Dix ans après sa première initiative, l’Union des Marques a lancé en 2018 le « programme FAIRe, 15 engagements pour une communication responsable ». Son directeur général, Jean-Luc Chetrit, en est convaincu : c’est en recréant la confiance que les marques retrouveront le chemin d’une croissance durable.

Décideurs. De nombreuses marques lancent des campagnes publicitaires « responsables ». Comment ont-elles intégré ce changement de mindset ?

Jean-Luc Chetrit. Si aujourd’hui les marques se lancent dans ces démarches vertueuses c’est qu’elles recherchent de la croissance. Or celle-ci est conditionnée aujourd’hui à une problématique de confiance qui s’est perdue au fil des années du fait d’une communication pas toujours bien adaptée. Les scandales sur les modes de fabrication de produits à l’autre bout de la planète ont accéléré le processus. Le manque de transparence des grandes marques globales présentes partout dans le monde a créé une distance entre ces marques et leurs publics. Cette perte de confiance et la défiance qui en découle se sont par ailleurs généralisées et touchent aussi la politique.

Que doivent faire les marques pour recréer les conditions de la confiance ?

Les marques n’ont pas d’autres choix aujourd’hui que d’entrer dans des démarches responsables. Elles doivent avoir une vision à plus long terme pour atteindre une croissance durable. Pour les accompagner dans cette voie, nous avons établi en janvier 2018, un programme dédié baptisé « FAIRe », qui comprend quinze engagements pour une communication responsable. Il est le résultat d’un travail de co-construction mené par un groupe de 28 annonceurs adhérents de tous secteurs et plusieurs de leurs parties prenantes, en partenariat avec Greenflex*. Il s’agit d’un plan d’actions concrètes à mettre en œuvre d’ici à 2020 par lequel chaque signataire s’engage à élaborer des messages responsables, avec une conception écoresponsable des supports de communication, une diffusion maîtrisée des messages notamment dans l’univers digital, la prise en compte de l’ensemble des publics et la mise en œuvre de relations justes avec ses partenaires. Le fil rouge de l’année 2018 était la lutte contre les stéréotypes dans les messages publicitaires. Selon une étude menée aux États-Unis, une publicité non stéréotypée est 25 % plus efficace qu’une publicité stéréotypée. La dernière publicité pour Twingo de Renault, développée avec l’accompagnement de notre programme FAIRe, en est le parfait exemple. Elle montre, pour la première fois, une femme ronde dans une publicité automobile. C’est l’une des publicités qui fonctionnent le mieux chez Renault depuis de nombreuses années avec, en plus, un effet de buzz très positif sur les réseaux sociaux. Et ce, dans un contexte où plus de 40 % des Français bloquent les contenus publicitaires.

« Une publicité non stéréotypée est 25 % plus efficace qu’une publicité stéréotypée » 

Quels sont les principaux bénéfices d’une marque aujourd’hui ?

Si une marque doit évidemment délivrer un bénéfice fonctionnel, elle doit aussi avoir un bénéfice émotionnel dans sa communication pour que le consommateur développe un attachement à une marque qui va au-delà de sa fonction première. Ce qui est récent, voire nouveau, pour certaines, c’est le bénéfice sociétal qu’elles doivent aujourd’hui intégrer. Ce mouvement est mondial : le public veut aujourd’hui que les marques s’engagent sur des sujets de société et non plus qu’elles campent sur leurs petits îlots pour faire fructifier leur business sans se préoccuper de l’avenir du monde. C’est le cas de Procter & Gamble qui a amorcé cette démarche autour de nombreux produits comme la lessive Ariel, les rasoirs Gillette ou les protections féminines Always. Sur ces trois marques, Procter a créé des communications engagées.

Cet engagement des marques a d’ailleurs été largement récompensé lors du dernier festival de la créativité Cannes Lions avec notamment la campagne « Dream Crazy » de Nike, le grand gagnant de cette nouvelle édition…

Mais aussi Carrefour pour sa campagne « Act for Food » et lors de la dernière édition du salon ­Vivatech, où il a beaucoup été question de « Tech for Good ». Si certains critiquent cette tendance généralisée au « good washing », je pense au contraire que c’est ce que le public et les Français attendent aujourd’hui et que les marques qui n’en tiendraient pas compte verront la sanction dans les caddies ! ­Selon une étude sur la confiance que nous avons réalisée avec Kantar en mars 2019, 70 % de la croissance chez Système U sont réalisés par les marques locales, donc les marques de ­proximité. Cela signifie que les marques internationales ne représentent plus que 30 % de la croissance, et que certaines sont en décroissance. L’étude montre également que 58 % seulement des Français ont confiance dans les grandes marques internationales contre 92 % pour les marques locales et régionales. C’était l’inverse il y a cinq ans ! Preuve, s’il en fallait, que croissance et confiance vont de pair.

Propos recueillis par Anne-Sophie David

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