Alors que les professionnels ont jusqu’au 30 septembre 2021 pour transmettre leur première déclaration annuelle de consommations réelles dans le cadre du décret tertiaire, Thierry Molton, directeur des actifs immobilier d'entreprise chez La Française REM, Virginie Wallut, directrice recherche et de l’ISR immobilier chez La Française REM, et Vincent Bryant, président Deepki, font un point sur les démarches entreprises et les premières difficultés rencontrées.

Décideurs. Moins d’un an avant l’obligation de transmission des données de consommations énergétiques à l’ADEME, où en sont les professionnels dans leurs démarches ?

Vincent Bryant : La France n’était jusque-là pas très en avance sur le sujet de la réglementation environnementale et énergétique. Mais notamment grâce au décret tertiaire, elle a rattrapé son retard et se retrouve désormais dans le trio de tête des pays les plus avant-gardistes sur ces sujets. Concernant les acteurs professionnels, nous distinguons plusieurs groupes. Les early-adopters comme La Française constituent le premier. Ce sont des groupes qui ont une politique ESG globale. Vient ensuite un deuxième groupe composé d’acteurs pour qui le décret tertiaire constitue l’occasion de traiter les questions énergétiques. Enfin, un troisième groupe réunit les récalcitrants. Ils seront contraints par le name and shame ou bien réussiront à passer entre les mailles du filet. Au niveau de l’offre pour accompagner les professionnels dans leurs démarches en vue de respecter les objectifs du décret tertiaire, de nombreux bureaux d’études, plateformes logiciel et sociétés de conseil prennent position. Mais nous ne savons pas encore si ce sera suffisant pour répondre à la demande car tous les bâtiments à usage tertiaire de plus de 1 000 m² sont concernés. En définitif, le décret tertiaire, bien que complexe, a été bien reçu par la communauté immobilière, à l’exception des enseignes commerciales qui se sont battues pour faire évoluer ce texte.

Qu’en est-il chez La Française Real Estate Managers ?

Thierry Molton : Le décret tertiaire s’inscrit dans la droite ligne d’une série de mesures et d’outils déployés ces dernières années comme les annexes environnementales. De plus, il s’inscrit dans notre stratégie ESG qui met l’accent sur la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. Nous avons donc accueilli ce nouveau texte de façon positive. Et nous nous sommes attelés rapidement à sa déclinaison car nous avons un patrimoine conséquent : plus de 465 lignes d’actifs immobiliers, soit 2,1 millions de m², sont concernés par le décret tertiaire. Devant l’ampleur de la tâche, nous avons recherché un prestataire qui dispose d’une plateforme robuste et d’un savoir-faire éprouvé pour nous accompagner et notre choix s’est porté sur Deepki afin de collecter les données nécessaires et de les consolider. Le recueil est en cours.

Qu’est-ce que le décret tertiaire change concrètement dans la stratégie de La Française Real Estate Managers ?

Virginie Wallut : Dans toute politique ESG, il y a toujours un volet qui concerne l’énergie. Nous avions donc commencé à traiter le sujet depuis plusieurs années. Le décret tertiaire va nous amener à systématiser la démarche et faciliter les benchmarks entre sociétés de gestion avec des données normées. Nos objectifs dépassent néanmoins ceux du texte car ce dernier n’adresse pas le sujet des émissions de gaz à effet de serre.

"La question de la ventilation des responsabilités entre preneur et bailleur fera l’objet de discussions pendant plusieurs années"

Quelles sont les principales difficultés rencontrées par les assujettis au décret ?

Thierry Molton : La principale difficulté que nous anticipons concerne la collecte des données des utilisateurs de nos immeubles. Nous en aurons besoin pour avoir une vision précise des consommations. Nous comptons environ 2 500 locataires dans notre portefeuille et chacun doit nous donner mandat pour que nous puissions récupérer les données. Nous devons ensuite identifier la bonne année de référence et définir la trajectoire à suivre pour atteindre l’objectif de réduction des consommations énergétiques des bâtiments de 40 % en 2030.

Virginie Wallut : La fameuse valeur seuil reste à définir. Par ailleurs, la question de la répartition du coût des travaux entre bailleur et locataire n’a pas été traitée. Il y a donc encore des sujets à régler et nous avons des difficultés à obtenir les précisions nécessaires.

Vincent Bryant : D’autres sujets suivront à moyen terme, à commencer par les difficultés pour trouver un prestataire afin de réaliser les audits et les études énergétiques. L’ampleur de la tâche est telle que nous allons être très sollicités. Quant à la question de la ventilation des responsabilités entre preneur et bailleur, elle fera l’objet de discussions pendant plusieurs années.

Quelles sont les clés pour surmonter ces problématiques à court terme ?

Thierry Molton : Malgré les zones d’ombres, nous devons avancer. Pour ce faire, nous avons décidé de prendre les chantiers un par un. Nous avons engagé la collecte de la donnée. Viendra ensuite le moment de fixer l’année de référence puis nous déterminerons les objectifs et la manière de les atteindre dans un troisième temps. 

Vincent Bryant : Sur nos 200 clients, une vingtaine seulement a effectivement lancé les démarches pour se conformer au décret tertiaire. Il va falloir mettre un coup d’accélérateur dans les prochains mois, même s’il n’est pas exclu que la date butoir du 30 septembre 2021 pour transmettre sa première déclaration annuelle de consommations réelles soit décalée de quelques mois, compte tenu de l’avancée des développements de la plateforme OPERAT chargée de les recueillir. Dans tous les cas, l’impulsion doit venir de la direction des groupes assujettis au décret pour être une réussite.

Propos recueillis par François Perrigault (@fperrigault)

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