Passion chevillée au corps, Vincent Lavenu a laissé s’exprimer sa fibre entrepreneuriale pour bâtir l’une des plus belles équipes cyclistes au monde. Avec l’indéfectible soutien d’AG2R La Mondiale, son partenaire depuis dix-neuf ans, il espère désormais assister au triomphe de son protégé, Romain Bardet, et ainsi remporter le Tour de France.

Décideurs. Vous avez fondé en 1992 la structure aujourd’hui devenue AG2R La Mondiale. Dans quel contexte est né votre projet et quels obstacles à sa réalisation avez-vous surmonté ?

Vincent Lavenu. Jeune cycliste, j’ai eu très vite l’ambition de perdurer dans mon sport. J’ai très tôt imaginé diriger des ­coureurs, monter une structure. C’est au gré des rencontres que ce projet s’est affiné. Au début des années 1990, il n’y avait que trois équipes professionnelles dans le ­peloton. Il a donc fallu convaincre des entrepreneurs de me suivre. Alain Chazal fut le premier à me donner ma chance. Avec l’appui d’un co-partenaire, l’entreprise Vanille et Mûre, nous avons pu créer une équipe familiale, reposant sur la passion et l’envie. Celle-ci a très ­rapidement montré un comportement sportif ­intéressant en décrochant sept ­victoires dès sa première année d’existence.

Trouver des sponsors est la clé de voûte du cyclisme moderne. La passion est-elle le fil conducteur pour les séduire et tisser un lien durable avec eux ?

La passion ne suffit pas mais reste un ­élément incontournable. Les décideurs préfèrent s’engager aux côtés de personnes passionnées. Il est pour eux rassurant de savoir que vous serez totalement investi pour défendre une cause, une philosophie.

La passion peut aussi conduire à faire de mauvais choix. Lui attribuez-vous certains de vos échecs ?

Elle peut vous aveugler et vous faire perdre certaines réalités. Une situation que l’on rencontre le plus souvent dans nos ­rapports avec les athlètes. Se fier, par exemple, uniquement à son feeling pour privilégier une stratégie ou un coureur peut conduire à des erreurs de jugement. Il est donc nécessaire de trouver le bon ­compromis entre le ­ressenti humain et l’analyse technique. Pour cela, nous nous appuyons sur les données scientifiques transmises par les entraîneurs. Nous avons aussi mis en place un centre de formation pour faire grandir nos coureurs. Cette structure offre la possibilité de bien suivre l’évolution sportive mais aussi humaine de nos plus jeunes talents.

Sur quelles valeurs et principes repose votre management ?

La valeur collective et le partage sont les socles de notre projet. La priorité est ­donnée à l’équipe. Si le sport de haut niveau favorise l’émergence de tempéraments individualistes, la difficulté du cyclisme ramène à l’humilité. évidemment dans toutes les équipes, il y a des leaders, comme Romain Bardet, qui se construisent grâce à leur travail, leurs valeurs, leur éducation et le soutien de l’équipe. Ces sportifs ont souvent un ego important, sinon ils ne seraient pas de grands champions. Nous veillons cependant à les placer dans un esprit collectif grâce à des échanges ­quotidiens.

Vous avez dans votre équipe l’un des plus grands talents du cyclisme français des vingt dernières années, Romain Bardet, mais aussi l’un des plus solides espoirs, Pierre Latour. Comment concilier les ­ambitions du premier sans freiner la ­progression du second ?

La densité du calendrier des compétitions permet à chacun de s’exprimer. De nombreuses équipes ont plusieurs leaders dans leur effectif. Il y a quelques années, Jean-Christophe Peraud avait terminé deuxième du classement général du Tour de France avec Romain Bardet à ses côtés. Romain avait montré tout son potentiel en finissant à la sixième place. Désormais, il est le leader de l’équipe. Aujourd’hui Pierre Latour n’est pas encore prêt pour être le leader unique sur un grand Tour mais pourrait le devenir en fin d’année lors du tour d’Espagne.

Propos recueillis par Aurélien Florin

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