Le camp macroniste se garde de tout triomphalisme, quelques candidats croient encore en leurs chances. Et les électeurs semblent majoritairement certains de la réélection du président sortant. Mais qu’en est-il exactement ? Le bilan du quinquennat, l’histoire et les chiffres peuvent livrer des résultats intéressants.

Peut-il ne pas être présent au second tour ?

17 avril 2002, à trois jours du premier tour, un journaliste pose à Lionel Jospin la question suivante : "Imaginez que vous ne soyez pas au second tour, pour qui voteriez-vous ?" Réponse du candidat socialiste goguenard : "J’ai une imagination normale, mais tempérée par la raison quand même. Ça me paraît assez peu vraisemblable. Donc on peut passer à la question suivante !". La suite, on la connaît. Emmanuel Macron peut-il lui aussi être victime d’un "21 avril" et manquer le coche du second tour ?

La réponse à la question se trouve probablement dans les archives des sondages. Dix jours avant l’élection présidentielle de 2002, l’écart entre le premier et le troisième candidat était de 7 points en moyenne (Jacques Chirac 20%, Lionel Jospin 18% et Jean-Marie Le Pen 13%). Ce qui a suffit à mettre fin au parcours du candidat PS. Vingt ans plus tard, la donne n’est plus la même puisque l’écart entre le président sortant et le troisième est de 13 points (Emmanuel Macron 28%, Marine Le Pen 21,5% et Jean-Luc Mélenchon 15%). En somme une erreur de campagne de la part de l’hôte de l’Élysée où le dynamisme d’un autre candidat, notamment le député Insoumis, ne devrait pas mettre en péril la qualification du président candidat à sa réélection.

Son électorat peut-il lui faire défaut le Jour J ?

C’est une hantise de l’état-major macroniste : considérant l’élection déjà pliée, les électeurs de la majorité présidentielle pourraient être tentés de profiter du week-end et ne pas se rendre aux urnes. Pour continuer à mobiliser la base, l’équipe de campagne du président explique qu’il faut se garder de tout triomphalisme et que le scrutin n’est pas gagné. Pourtant, certaines données peuvent inciter à l’optimisme. Selon le rolling Ifop en date du 31 mars, 82% des électeurs d’Emmanuel Macron sont certains de leur choix. C’est un peu plus que Marine Le Pen et Éric Zemmour (80%). Mais, surtout, la certitude est bien supérieure chez les macronistes que chez les électeurs de Valérie Pécresse (68%), Yannick Jadot (58%) ou encore Anne Hidalgo (48%).

Emmanuel Macron réaliserait ses meilleurs scores chez les retraités et les catégories aisées, soit les électeurs les moins abstentionnistes 

Un autre point devrait inciter à l’optimisme. Toujours selon la même étude, Emmanuel Macron réalise ses meilleurs scores auprès des catégories aisées (36%) et des retraités (32%) soit les segments de la population statistiquement les moins abstentionnistes.

Est-il toujours le candidat du "en même temps" ?

Accusé par la gauche d’être ultra-libéral et de casser le modèle social. Vilipendé par la droite pour sa gestion des comptes publics ainsi que son bilan en matière d’immigration et de sécurité, Emmanuel Macron s’est évertué durant 5 ans, de manier le "en même temps". Certaines mesures prises depuis 2017 peuvent plaire à l’électorat social-démocrate : dédoublement des classes de CP et CE1 dans les réseaux d’éducation prioritaire (REP), reste à charge zéro sur les lunettes ou les prothèses dentaires, baisse de la fiscalité pour les ménages les plus modestes. À un point tel que le ministre délégué chargé des Comptes publics Olivier Dussopt estimait il y a peu dans Décideurs Magazine que "la gauche de gouvernement est dans la majorité".

Toutefois, le gouvernement a, depuis 2017, donné des gages à la droite, famille politique présente en force dans l’exécutif où elle détient des portefeuilles clé comme l’Économie, l’Intérieur, l’Éducation nationale ou encore Matignon. Réforme du code du travail, dissolution d’association séparatiste, baisse de la fiscalité des entreprises, suppression de l’ISF… Emmanuel Macron a mené des réformes que certains gouvernements de droite ont promis avant d’y renoncer.

Emmanuel Macron garderait 77% de son socle de 2017 plus 25% des électeurs de François Fillon et 21% de ceux de Benoît Hamon

Résultat des courses, dans la dernière ligne droite de la campagne, le président candidat est crédité de 21% des électeurs de Benoît Hamon et de 25% de ceux de François Fillon. Tout en conservant 77% de son électorat de 2017.

Quid du second tour ?

D’un point de vue purement statistique, la présence d’Emmanuel Macron au second tour semble acquise. Mais pour quel résultat ? Une fois encore, les rolling Ifop sont riches d’informations. À dix jours du premier tour, le candidat "Avec vous" est donné largement vainqueur face à Valérie Pécresse (64%) ou Éric Zemmour (66%).

Mais au second, ses adversaires les plus probables sont Marine Le Pen, solide dauphine, ou Jean-Luc Mélenchon, habitué aux fins de campagnes en boulet de canon, qui semble semaine après semaine incarner le vote utile à gauche. Face à l’Insoumis, Emmanuel Macron dispose d’une large marge (59%). Toutefois, face au RN, la situation est problématique.

D’après l’Ifop, son score serait de 53,5%. Dans la marge d’erreur en somme. Il semble qu’en 2022, la stratégie du vote barrage ne fonctionne plus. Parmi les principaux adversaires d’Emmanuel Macron, seuls les écologistes semblent se plier à cette tradition républicaine à hauteur de 52%. En revanche, il ne rassemblerait que 41% des votants LR et 30% des Insoumis ; mélenchonistes et pécressistes préférant jouer la carte de l’abstention. Tout indique qu’une éventuelle victoire face au RN serait marquée par une abstention record et un score plus étriqué qu’en 2017.

Lucas Jakubowicz

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