En charge du digital et des systèmes d’information du groupe Engie, Yves Le Gélard revient sur les effets de la crise sanitaire, la stratégie multi-cloud menée par le groupe et les nouveaux enjeux autour de la data, grand chantier interne des années à venir.

Décideurs. En tant que CDO du groupe Engie, quel est votre scope ?  

Yves Le Gélard. Je suis en charge à la fois de l’IT, du digital – les logiciels techniques au service des métiers -, et de la data, trois métiers très complémentaires qui nécessitent des compétences proches. Ces trois métiers représentent au sein du groupe Engie 4 000 collaborateurs dans le monde et 4 000 partenaires/sous-traitants, soit au total une population de 8 000 personnes, dont 6 000 en France.  

Quels ont été les effets de la crise sur la transformation digitale du groupe Engie ? 

Il y a cinq ans, j’ai fait le choix du “Cloud first”. Aujourd’hui environ 80% de nos applicatifs sont dans le cloud. Nous étions donc prêts quand la crise a pris de court tout le monde en mars 2020.  

"Aujourd’hui environ 80% de nos applicatifs sont dans le cloud"

Par ailleurs, ce fut un moment très étonnant. Nous avons reçu des centaines de messages de remerciement de la part des collaborateurs à travers le monde. Dans l’informatique, le silence est un compliment, on nous appelle généralement quand il y a un problème et non pour nous remercier. Les personnes en charge des « fondations » IT, sur les datas centers, les postes de travail, les réseaux, ou encore la Wi-fi, ont ainsi été mises en lumière et reconnues.  

Cloud : avec quels fournisseurs travaillez-vous ? 

Nous travaillons avec AWS et Microsoft Azure. Nous menons également des programmes pilotes avec Google Cloud qui offre une troisième voix,  notamment avec une bibliothèque de logiciels sur les systèmes de pointe très intéressante. Nous travaillons aussi avec des opérateurs français : OVH, Outscale [filiale cloud de Dassault Systèmes, Ndlr] et Docaposte.  

" Nous devons avoir une vraie stratégie à la fois multicloud et multifournisseur pour répondre aux besoins de notre clientèle"

Nous nous adaptons à nos clients qui nous demandent parfois une offre 100 % souveraine. Il faut garder à l’esprit que Engie est un groupe mondial. Le fait d’avoir une offre souveraine française n’intéresse pas nos clients brésiliens. Nous devons en revanche avoir une vraie stratégie à la fois multicloud et multifournisseur afin de répondre aux besoins de notre clientèle et ne pas être dépendant d’un seul prestataire. 

Quelle typologie de clients vous demande ces offres souveraines ? 

Nos clients publics essentiellement car les groupes privés sont dans la même problématique que nous : ils veulent un système qui puisse fonctionner de Shanghai à Santiago du Chili mais actuellement, il n’y en a que deux. Seuls AWS et Microsoft Azure offrent ce champ d’action.  

Par ailleurs, il faut souligner le travail remarquable mené par Cédric O [secrétaire d’État en charge du numérique, Ndlr], qui a engagé des discussions avec Google et Microsoft. Celles-ci ont abouti en mettant à disposition leurs logiciels auprès des entreprises françaises via des licences. Le groupe Thalès a ainsi choisi Google pour son « cloud de confiance » et Orange s’est allié à Microsoft. Pour le groupe Engie, c’est une excellente nouvelle puisque nous avons une offre à la fois 100% souveraine et qui couvre le monde entier. Cette initiative du gouvernement est pionnière, innovante et pragmatique. 

Où en est votre entité « Engie Digital », dédiée aux unités opérationnelles ? 

Créée il y a cinq ans, cette entité est un éditeur de logiciels métiers qui fonctionne avec un mode de facturation à l’usage donc en mode SaaS. Ce qui tire le digital dans l’énergie aujourd’hui, c’est le temps réel car l’électricité se stocke difficilement. C’est pourquoi l’internet des objets (IoT), qui permet ce contrôle et mesure en temps réel, est la technologie la plus importante pour nous. 

"L'internet des objets représente un élement essentiel de compétitivité pour toutes nos unités à travers le monde"

Elle représente un élément essentiel de compétitivité pour toutes nos unités à travers le monde. Il y a deux ans, nous avons décidé de rationnaliser notre portefeuille de solutions dans le domaine de l’IoT – à l’époque une soixantaine –pour nous concentrer sur une dizaine de grands logiciels métiers. Depuis le 1er novembre 2021, c'est Charlotte Alardet qui pilote Engie Digital, avec un effectif de 400 développeurs de logiciels sur trois studios de développement de logiciels dans le monde, à Paris, Rio et Houston. 

Quelle est votre stratégie data ? Comment accompagnez-vous les métiers pour qu’ils passent à l’échelle ? 

Nous avons lancé le chantier de la data il y a deux ans et demi. Et nous œuvrons en interne à expliquer que la donnée est un bien commun.  Pour cela, un environnement a été construit dans lequel chacun apporte sa donnée et ne peut accéder à celle des autres que s’il a apporté la sienne. C’est sur cette infrastructure unique, baptisée « Common Data Hub », que nous chargeons l’intégralité des données. Puis, une stratégie API très volontariste a été mise en place afin que les connecteurs qui permettent ces échanges de données soient les plus nombreux possible. Ce travail est coordonné par une trentaine de CDO présents dans chaque entité opérationnelle du groupe dans le monde. 

Je constate une différence fondamentale entre le logiciel et la data. Il est en effet très difficile de faire en sorte qu’un même logiciel soit adopté par toutes les entités. Pour la data en revanche, le partage n’a jamais été un enjeu de pouvoir. 

Quels projets menez-vous en matière d’IA et de blockchain ? 

L’IA est le quotidien d’Engie aujourd’hui car nous faisons du machine learning en permanence. Concernant la blockchain, nous l’abordons sous deux aspects : d’abord pour la certification d’origine d’une production renouvelable, avec une équipe dédiée qui travaille à Station F, c’est le projet TEO, et, via la start-up « Archipels » que nous avons lancée en 2019 avec EDF, La Poste et la Caisse des Dépôts. Sa mission est d’utiliser la technologie blockchain pour lutter contre la fraude aux attestations. Archipels met ainsi à la disposition des banques les informations précises de nos factures pour, entre autres, confirmer/certifier l’adresse d’une personne ou d’une société.  

Propos recueillis par Anne-Sophie David 

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