Trop lourde, trop complexe et trop instable, la fiscalité française est régulièrement pointée du doigt pour expliquer le manque d’attractivité du pays. Une critique qui ne faiblit pas malgré les réformes engagées par le gouvernement depuis le début du quinquennat. Insuffisantes pour les uns, fluctuantes et tardives pour les autres, ces évolutions ne convainquent pas. Quelle voie reste-t-il alors pour relancer le pays dans la course à la compétitivité ? Voilà la question adressée aux chefs d’entreprise lors de l’université d’été du Medef.

Le Medef l’avait promis : pour la vingt-et-unième édition de son université d’été, l’organisation patronale changeait tout. Ou presque. Nouveau lieu, l’hippodrome de Longchamp, nouveau nom, la Ref (Rencontre des entrepreneurs de France), nouveau thème, « No(s) futur(s), climat, inégalités, conflits… Quel capitalisme demain ? ». Mais, et c’est peut-être là le plus important, la programmation semblait également avoir été repensée en profondeur au point de retrouver dans les intitulés des conférences un vocabulaire auquel le Medef ne nous avait pas toujours habitué. Notamment consacrés au « champ des partisans », à « l’obsession française pour l’égalité » ou à la nécessité d’un « grand soir fiscal », les débats promettaient d’avoir une saveur inhabituelle. Derrière ce vocabulaire gentiment provocateur, point de révolution pourtant. Toujours centrées sur les problématiques des dirigeants et entrepreneurs, les tables rondes ont abordé des thèmes politiques, juridiques, économiques d’actualité à l’image de celle consacrée à la question de savoir si une remise à plat du système fiscal hexagonal s’imposait.

Stabilité fiscale, un vœu pieux ?

Overdose, ras le bol, indigestion … Depuis quelque temps, l’adjectif « fiscal » semble ne plus pouvoir être associé à d’autres substantifs que ceux se référant à une pression difficilement soutenable. Il faut dire qu’en la matière, le pays collectionne les tristes records. Avec le taux de prélèvement obligatoire le plus élevé au monde, des impôts de production qui crèvent le plafond et une date de libération fiscale parmi les plus tardives de la planète, la France ne brille pas par sa légèreté fiscale.

Plus qu'une baisse des taux, la principale préoccupation des contribuables demeure la stabilité fiscale

De là à rêver d’une refonte totale du système d’imposition, il n’y a qu’un pas qu’il ne faudrait pas nécessairement franchir. En effet, plus qu’une baisse des taux, la principale préoccupation des contribuables demeure la stabilité fiscale. Or, faire tabula rasa de notre passé génerarait un défi technique et une phase d’incertitudes. Très peu propice au business, aux investissements et à l’emploi… « Notre grand problème demeure le manque de prévisibilité et d’intelligibilité du système fiscal », abonde Patrick Pouyanné, PDG de Total. Une critique d’autant plus regrettable qu’elle n’est pas nouvelle.

Épineuses niches fiscales

Si le grand soir fiscal n’est pas forcément souhaitable, des « petits matins » sont envisageables, comme l’explique Valérie Pécresse, présidente de la région Île de France. Pour restaurer ou renforcer l’attractivité du pays aux yeux des investisseurs étrangers, les pistes ne manquent pas à en croire l’élue qui plaide notamment pour une « suppression de la C3S » ou une « modification du système des zones franches afin de permettre aux régions d’adapter leur délimitation ». De son côté, Patrick Pouyanné assumant son penchant libéral plébiscite « un taux unique d’impôt sur les sociétés fixé à 15 % et la suppression de toutes les niches fiscales existantes, arguant qu’un impôt dont le taux est bas et l’assiette large est le plus juste ».  

Si le grand soir fiscal n'est pas forcément souhaitable, des "petits matins" sont envisageables

Une idée qui n’a pas manqué de faire réagir Gérald Darmanin. Le ministre du Budget garde en effet un souvenir contrasté de la suppression de l’ISF votée au début du quinquennat par la majorité. Alors que la réforme était accueillie favorablement par les contribuables, un vent de reproches a soufflé quand certains ont réalisé qu’en disparaissant, l’ISF entraînait avec lui dans la tombe la niche fiscale qui lui était attachée appelée ISF-PME. « Les niches fiscales représentent 100 milliards d’euros. Elles sont nombreuses, certes, mais elles bénéficient à beaucoup de monde. » a tenu à rappeler le ministre. Une façon de rappeler que si la solution consistant à les supprimer pouvait sembler séduisante de prime abord, qu’en serait-il lorsque chacun réaliserait qu’elle contrevient à ses propres intérêts ?

Réformer le régime des donations ?

S’il est un sujet qui semble avoir fait l’unanimité, c’est celui d’une réforme de la fiscalité attachée aux donations. Particulièrement lourde, cette taxation décourage la circulation des capitaux. Avec le vieillissement de la population, les héritages interviennent de plus en plus tard. Sans mentionner qu’ils sont lourdement taxés. « Il faut favoriser les transferts au moment où les gens en ont besoin dans leur vie. Il n’est pas possible d’attendre un éventuel héritage qui interviendra à la soixantaine. C’est bien plus tôt que l’on a besoin de capitaux, pour acheter sa résidence par exemple », explique le PDG de Total qui appelle à une « aide à la transmission patrimoniale ». Une position apparemment partagée par l’ancien député LR. « Le dispositif mis en place pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy visant à favoriser la mobilité du capital – ensuite remanié sous le gouvernement Hollande – était un dispositif intéressant », reconnaît-il, ajoutant avoir déjà évoqué le sujet avec le président de la République. Après la réforme de la fiscalité du capital puis celle des ménages, il n’est pas improbable que la prochaine étape concerne la transmission. Point de grand soir fiscal, donc. Mais est-ce si grave si le pays continue sur le chemin des réformes ?

Sybille Vié

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