Lancé fin octobre, le label relance semble déjà s’être fait une place dans le monde de la gestion d’actifs et du capital-investissement. Conçu comme un outil d’aide au financement des entreprises française, il a été créé par Bercy en lien étroit avec les associations professionnelles du secteur. Yann Pouëzat, sous-directeur du financement des entreprises et du marché financier à la Direction générale du Trésor, dévoile la genèse et les premiers résultats de cette certification.

Décideurs. Quelle est la genèse du label relance ?

Yann Pouëzat - La création du label relance part d’un constat. D’un côté, les ménages ont épargné massivement pendant le confinement, principalement sur des supports très liquides et peu risqués, accroissant par là-même le niveau déjà élevé d’épargne des Français. De l’autre, les entreprises se sont fortement endettées pour faire face aux conséquences économiques de la crise sanitaire. Or, cette hausse de l’endettement peut constituer un frein à la reprise, dès lors qu’elle est de nature à restreindre la capacité d’investissement des entreprises françaises. Il est dès lors essentiel de rééquilibrer le rapport entre ces deux principales sources de financement – leur dette et leur fonds propres – en renforçant ces derniers. Il s’agit là d’un des axes majeurs du plan de relance, avec des moyens publics considérables engagés à cette fin. Mais, au-delà du déploiement de moyens publics, l’épargne peut aussi contribuer à répondre à ce besoin de renforcement des fonds propres si elle est investie dans les produits appropriés, d’où la création du label relance. En rendant visibles, pour l’épargnant, les fonds d’investissement à même de répondre aux besoins de financement des entreprises françaises, le label permettra de favoriser la mobilisation de l’épargne en faisant appel aux Français qui veulent œuvrer pour la relance, le bon développement des PME et ETI françaises et, plus largement, qui souhaitent donner du sens à leur épargne.  

"Il est très difficile de prévoir le volume de financements octroyés aux entreprises françaises qui ne l'auraient pas été en l’absence du label"

Le ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance est à l’origine de la création de ce label, mais la nécessité de davantage orienter l’épargne vers l’investissement en fonds propres, dans le respect du devoir de conseil, est un constat très largement partagé, par les entreprises, les gestionnaires d’actifs mais aussi les associations d’épargnants, alors que les placements traditionnels ne sont plus à même d’offrir un rendement attractif dans un contexte de taux bas. Du reste, la charte du label relance a fait l’objet d’intenses consultations et a été co-construite avec ces différents acteurs. Le lancement du label a en outre été acté par un accord de place, signé le 19 octobre dernier. En ce sens, le label relance est une certification de place. Sa gouvernance associe représentants des gestionnaires d’actifs, des distributeurs, d’intermédiaires financiers et d’épargnants.

Quels sont les objectifs de cette certification ?

Il importe de rester très prudent car le nombre de fonds labellisés et leur encours dépendront de la capacité de chacun à se saisir du dispositif. Il est par ailleurs très difficile de prévoir le volume de financements qui seront octroyés aux entreprises françaises et qui n’auraient pu être mobilisés en l’absence du label. Pour autant, les premiers chiffres sont très satisfaisants : un peu plus d’un mois après le lancement du label, 51 fonds ont déjà obtenu le droit d’utiliser le label relance. Ces chiffres sont encourageants car il importe que le nombre de fonds labellisés soit suffisamment important – tout en assurant une sélectivité suffisante dans l’ouverture du droit à utiliser le label – pour que chaque distributeur dispose rapidement d’une gamme large et diversifiée de fonds à proposer aux épargnants, selon les préférences et la sensibilité au risque de chacun.  

"Le label relance s’adresse aux Français prêts à l’investir dans des produits un peu moins liquides et garantis, mais plus rémunérateurs"

Les conditions, relativement ouvertes, d’octroi du label laissent-elles présager des contrôles plus poussés de la part du comité du label ? N’y a-t-il pas un risque de voir ce label comme un outil marketing ? 

Afin de garantir un déploiement rapide de ce label de place – ce qui est indispensable pour qu’il puisse pleinement produire ses effets dans le cadre de la relance –, nous avons fait le choix de ne pas recourir à des organismes certificateurs et de limiter les obligations prévues dans la charte du label à l’indispensable : part significative de l’actif investi dans les fonds propres d’entreprises françaises, et notamment de PME et ETI, engagement de participer à un nombre minimal d’opérations d’augmentation de capital, exclusion du charbon, suivi d’objectifs ESG par le biais de notes ou d’indicateurs avec une dynamique d’amélioration des caractéristiques ESG des entreprises du portefeuille, etc. La direction générale du Trésor est chargée de contrôler le respect des critères du label. La plupart de ces obligations doivent être retranscrites dans la documentation réglementaire des fonds labellisés, ce qui permet d’assurer la crédibilité du label. Les fonds labellisés devront également remplir des obligations de transparence semestrielles (reporting) sur le respect des critères de la charte, dont le respect sera dûment contrôlé par la direction générale du Trésor. Tous ces éléments sont de nature à assurer la crédibilité du label, qui doit favoriser la mobilisation de l’épargne vers des produits utiles pour la relance mais peut également être un précieux outil d’éducation financière, en démontrant la valeur ajoutée de l’épargne investie en actions, tout particulièrement dans un contexte de taux bas.

"Afin de garantir un déploiement rapide du label nous avons fait le choix de limiter les obligations prévues à l’indispensable "

Le label relance convient-il à tous les profils de risque des épargnants ? 

Le label relance s’adresse aux Français qui disposent d’une capacité d’épargne et qui sont prêts à l’investir dans des produits un peu moins liquides et garantis mais plus rémunérateurs. Il est certain que l’épargne de précaution n’a pas vocation à s’investir significativement dans des fonds labellisés relance, dès lors que le portefeuille de ces fonds est généralement quasi-exclusivement composé d’actions, cotées ou non, et notamment de PME et d’ETI. Pour autant, la gamme de fonds labellisés reste suffisamment diversifiée pour que nombre d’épargnants puisse y souscrire. Au-delà des fonds de capital-investissement, qui peuvent pour partie être souscrits par des investisseurs non-professionnels, les fonds labellisés comprennent également des fonds investis dans des valeurs cotées de type OPCVM (plus du tiers des fonds labellisés à date), davantage susceptibles d’être souscrits par le grand-public, par exemple via l’assurance-vie, l’épargne salariale, le PEA et le PEA-PME.

"Le label relance est une certification de place"

Quel premier bilan dressez-vous de cette nouvelle certification quelques semaines après son lancement ?

Un peu plus d’un mois après le lancement du label, le premier bilan est très satisfaisant. Le nombre de labellisations montre que les sociétés de gestion de portefeuille se sont bien approprié ce dispositif dans leur ensemble, y compris du côté des sociétés de gestion de taille plus réduite, qui sont très représentées dans les dossiers déposés dernièrement. Au 16 novembre, 51 fonds avaient reçu le droit d’utiliser le label relance, dont une vingtaine de fonds grand-public et une douzaine de fonds de capital-investissement ouverts aux investisseurs non-professionnels. Les demandes continuent d’affluer à un rythme soutenu, mais nous restons en mesure de répondre aux sociétés de gestion candidates sous une dizaine de jours.

Il revient désormais aux distributeurs de référencer ces produits et de les proposer à leur clientèle, dans le respect du devoir de conseil, conformément à l’appel émis, dans le cadre de l’accord de place du 19 octobre, par la fédération française de l’assurance, la fédération bancaire française, l’association nationale des conseils financiers et la chambre nationale des conseils en gestion de patrimoine. 

Propos recueillis par Sybille Vié

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