L'Allemagne insiste pour la fermeture de Fessenheim, la Suisse s'y associe et porte parallèlement plainte contre Bugey et la Commission européenne juge les fonds français pour les centrales en fin de vie très insuffisants : la fission divise !

Coûts de lancement ou de fermeture, recyclage des déchets, risques d’accidents : les centrales nucléaires n’ont pas la cote. Et encore moins chez nos voisins. L’Allemagne, par l'intermédiaire de sa ministre allemande de l'Environnement Barbara Hendricks, a réitéré ses inquiétudes concernant Fessenheim. Un appel à la fermeture de la plus ancienne centrale nucléaire française que François Hollande fait mine de ne pas entendre. La proximité de cette centrale, trop vieille, trop dangereuse, inquiète. Située dans le département du Haut-Rhin, en Alsace, à moins de deux kilomètres de la frontière, elle ne rassure pas non plus la Suisse distante d’une quarantaine de kilomètres de Fessenheim. Après l’incident interne de 2014 ayant provoqué des dommages sur les systèmes électriques, les médias allemands ont dénoncé une sous-évaluation des conséquences d’une centrale nucléaire qualifiée comme « hors de contrôle ». Mais l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ne partage pas cet avis. Le niveau de sécurité est jugé comparable à toutes les autres centrales exploitées par EDF. Ni plus fiable, ni plus dangereuse.

Si son arrêt n’est donc pas officiellement un impératif sécuritaire, cela ne reste pas moins une promesse de campagne de François Hollande en 2012. Après avoir repoussé à plusieurs reprises la mise en œuvre de cette décision, le gouvernement évoque désormais la fermeture pour 2017. Hasard du calendrier. Mais elle serait avant tout conditionnée à l’ouverture d’une autre centrale de nouvelle génération : l’EPR de Flamanville.

L’atome divise tant les partis politiques que les États. Et si plusieurs pays s’interrogent sur l’avenir de ce mode de production énergétique qui a pu faire la fierté de la France et assurer son indépendance, l’Allemagne a pour sa part tranché et décidé d’en sortir d’ici 2022. Au prix d'une pollution importante au charbon et du recours au... nucléaire français. L’idée n’est pas d’actualité dans l’Hexagone. Seuls les écologistes sont fermes sur le chemin à prendre. Emmanuelle Cosse, ministre du Logement et ancienne membre d’Europe-Écologie les Verts, souhaite par exemple que la fermeture intervienne avant la fin de l’année. L’ancienne ministre de l’Environnement, Corinne Lepage milite aussi à sa manière puisqu’elle sera l’avocate du canton de Genève dans la plainte déposée pour mise en danger délibérée de la vie d'autrui et pollution des eaux. Initiative dont le but est d’obtenir une décision de fermeture de la centrale du Bugey situé dans l’Ain.

 

L'Europe s'en mêle

Du côté du provisionnement pour les fermetures des centrales en fin de vie, la France – qui dispose du plus grand parc et a le plus important stock de déchets – est tancée par l’Europe. Avec 23 milliards d’euros – alors qu’il lui faudrait 74 milliards –, elle n’a provisionné que 31 % au lieu des 60 % jugés nécessaires. Au niveau européen, la Commission chiffre dans son  programme indicatif nucléaire (Pinc) à plus de 250 milliards d’euros les fonds nécessaires d’ici à 2050 : 123 milliards d’euros pour le démantèlement et  130 milliards consacrés aux déchets nucléaire. Des montants qui auraient progressé de 47 % depuis 2008, date de la première publication du Pinc.

 

 

Estelle Mastinu et Quentin Lepoutre

 

 

Lire l'interview de Corinne Lepage

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