Une droite qui ne parle quasiment plus qu’aux personnes âgées, un président de la République doté d’un socle solide dans toutes les CSP, un RN souverain dans les catégories populaires abandonnées par une gauche qui n’a jamais été aussi faible et divisée. Voici les rapports de force à moins d’un an du premier tour de la présidentielle.

Oui, les sondages ne sont qu’une photographie de l’instant T et, globalement, ils ne prédisent pas les résultats d’une élection. Pourtant, en décortiquant les rapports d’études, ils permettent de mesurer les dynamiques ainsi que les forces et les faiblesses des candidats. À cet égard, la seconde vague du baromètre de l’élection présidentielle réalisé par l’Ifop est une véritable mine d’or…

Catégories populaires

Ce n’est un secret pour personne : la gauche a perdu peu à peu son rôle de représentante des catégories populaires qui était pourtant sa raison d’être historique. Ces dernières années marquent une fuite en avant : discours indigénisto-woke, défense de l’intersectionnalité des luttes et de la décroissance, abandon d’une laïcité intransigeante, de la défense de la liberté d’expression, de l’universalisme.

Dans les urnes, cela se paie cash. En plus d’être fracturée, la gauche n’a jamais été aussi faible, notamment au sein des catégories populaires. Jean-Luc Mélenchon, qui symbolise la transformation de ce bord politique, ne récolterait que 6% des voix au premier tour de la prochaine présidentielle, un score divisé par deux en quatre mois ! Son discours complotiste laissant entendre que Mohammed Merah était "téléguidé" par le gouvernement semble avoir laissé des traces. La candidature autonome du communiste Fabien Roussel lui fait également perdre de précieux suffrages. Anne Hidalgo, symbole d’une social-démocratie urbaine perçue comme plus préoccupée par les pistes cyclables et l’accueil des migrants que par les conditions de vie des habitants de la France périphérique est à 3%. Sur ce champ de ruines, c’est le Vert Yannick Jadot qui semble le mieux placé avec un faible 7%.

La nature ayant horreur du vide, Marine Le Pen, autoproclamée candidate des classes populaires, n’a plus qu’à prospérer sur les erreurs stratégiques du PS, de LFI et d’EELV. Désormais, elle est créditée de 43%, un score stable par rapport au baromètre précédent réalisé en avril.

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Les partis de gauche se plaisent à attaquer Emmanuel Macron accusé d’être anti-social, ultra-libéral et président des riches. Dans les faits, le locataire de l’Élysée est à 22% d’intentions de vote, soit plus que toute la gauche réunie.

De son côté, Xavier Bertrand, qui rêve de devenir le candidat de "la France qui travaille et qui, pourtant, n’arrive plus à joindre les deux bouts (…) la France à qui l’on demande plus d’efforts mais qui ne reçoit en retour que mépris et indifférence" peine à convaincre avec 10%. Maigre consolation, il est le plus "performant" à droite dans ce segment de population et augmente son score de 4 points en 4 mois.

"Dans les catégories populaires, Emmanuel Macron obtient plus de voix que toute la gauche réunie"

Jeunes

Les jeunes votant LR pourraient bientôt devenir une espèce en voie de disparition. La seconde vague du baromètre Ifop révèle que Xavier Bertrand obtiendrait 6% seulement chez les moins de 35 ans. Et encore, le sondage ne montre pas le score chez les moins de 24 ans…

Dans cette catégorie générationnelle, c’est un duo Le Pen-Macron qui s’impose. Pour le moment, la candidate d’extrême droite prendrait le dessus sur le président de la République (29% contre 24%).

Les candidats de gauche, divisés, arrivent loin derrière. Jean-Luc Mélenchon est à 10%, tout comme Yannick Jadot. Anne Hidalgo, potentielle candidate social-démocrate est à 7%. Un résultat préoccupant pour un bord politique traditionnellement fort dans la jeunesse.

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+ de 65 ans

Xavier Bertrand, candidat des vieux ? C’est en tout cas un enseignement qui se dégage du baromètre Ifop. Si son score est anecdotique chez les moins de 35 ans, il est en tête chez les plus de 65 ans avec 31% des voix et devance même Emmanuel Macron de 5 points. Notons que, dans le précédent baromètre datant d’avril, le président de la République occupait la première place avec 31% contre 27% pour l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy.

Les sondages passent et une constante demeure : le RN peine à attirer le vote des électeurs les plus âgés. Dans cette catégorie stratégique car peu abstentionniste, Marine Le Pen est à 15%, soit 11 points de moins que sa moyenne globale. La gauche, de son côté, est à la traine. Anne Hidalgo et Jean-Luc Mélenchon obtiendraient 6% au premier tour contre 5% pour Yannick Jadot ou le communiste Fabien Roussel.

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Salariés du secteur public

Les salariés du secteur public constituent des professions au comportement électoral divers. Si les policiers ou les militaires sont plutôt très à droite, le corps enseignant penche plutôt à gauche. Au total, c’est Emmanuel Macron et Marine Le Pen qui sont en tête dans cette partie de la population avec 26% chacun. Avec 14%, Xavier Bertrand occupe la troisième place du podium. La gauche semble plutôt en difficulté : Si Yannick Jadot atteint le seuil de 5%, Anne Hidalgo et Jean-Luc Mélenchon sont à 5%.

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CSP+

Chez les CSP+, Emmanuel Macron garde un avantage de 8 points sur Xavier Bertrand (29% contre 21%).  Avec 15%, Marine Le Pen ne parvient toujours pas à séduire cette partie des Français qui, à l’instar des séniors, ne succombent pas à ses sirènes. Enfin, à gauche, Anne Hidalgo est "la meilleure" avec 8%, soit un point de plus que Yannick Jadot. Jean-Luc Mélenchon est à 5%.

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VERDICT

Emmanuel Macron. Solide pratiquement partout : dans la course à l’Élysée, Emmanuel Macron dispose d’un net avantage : il est le seul à disposer d’un socle dans toutes les catégories de la population. Certes, il existe un survote des cadres et professions intellectuelles supérieures (33%). Pourtant, dans quasiment toutes les catégories prises en compte par l’Ifop, il dépasse le seuil de 20%. Ainsi, en matière de catégories d’âge, il oscille entre 22% chez les 35-49 ans et 26% chez les 65 ans et plus. Preuve d’un ancrage populaire, il recueillerait 22% des voix dans les catégories populaires ou les non-diplômés.

Paradoxe, le socialisme semble désormais un idéal de riches...

Marine Le Pen. Main basse sur l’ancien électorat de gauche : au niveau global, Marine Le Pen devance de peu Emmanuel Macron avec 26%. En revanche, son électorat est beaucoup plus marqué socialement. Elle est souveraine chez les Français les moins aisés avec des pointes à 51% chez les ouvriers, 36% chez les employés ou encore 35% chez les chômeurs. En revanche, elle a des "trous dans la raquette" chez les retraités ou les diplômés du supérieur (9%).

Xavier Bertrand. Le candidat des "vieux". 31% chez les + de 65 ans, 6% chez les moins de 35 ans. La droite française a un électorat très marqué sur le plan générationnel. Ce qui pourrait l’empêcher d’incarner le renouveau. Soulignons que Xavier Bertrand est leader dans certaines catégories marquées à droite : dirigeants d’entreprise (28%), artisans et commerçants (22%).

Jean-Luc Mélenchon : candidat du peuple (mais seulement en rêve). Jean-Luc Mélenchon aime à se présenter comme porte-parole du peuple. Seul hic : celui-ci dit niet. Le patron des Insoumis qui obtiendrait 7% au niveau national, est à 7% chez les ouvriers, 6% chez les chômeurs, 6% chez les employés. Dans toutes ces catégories, LFI est dépassée par Marine Le Pen, Emmanuel Macron mais aussi par Yannick Jadot qui s’avère le "meilleur" (tout est relatif) à gauche.

Yannick Jadot : le meilleur à gauche ?  EELV est bien souvent accusé d’être un parti de bobos de grandes agglomérations. Pourtant, à gauche Yannick Jadot semble être le candidat qui séduit le plus les catégories populaires. Notons ainsi une pointe à 18% chez les chômeurs ou un prometteur 12% chez les professions intermédiaires.

Anne Hidalgo : quand le PS devient un parti de riche : avec 6%, la candidature d’Anne Hidalgo ne rencontre pas un écho favorable pour le moment. Paradoxe, le socialisme est désormais une idéologie de"riches". La maire de Paris réalise ses meilleurs scores chez les professions intellectuelles supérieures et les diplômés du supérieur (10%). Dans les catégories populaires, elle est à 3%...

Lucas Jakubowicz

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