L’attractivité des territoires s’impose comme un enjeu essentiel, autant pour les collectivités que pour les entreprises. Comment le marketing territorial permet-il d’agir positivement pour cette valorisation ? Quelles sont les subtilités de cette approche ? Éclairage avec Vincent Gollain, expert de la discipline et directeur du département d'Économie de l’Institut Paris Région.

Décideurs. Quelles sont les spécificités du marketing territorial ? Est-il finalement un marketing comme un autre ?

Vincent Gollain. Oui et non. Il s’imprègne en effet de la logique du marketing d’entreprise qui implique de se mettre à la place de l’autre en répondant à ses besoins avec une charge empathique forte. Mais il trouve son essence dans un objet social et collaboratif permettant d’agir positivement sur le territoire. Il ne faut pas le confondre avec le marketing des collectivités qui s’intéresse à la valorisation des biens et services des administrations locales, ni au marketing politique visant à susciter la reconnaissance des habitants.  En s'inspirant du Mercator, la bible du marketing, on peut définir le marketing territorial comme l'effort collectif de valorisation et d'adaptation des territoires à des marchés concurrentiels pour influencer, en leur faveur, le comportement des publics visés par une offre dont la valeur perçue est durablement supérieure à celles des concurrents. Le marketing territorial vise donc à renforcer les liens entre les acteurs d’un territoire, mais aussi et surtout, à séduire des publics extérieurs choisis.

Quels sont les points clés, selon vous, pour réussir une telle démarche ?

C'est avant tout un état d'esprit qui consiste à bien connaître son territoire, mais aussi et surtout à penser clients et usages. En regardant son territoire comme un habitant, touriste, salarié... on change alors de perspective et l'appréciation des points de progrès apparaît plus nettement. On évite l'auto-intoxication consistant à se penser au « cœur du monde ». Cela invite à une certaine modestie mais aussi à une certaine fierté. La démarche fondamentale est de mobiliser les acteurs clés agissant en faveur de l'attractivité d’un territoire. Si l’on travaille sur l'attractivité économique, il s’agit de chercher celles et ceux qui y contribuent : entreprises, chambres de commerce, agences de développement, collectivités territoriales, universités, etc. Si l'attractivité culturelle est visée, il s’agit de faire de même avec les acteurs de la culture, des loisirs, du tourisme mais aussi du commerce et de la restauration. L’idée centrale est de rassembler les principaux acteurs menant des actions en ce sens. C’est un projet commun, partagé, collaboratif.

Quels sont les acteurs du marketing territorial ?

L'activité est généralement initiée et pilotée à l'échelle stratégique par les acteurs locaux (collectivités territoriales voire chambres de commerce ou représentants de l'État) et mise en œuvre par des organismes spécialisés (agence de développement, comité du tourisme, pôle de compétitivité, agence d'attractivité) ou des regroupements d'acteurs dans le cas d'un marketing lié à une politique de marque ombrelle (exemples : Hamburg Marketing, OnlyLyon, Amsterdam Marketing, etc.).  Les efforts collectifs fournis dans le marketing territorial visent à influencer des prises de décisions individuelles ou collectives pour améliorer les résultats du territoire en matière d'attractivité. Ces résultats profiteront à tous : création d’emploi, chiffre d’affaires supplémentaire, fréquentation d’équipements publics ou d’événements… Attention, cette amélioration ne veut pas dire obligatoirement augmentation des flux. En effet, pour certaines destinations économiques ou touristiques, l'objectif de la stratégie marketing peut être de réduire les arrivées de visiteurs et en même temps d’augmenter la qualité ou les retombées de ces flux. C'est le cas des destinations sur-fréquentées pour ce qui est du tourisme par exemple.

Les Gilets jaunes ont mis les difficultés de certains territoires sur le devant de la scène. Comment avez-vous perçu leur problématique en résonance avec votre approche ?

Les territoires ont été configurés depuis une trentaine d’années avec une approche fonctionnelle et rationnelle de division des espaces : les infrastructures d’une part, le commercial d’autre part, les services et ainsi de suite… La pensée fordiste qui soutient cette vision mécanique a de nombreux effets pervers nettement visibles aujourd’hui. La concentration des entreprises et des services publics a entraîné l’affaiblissement de certains territoires, gagnés progressivement par une désertification économique et des services publics. Ce fonctionnement n’entraîne pas de la création de valeur, mais son déplacement. Couplé à la périurbanisation, ce système provoque des difficultés multiples. L’augmentation du coût de transport peut induire pour certains habitants une difficulté croissante à se déplacer pour se rendre au travail ou participer à des activités associatives et sportives. Cette crise révèle que l’on ne peut faire la même chose partout. Sans être le remède miracle, le marketing territorial peut s’avérer constructif pour des territoires en difficulté tant pour valoriser leurs atouts, restaurer les identités locales, intensifier la confiance en l’avenir des habitants et surtout recréer des liens.

Avez-vous un exemple particulièrement significatif d’une démarche réussie de marketing territorial ?

Plutôt que de prendre un cas récent, il est intéressant d’observer, sur la durée, la stratégie marketing de l’Auvergne qui a marqué la seconde partie des années 2000.  Durant cette période, l’Auvergne a particulièrement bien su moderniser son image et cibler des populations urbaines, notamment des Parisiens sur certaines tranches d’âge afin qu’ils s’installent sur le territoire. Cette stratégie sur le marché de la mobilité des individus a été remarquablement menée avec des campagnes digitales comme « Les urbanophiles », dès 2008, des mini-films montrant leurs nouvelles vies en Auvergne, et renvoyant à des valeurs à la fois de naturalité et de modernité. Pour attirer davantage de demandeurs d'emploi tentés par la mobilité, la région Auvergne avait également lancé "New Deal de l'Auvergne" qui consiste à proposer de payer le loyer de nouveaux venus à concurrence de 500 euros par mois, pendant leur période d'essai de trois mois. L’Auvergne résumait son offre ainsi : « 1 emploi + 1 logement offert = le new deal de l'Auvergne Un new DEAL, Des Emplois Avec Logements, pour mieux vivre, c'est nouveau et c'est uniquement en Auvergne ». L’image de l’Auvergne à l’international s’est également affirmée avec des résultats en matière de notoriété touristique. Elle figure dans le top 10 des régions à visiter selon Lonely Planet… Ce qui n’est plus vraiment un étonnement pour ses habitants.  Cette démarche montre qu’en alignant un ensemble d’actions et outils marketing pour agir par le marketing auprès de publics précis, dont les comportements ont été étudiés en profondeur, on peut parvenir à des résultats positifs en ce qui concerne l’attractivité. Ce retour d’expérience positif, associé à de nombreux autres, ont permis de créer une boîte à outils particulièrement utile à celles et ceux qui veulent développer l’attractivité de leurs territoires par le marketing territorial.  

Propos recueillis par Laetitia Sellam

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