La crise n’aura pas eu la peau de l’apprentissage. Mais, derrière le chiffre record de contrats d’alternance signés en 2020 se cache un constat inquiétant : les jeunes les plus fragiles et les moins diplômés ne sont pas les premiers à en bénéficier.

"C’est dur d’avoir 20 ans en 2020" avait lancé le président de la république lors de l’annonce du deuxième confinement. et peu de sondages se risqueraient, encore aujourd’hui, à le démentir. Isolement, angoisse, précarité, etc. : les indicateurs ne sont pas bons. Selon une étude Elabe, réalisée pour le cercle des économistes, 77 % des 18-24 ans estiment ainsi que, depuis la guerre, les jeunes de leur âge n’ont jamais vécu une situation aussi difficile. Au point de se montrer fatalistes ? pas vraiment. plus des deux tiers jugent "la période difficile" mais sont convaincus "que l’on va s’en sortir". Il faut dire que le gouvernement n’a pas lésiné sur les moyens. plus de 9 milliards d’euros investis dans le plan "1 jeune, 1 solution" qui mobilise un ensemble de leviers, parmi lesquels des aides à l’embauche et à l’apprentissage. les primes prévues par ce dernier ont d’ailleurs été prolongées en l’état, soit 8 000 euros pour un apprenti majeur, 5 000 pour un mineur, jusqu’à fin 2021. La promesse est faite de ne laisser aucun jeune sur le bord de la route. Même les plus fragiles. Dans le cadre du plan "10 000 jeunes" annoncé par Gérald Darmanin, le ministère de l’Intérieur entend former 1 500 apprentis supplémentaires au sein de ses services.

2020 : une année millésime

Cette multitude d’actions explique, en partie, les très bons chiffres de l’apprentissage en 2020. En effet, la crise sanitaire n’a pas eu raison de la dynamique de libéralisation engagée par la loi du 5 septembre 2018. malgré l’enseignement à distance ou la mise à l’arrêt de certains secteurs, les CFA ont accompli leur révolution digitale. Autre reconversion réussie ? Celle des contrats professionnels. l’an dernier, 60 000 places en alternance nouvellement créées ont pris la forme de l’apprentissage. Au total, plus de 500 000 contrats ont été signés, dont 495 000 dans le secteur privé.Comme pour toute donnée chiffrée, nuance et rigueur doivent guider l’interprétation de ces excellents résultats. Bien sûr, des disparités entre les domaines d’activité existent, mais également entre les régions. En tête de peloton ? L’île-de-France, l’Auvergne-Rhône-Alpes et l’Occitanie qui, selon les chiffres communiqués en février dernier par le ministère du Travail, enregistrent, à elles trois, 209 736 signatures. Toutes les entreprises participent au  "boom de l’apprentissage" avec, néanmoins, une toujours grande prépondérance des TPE et des PME, à l’origine de 77 % des contrats.

Verre à moitié plein

Côté jeunes aussi, l’homogénéité du public concerné est de mise. Mais, elle a de quoi inquiéter davantage. En effet, observe Pierre Cahuc, professeur d’économie à Sciences Po, dans une tribune publiée par des confrères, les formations de niveau CAP et BEP ne représentent que 26 % de l’apprentissage contre 67 % en 2000. Mal vu, l’apprentissage serait donc pourtant "l’apanage des jeunes préparant un diplôme de l’enseignement supérieur, qui compte pour 57,5 % des contrats signés".

À l’inverse, les jeunes au niveau de qualification le moins élevé subiraient une sorte de double peine : moins d’apprentissage, plus de chance de passer par la case chômage. "Le taux de chômage des jeunes de niveau CAP-BEP passés par l’apprentissage, souligne l’économiste, est quinze points inférieur à celui des jeunes passés par un lycée professionnel". Ce qui explique un tel écart ? une meilleure connaissance de l’univers de l’entreprise et des codes qui la régissent.

C'est pourquoi, Pierre Cahuc proposait, déjà en 2017, d’imaginer un système de préapprentissage pour offrir aux jeunes les plus en difficulté un éventail complet d’enseignements de base et de compétences non cognitives. Le modèle japonais en tête, il invite aussi à réfléchir à l’opportunité de créer des synergies entre entreprises, services publics de l’emploi et enseignement secondaire. Et pourquoi ne pas en appeler aux agences d’intérim ou tout autre acteur bien informé sur les besoins des entreprises et les formations complémentaires permettant d’y accéder ? Autant de pistes qui pourraient être expérimentées au sein des CFA d’entreprises, qui sont désormais une cinquantaine, selon le décompte effectué par la fondation innovations pour les apprentissages.

Marianne Fougère

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