Photographie en couleur de la famille des cabinets d’avocats d’affaires, le Décideurs 100 affiche cette année des visages souriants. Derrière les référentiels en baisse, une stratégie gagnante de consolidation du marché et une politique consistant à profiter de la reprise afin de faire croître la productivité. Décryptage des faits marquants et structurants de l’année.

Resserrer les rangs, améliorer la performance. Les cabinets d’affaires ne se satisferont pas d’une reprise économique bel et bien là. Le Décideurs 100 témoigne à lui seul de la pugnacité des avocats que rien ne lasse. En effet, si le chiffre d’affaires total des 100 meilleurs cabinets est en baisse par rapport à l’année passée (de 10,27 %), le nombre d’avocats réunis dans ces structures également (10,38 % pour les avocats tous statuts confondus, 9,94 % du côté des associés). Traduction : les cabinets les plus performants se sont séparés de leurs avocats les moins productifs pour se concentrer sur les matières haut de gamme. Résultat : le revenu moyen par associé est en hausse de 3,24 %. Une stratégie gagnante favorisée par le contexte économique.

Treize opérations à plus d’un milliard d’euros

« Nous sortons de trois années explosives ! », commentait un spécialiste du M&A il y a quelques semaines. Cet avocat fait référence à la reprise des opérations de fusions-acquisitions depuis 2015. Puisque l’Europe est redevenue une terre attractive pour les investisseurs étrangers, la France en bénéficie. Portées par les politiques propices au développement des entreprises et par des conditions favorables de financement des opérations, les entreprises françaises ont été nombreuses en 2017 à finaliser des acquisitions. Treize opérations au total affichent chacune un montant supérieur à un milliard d’euros.

L’acquisition du fabricant Ray Ban (Luxottica) par Essilor pour un montant de 46 milliards d’euros a été la plus marquante. Remarquables également, le rachat par Unibail-Rodamco de son concurrent australien Westfield pour 24 milliards de dollars américains avec la dette, celui de WhiteWave par Danone pour 11,4 milliards de dollars, l’entrée de l’allemand Siemens au capital d’Alstom à hauteur de 50 %, avec une valorisation de ses activités ferroviaires à 7 milliards d’euros… Mais aussi l’acquisition de Zodiac par Safran pour 8,7 milliards d’euros, celle de Gemalto par Thales pour 5,6 milliards d’euros, la vente du spécialiste français de la radiopharmacie Advanced Accelerator Applications (AAA) au groupe suisse Novartis pour 4 milliards de dollars ou encore le rachat par Suez de GE Water pour 3,2 milliards d’euros. Sans oublier la cession de Body Shop par L’Oréal au brésilien Natura Cosmeticos SA pour un milliard d’euros.

Une longue liste qui confirme que grâce à des taux d’emprunt particulièrement bas, la stratégie des entreprises est bien de multiplier les acquisitions. Selon le rapport M&A Insights du cabinet Allen & Overy paru en fin d’année 2017, le montant des opérations réalisées en Europe est en hausse de 34 % alors que leur nombre est en baisse de 10 %. Et pour cause, les valorisations ont atteint des sommets, jamais égalés depuis 2007. On parle de quinze fois l’Ebitda pour certaines opérations.

Lors de la fusion entre Alstom et les activités ferroviaires de Siemens, quatre cabinets se sont illustrés : Latham & Watkins, Freshfields, Cleary Gottlieb et Darrois.

Concentration du marché des corporate law firms

Dans ce contexte d’euphorie, les cabinets d’avocats positionnés sur les deals affichent pour la plupart des revenus en hausse. Les activités de M&A, de capital développement, de private equity, de financement de projets, aussi bien que les expertises en droit fiscal ou droit économique sont particulièrement florissantes. Bredin Prat par exemple, qui conseille historiquement Danone et Carrefour, a travaillé sur les dossiers Essilor/Luxottica et Safran/Zodiac. Lors de ce deuxième deal se trouvaient face à lui les cabinets BDGS, Jones Day et Stehlin & Associés (aux côtés de Safran). Darrois Villey a été le principal conseil d’Unibal-Rodamco lors de l’acquisition de Westfiled Corporation, un dossier dirigé par Marcus Billam et Hugo Diener. Lors de la fusion entre Alstom et les activités ferroviaires de Siemens, quatre cabinets se sont illustrés : Latham & Watkins, Freshfields, Cleary Gottlieb et Darrois. Ce dernier a aussi conseillé Gemalto pour son acquisition par Thales, accompagné de son côté par Cleary Gottlieb. Shearman & Sterling et Davis Polk ont travaillé sur le dossier Novartis/AAA. Sur le deal Suez/GE Water étaient présents Davis Polk, White & Case, Latham & Watkins, Weil Gotshal et Allen & Overy.
Un rapide tour d’horizon révélateur d’un marché des cabinets positionnés sur les plus gros deals indéniablement concentré.

Des stars changent de maison

Assurés d’être portés par une forte activité corporate, ces cabinets haut de gamme se sont permis, pour certains, de resserrer les rangs en se délestant de leurs éléments les moins productifs. Ainsi, plusieurs anglo-saxons affichent un nombre d’avocats en baisse. C’est le cas de Cleary Gottlieb (-22 %), White & Case (-20 %), Weil Gotshal (-9 %), Skadden (-7 %), Linklaters (-6 %) ou bien Willkie Farr & Gallagher (-4 %). Ceci n’affecte pas leur niveau de rentabilité, les cabinets cherchant même à l’augmenter.

Cette année, ce sont les stars qui ont changé de maison

Cette effervescence est assortie d’une année marquée par des mouvements très visibles d’avocats. Et ce sont des stars qui ont changé de maison (voir Les plus beaux mouvements). Car, si le baromètre Day One - qui recense les mouvements d’associés dans les cabinets d’avocats d’affaires - fait apparaître une très légère baisse de 2 % en 2017 par rapport à 2016.

Le plus visible, pour être positionné sur les fusions-acquisitions complexes depuis plus de vingt-cinq ans, est Olivier Diaz, qui retrouve Gide chez qui il était déjà associé entre 1990 et 1998. Après quatorze ans chez Darrois, l’avocat avait tenté l’aventure chez Skadden durant trois ans. Il revient aujourd’hui à ses premières amours et renforce notablement la réputation du géant français sur les opérations d’ampleur. Très remarquée également, l’arrivée chez August Debouzy de Bernard Cazeneuve, qui redémarre une carrière d’avocat afin de lancer une offre en matière d’éthique d’entreprise au sein du cabinet français. Autre homme politique à avoir basculé dans la profession : Jean-François Copé, qui travaille dorénavant aux côtés de Marc-Pierre Stehlin. Elie Kleiman et David Syed sont deux chefs de file à avoir également quitté leur maison. Le premier est resté plus de dix-sept ans chez Freshfields et y a effectué deux mandats de managing partner. Figure incontestée de l’arbitrage et du contentieux international, il a rejoint l’américain Jones Day. David Syed a, quant à lui, quitté Orrick, un cabinet pour lequel il avait co-orchestré la fusion avec Rambaud Martel. Il en codirige ensuite la stratégie entre Paris et Londres. Il exerce dorénavant chez Dentons dans l’objectif de prendre en charge le dossier de la restructuration de la dette vénézuélienne. Très belle prise pour le géant international, parvenu à séduire également Marianne Schaffner, qui avait construit la réputation de Dechert en IP/IT.

Du côté des quadras têtes d’affiche du barreau d’affaires, Kami Haeri a quitté August Debouzy pour l’américain incontournable en contentieux et arbitrage, Quinn Emanuel, tandis que Thierry Tomasi, qui s’illustre dans la même spécialité, rejoint Herbert Smith Freehills après avoir cofondé la boutique haut de gamme Betto Seraglini en 2012. La structure a, entre-temps, attiré l’ancien Garde des Sceaux Dominique Perben et l’avocate Gaëlle Filhol.

Cette valse des associés est complétée par la multiplication des créations de cabinets ultraspécialisés

Cette valse des associés est complétée par la multiplication des créations de cabinets ultraspécialisés. En d’autres termes, alors qu’il y a encore quelques années, les avocats se concentraient sur des boutiques de niche en corporate, droit fiscal ou social, ils répondent maintenant aux attentes d’un marché de plus en plus exigeant en fournissant un service de pointe. Dans la liste des créations de cabinets recensés entre mi-2017 et mi-2018 (voir Les créations de cabinets), seules deux structures sont spécialisées en corporate-tax, Apollo Avocats et Arc Paris Avocat. En revanche, le segment management de contrat mobilise Aperwin, fondé par Régis Mathieu et Jens Bürkle. Mar & Law propose un service en gestion des risques de l’entreprise, Atalex et Parallel en droit des technologies et des plateformes, tandis que Ulmann Edery, Adema Avocats, Orier Risser Avocats et LexCity Avocats sont dédiés au droit immobilier. La microniche est marquée par la création d’Odi-sé Avocats, qui fait du droit des transports et de l’aéronautique sa spécialité. De même que le droit pénal financier, un segment sur lequel sont positionnés tant Coat Haut De Sigy que Topaze Avocats.

Des renouvellements de stratégie

Le marché des cabinets d’avocats d’affaires français est aussi marqué par des renouvellements de la stratégie de certains d’entre eux, dont l’objectif est de grandir pour être mieux armés face aux anglo-saxons. Déjà, fin 2016, la fusion LPA-CGR illustrait cette tendance puisque la nouvelle structure portait ainsi son effectif à 180 avocats avec une présence dans plusieurs capitales d’Europe, d’Asie, d’Afrique et du Moyen-Orient. Les mois qui ont suivi cette annonce ont vu d’autres opérations se concrétiser. Viguié Schmidt a fusionné avec SLVF, constituant ainsi un cabinet d’une trentaine d’avocats appartenant à deux générations différentes : les deux entités sont en effet nées d’une démarche entrepreneuriale similaire à dix ans d’écart. Au début de l’été 2017, BCW & Associés et Lerins Jobard Chemla Avocats ont annoncé l’union de leurs équipes comptant dorénavant 50 avocats. Un palier nécessaire pour se positionner aux côtés de grandes entreprises pour le traitement de leurs problématiques corporate et de leur contentieux. UGGC & Associés a lui aussi réalisé son opération de croissance externe en accueillant David Gordon-Krief accompagné de ses associés Sophie Erignac-Godefroy et Julien Mayeras et de leurs collaborateurs.

D’autres rapprochements ont eu lieu au cours de l’année, dont ceux entre Lexcase et Blum & de Carlan, Gatienne Brault et MF2A pour créer Stance Avocats, Claisse & Associés et Antoine Gitton Avocats, mais aussi Pamina Avocats, qui a intégré le cabinet Ader Jolibois fragilisé depuis le départ du vice-bâtonnier et fils du fondateur Basile Ader, pour August Debouzy. Et, programmée pour les prochains mois, l’intégration de la boutique dédiée au droit économique Fréget-Tasso de Panafieu au cabinet Veil Jourde.

À noter également le retour dans le paysage français de la marque Andersen grâce au renouvellement du positionnement de STC Partners vers ses fondamentaux, le corporate et le tax. Abandonnant le modèle d’un cabinet de 100 avocats tendant vers le full service, le cabinet a adopté le nom d’Andersen Tax & Legal, renforçant ainsi son alliance signée quatre ans auparavant avec le cabinet de conseil Andersen Global.

Concentration ou repositionnement

La frontière entre les différents modèles de cabinets devient de moins en moins poreuse. Les cabinets de niche, quelle que soit leur taille, comme Flichy Grangé Avocats, Capstan ou Fromont Briens en droit social ou Arsene en droit fiscal, ont montré leur force dans l’objectif de se positionner sur les plus importants dossiers corporate M&A (cf. Les cabinets de niche les plus performants). Les cabinets indépendants de taille moyenne (entre 20 et 80 avocats) qui ont connu des difficultés à homogénéiser leurs offres et à attirer des talents amorcent un virage : celui de la concentration ou du repositionnement. Leur choix : nouer des alliances pour grandir rapidement ou se recentrer sur leur(s) spécialité(s) en retrouvant une taille assurant un haut niveau de rentabilité. En parallèle, tant les cabinets que les avocats qui les dirigent préparent l’avenir de leur profession. Par exemple, ceux déjà positionnés auprès des institutions sportives s’apprêtent à accueillir les dossiers en lien avec l’organisation des Jeux olympiques à Paris. Plus technique, l’entrée en vigueur du règlement européen relatif à la protection des données multipliera encore pour quelques mois, voire quelques années, les sollicitations des entreprises auprès des spécialistes de la matière. Raison pour laquelle ces derniers ont été nombreux à changer de maison ces derniers mois, les cabinets cherchant à se doter des meilleurs experts pour formaliser une offre devenue incontournable. Une tendance qui confirme que la course aux talents est encore et toujours le nerf de la guerre.

Pascale D'Amore

 

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