Bien que présente dans les politiques d’entreprise depuis plusieurs décennies, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, désormais dénommée « la gestion des emplois et des parcours professionnels » (GEPP), n’a été consacrée en tant que telle qu’avec la loi n°2005-32 du 18 janvier 2005 pour la programmation de la cohésion sociale instaurant une obligation triennale de négocier à ce sujet, notamment dans les entreprises et groupes d’au moins trois cents salariés.

Les liens existant entre cette gestion prévisionnelle et la stratégie de l’entreprise, la formation ou encore les mobilités professionnelle et géographique ne cessent d’être renforcés au gré des réformes afin d’en améliorer l’efficience.

Ainsi, depuis la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, la négociation sur la GEPP doit :

- s’appuyer sur les orientations stratégiques de l’entreprise donnant lieu à consultation du Comité d’entreprise ;

et

- porter sur les grandes orientations à trois ans de la formation professionnelle mais aussi les objectifs du plan de formation s’agissant en particulier des catégories de salariés et d’emplois prioritaires et des compétences et qualifications à acquérir.

Cette même loi a également permis de négocier, dans le cadre de la GEPP, des accords de mobilité interne primant, dans certaines limites, sur les contrats de travail sous réserve de l’accord préalable des salariés dont le refus pouvait conduire à leur licenciement individuel pour motif économique.

La loi n°2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale a quant à elle enrichi la GEPP de la négociation des critères et modalités d’abondement du compte personnel de formation (créé en remplacement du droit individuel à la formation).

L’ordonnance Macron n°2017-1385 du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective pourrait constituer une nouvelle pierre à l’édifice et contribuer à donner davantage de portée aux accords de GEPP, encore trop souvent décriés en raison de leur inefficacité. Cette ordonnance simplifie, assouplit et sécurise les accords de mobilité interne en les fusionnant avec les accords de maintien dans l’emploi et les accords de préservation ou de développement de l’emploi.

Alors que l’accord de mobilité interne ne permettait pas d’envisager une diminution de la rémunération ou le prononcé d’un licenciement économique individuel sans risque de remise en cause ultérieure, le nouvel accord permet, entre autres, d’aménager la rémunération avec pour seule exigence le respect des minima légaux et conventionnels et de prononcer, en cas de refus de la modification par le salarié, un licenciement sui generis exempt de toute contestation (notifié dans les mêmes conditions qu’un licenciement pour motif personnel, avec abondement du compte personnel de formation selon des modalités définies par un décret à venir).

Aussi, l’intégration du congé de mobilité « revisité » par l’ordonnance Macron n°2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail comme thème de négociation possible de la GEPP comporte une symbolique forte. Jusqu’à présent réservé aux entreprises relevant du congé de reclassement, le congé de mobilité visait à accompagner les salariés concernés par un licenciement économique (actions de formation, périodes de travail…) dans le cadre de la rupture d’un commun accord de leur contrat dont ils conservaient la faculté de contester le motif économique. Sa mise en place pourra désormais être négociée en dehors de ce cadre spécifique dans toute entreprise assujettie à l’obligation de négocier sur la GEPP.

La mobilité externe se trouve ainsi consacrée en tant qu’outil de gestion prévisionnelle.

Au-delà de ces mesures, l’ordonnance Macron susvisée relative au renforcement de la négociation collective vient accroitre encore davantage la flexibilité offerte aux entreprises dans la manière de mener les négociations obligatoires. Là où la loi n°2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi leur permettait d’adapter avec les organisations syndicales représentatives par voie d’accord collectif la périodicité et le nombre des négociations et/ou d’en regrouper les thèmes, ces thèmes font désormais eux aussi partie du champ de la négociation. Le nouvel article L. 2242-11 du Code du travail précise ainsi que l’accord collectif doit notamment préciser les thèmes de négociation sans toutefois pouvoir dispenser les entreprises d’une négociation quadriennale sur la rémunération, le temps de travail, le partage de la valeur ajoutée, l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail.

Est-ce à dire que les négociateurs pourraient ainsi s’exonérer de la négociation sur la GEPP, laquelle ne serait obligatoire qu’en cas d’accord l’imposant ou en l’absence d’accord en application des dispositions supplétives du Code du travail maintenant les trois blocs de négociations obligatoires ?

La réponse à apporter à cette question est à notre sens négative tant d’un point de vue juridique (le principe d’une négociation sur la GEPP étant d’ordre public) que pratique, les entreprises ayant tout intérêt à s’orienter vers la négociation à l’heure où le législateur tend à faire du dialogue social l’un des meilleurs moyens de s’adapter aux évolutions économiques, technologiques, sociales en cours et à venir.

Audrey Gally avocat, senior associate - Capstan Avocats

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