéenne, a fini par soutenir Michèle Rubirola qui peut se targuer de posséder un profil consensuel. Bien plus que les barons socialistes locaux tels que Patrick Mennucci ou Jean-Noël Guérini jugés trop soumis à la rue de Solférino. La première femme portée à la tête de marseillaise semble, pour sa part, bien plus consensuelle.

En Vert, mais pas contre tout

Le vert est la tendance de ces dernières municipales à l’échelle nationale ? Cela tombe bien, Michèle Rubirola est une écologiste de longue date puisqu’elle a porté les couleurs d’EELV lors des législatives de 2007 et 2012 dans la cinquième circonscription des Bouches-du-Rhône. Un passé qui n’a pas empêché la présence d’une liste estampillée EELV au premier tour (9%). Mais son chef de file, Sébastien Barles, s’est rallié sans difficulté dans l’entre-deux tours.

Elle a réuni autour d'elle des pontes de la CGT, des écolos, des communistes et des sociaux-démocrates. Un attelage durable ?

Michèle Rubirola a également réussi à attirer dès janvier 2020 le PS local dirigé par le chef de file de l’opposition socialiste à l’Hôtel de ville, Benoît Payan. Une recrue expérimentée qui devrait peser de tout son poids dans le Printemps marseillais. Rassemblement auquel s’est également greffé le parti communiste local mené par Jean-Marc Coppola, ancien responsable local de la CGT Cheminots. Sa jeunesse de militante sur le plateau du Larzac ou ses combats en faveur du droit à l’avortement ont probablement contribué à faire venir à elle une grande partie du secteur associatif, très puissant dans la ville. Elle peut également se targuer de l’appui d’une large frange du milieu artistique marseillais, notamment Akhénaton et Imhotep, emblématiques rappeurs du groupe IAM mais aussi du cinéaste Robert Guédigian.

En bref, Michèle Rubirola est le point de ralliement de socialistes "roses pâles" mais aussi de militants plus "gauchistes". Une situation qui s’explique par l’envie de clôturer l’ère Gaudin, mais aussi par les qualités personnelles de la nouvelle édile que ses soutiens décrivent comme à l’écoute, sans ego demesuré, désireuse d’agir pour le bien commun. Ses détracteurs, au contraire la présentent comme faible, manipulée par des forces communautaristes, des syndicats jusqu’au boutistes, des associations avides de subventions, ou adeptes de la violence politique. La vérité se situe peut-être entre les deux. Une chose est néanmoins certaine : Michèle Rubirola incarne le Marseille populaire.

Marseillaise du peuple

Alors que sa principale adversaire, Martine Vassal est issue d’une grande famille d’industriels marseillais, Michèle Rubirola possède un profil beaucoup plus populaire. Fille d’un ouvrier communiste d’origine napolitaine, elle passe son enfance dans le quartier ouvrier du Rouet où elle vit toujours. Mère de trois enfants, médecin dans les quartiers nord de la ville, elle possède un fort ancrage dans un territoire globalement délaissé par les politiques publiques.

Détail de taille dans cette ville mordue de football : Michèle Rubirola a joué dans la première équipe féminine de l'OM

Enfin, détail important dans une ville de football comme la cité phocéenne, cette mordue du ballon rond a fait partie des premières équipes féminines de l’Olympique de Marseille mais aussi de l’équipe de basketball de l’US Police. De quoi lui donner l’expérience du travail d’équipe. Une qualité nécessaire pour animer une équipe diverse et mener à bien un pouvoir ambitieux.

Sortir les griffes

Les chantiers auxquels compte s’attaquer Michèle Rubirola et son équipe sont nombreux. Parmi eux, le doublement de l’offre de transports public, un "plan Marshall" en faveur des écoles et des crèches ou encore la construction de 30 000 logements en 6 ans, dont la moitié de social. Un plan qui nécessitera des investissements de la part de la métropole ou du département dirigée par Martine Vassal qui devrait rechigner à ouvrir sa bourse. La nouvelle maire devra donc s’armer de patience et maîtriser l’art de la négociation pour financer ses ambitieux projets.

Il lui faudra également maintenir la cohésion de sa majorité. Pas une mince affaire puisque les sociaux-démocrates gestionnaires gouverneront au quotidien avec des anciens syndicalistes de la CGT. Si les qualités de bienveillance et la capacité à rassembler ont permis à Michèle Rubirola d’occuper le bureau de Jean-Claude Gaudin, il lui faudra apprendre à gouverner "d’une main de fer dans un gant de velours". Un défi pour une soignante réputée pour son empathie.

Si jamais les velléités de rupture devaient menacer la majorité dans les années à venir, Michèle Rubirola garde un argument de poids dans son jeu : le Printemps marseillais doit sa victoire à son programme, certes. Mais aussi aux querelles de personnalités qui ont ravagé la droite marseillaise. De quoi faire réfléchir les frondeurs potentiels et assurer à Michèle Rubirola le rôle de chef de meute ?

Lucas Jakubowicz

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