En 2018, le fondateur d’OverBlog et de Teads se lançait dans une nouvelle aventure entrepreneuriale. Sa société, LGO, mise sur une rupture technologique, la Blockchain, pour qu’émerge une Bourse transparente dédiée aux cryptoactifs. Récit de son pari ambitieux.

L’entretien s’annonçait technique. De passage à Paris, le serial entrepreneur Frédéric Montagnon venait nous raconter sa nouvelle aventure – LGO, plateforme d’échanges d’actifs numériques sécurisée et transparente – lancée voilà un an. Mais l’homme de 43 ans sait prendre son interlocuteur par la main pour rendre intelligible le monde quasi parallèle des cryptomonnaies. Cette capacité à construire des ponts entre des univers qui ne se parlent pas est au cœur de son challenge actuel : instaurer un dialogue entre le monde de la finance traditionnelle et celui des cryptoactifs.

Rupture

Tout a commencé à New York, où Frédéric Montagnon s’est établi après ses deux premiers succès : OverBlog revendu à Webedia en 2013 et Teads, cédé en 2017 à Altice pour 330 millions de dollars. À l’époque, l’entrepreneur s’intéresse à la dématérialisation de la propriété et se montre curieux des travaux menés par de petits cercles, parfois extrémistes, à la recherche d’alternatives au système établi. De cette émulation un peu « magique » naissent des solutions concrètes comme les cryptoactifs. « Un bitcoin, vous en possédez l’accès ou non. Il n’est pas duplicable, pas falsifiable », explique-t-il. Et de résumer : « Un actif numérique, c’est simple, c’est du code, c’est international, ce n’est pas sujet à interprétation. » Or, tous les actifs financiers peuvent être numérisés.

Frédéric Montagnon rappelle que le rôle des banques consiste à gérer des moyens de paiement et des transactions grâce à des jeux d’écriture et par la dématérialisation. Problème : ces opérations ne sont traitées qu’aux heures d’ouverture, le sceau humain étant nécessaire pour les valider. Deux jours pour un transfert d’actions de sociétés, trois pour un virement… Infalsifiable, la Blockchain ne nécessite, elle, pas de tiers de confiance et permet des échanges instantanés.

Les cryptoactifs pèsent déjà lourd : 300 milliards de dollars. À titre d’exemple, les actifs numériques représentent 6 % des transferts de monnaies internationaux. « Les acteurs traditionnels ne se sont pas approprié les innovations liées à la Blockchain, d’où l’impression qu’il ne se passe pas encore grand-chose. En réalité, un véritable marché se développe en dehors des canaux classiques de manière autonome, avec des pure players », explique le patron de LGO, qui prédit que « si tous les échanges passent par la Blockchain, alors les back offices des banques n’auront plus de raison d’être. »

Une Bourse

Bien qu’ultra-sécurisés et transparents, jusqu’ici les cryptoactifs ne disposaient pas de plateformes d’échanges. Frédéric Montagnon schématise par cette comparaison : souvenez-vous quand vous convertissiez des euros en monnaie étrangère à la sortie d’un aéroport sans avoir de smartphone pour savoir si le taux et la commission proposés par le bureau étaient justes. Malgré l’existence d’un marché des devises transparent, des abus étaient à craindre faute d’information en temps réel.

D’où la création de LGO, qui peut être comparée à une Bourse. En moins d’un an, la société a enregistré un milliard de dollars d’échanges, pour moitié en monnaies émises par des banques centrales, pour l’autre en cryptomonnaies (en majorité du bitcoin). « On est capable de traiter un millions d’ordres à la seconde. On s’est calqués sur des modèles de Bourse comme le Nasdaq. On pourrait aller plus loin si besoin », poursuit Frédéric Montagnon. En cette période de crise, LGO enregistre des pics d’échanges, trois à quatre fois supérieurs à ceux qu’elle a connus auparavant.

Pour parvenir à cette efficacité, l’ingénieur de formation a levé 3 600 bitcoins (l’équivalent de 35 millions de dollars à l’époque) début 2018. À la tête d’une équipe de trente personnes, Frédéric Montagnon vit à Bordeaux, où est installé LGO qui dispose aussi de bureaux à New York et dans le New Jersey. Cette organisation agile, adaptée à son business, permet à l’entreprise de tourner même en temps de crise, d’autant que sa technologie ne nécessite pas d’intervention humaine pour opérer. Une obsession habite pour le moment ce dirigeant passionné par « la manière dont on transforme les ruptures technologiques en produits » : « À la sortie de la crise, qu’est-ce qui aura changé dans nos vies ? Il va falloir être créatif pour être utile et régler ce qui n’aura pas fonctionné. » Parole d’entrepreneur.

Olivia Vignaud

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