L’une des clés de succès du groupe SEB repose sur le suivi des marges consolidées sur chaque catégorie de produit et chaque marché. De fait, l’équipe finance se trouve en première ligne. Rencontre avec son leader.

Biographie : Diplômé de l’Essec, Vincent Léonard commence sa carrière professionnelle à Paris en 1985 chez Arthur Andersen où il y reste cinq ans. Il rejoint ensuite le groupe PepsiCo, en tant que directeur financier France/Belgique. À l’issue de cette première mission, il prend la responsabilité du planning financier de l’Europe, basé à Londres, puis assume différents rôles de pilotage des opérations internationales au siège du groupe à New York, avant d’être nommé CFO de la zone « Greater China » basé à Hong Kong. Il revient ensuite à New York où il est successivement en charge de la trésorerie internationale puis du contrôle de gestion du groupe. Il rejoint le groupe SEB en mars 2013 à son poste actuel en charge des finances.

 

Décideurs. Comment s’organise la fonction finance de Seb ? Qu’est-ce qui la rend efficiente ?
Vincent Léonard. La fonction finance s’organise autour d’une composante corporate et d’une composante business. Six directions corporate me reportent : le contrôle de gestion, la comptabilité et la fiscalité, le financement et la trésorerie, la communication financière et les relations investisseurs, l’audit et le contrôle interne, et le juridique. Ce sont les six fonctions centrales localisées à Écully, près de Lyon. La composante business est décentralisée, avec sept DAF régionaux et deux DAF de business unit, localisés au plus près des équipes opérationnelles. Tous ces responsables forment à mes côtés le « finance leadership team ». À titre personnel, j’anime donc la fonction au niveau global. J’organise, deux fois par an, un séminaire de deux à trois jours réunissant le finance leadership team. Nous tenons par ailleurs un comité de direction corporate finance tous les quinze jours et bien sûr des one to one réguliers… J’attache la plus grande importance à la collaboration étroite et permanente et à la coordination des six directions finance centrales entre elles et avec les DAF des business. La circulation fluide et immédiate de l’information et la revue pluri-disciplinaire des sujets sont pour nous des impératifs. Cette excellente coordination fait la force de notre équipe finance et est un pré-requis pour accompagner la croissance du groupe.

 

Comment avez-vous créé ce « finance leadership team » ? Quels en sont les objectifs ?
Notre groupe est désormais « global » puisque nos produits sont présents dans environ 150 pays. Le finance leadership team permet de garder une cohésion d’équipe et une cohérence d’action sur ce très large périmètre. Nous avons, en finance, la chance de nous appuyer sur de nombreux processus et outils standardisés qui nous unissent et qui fédèrent. Néanmoins, une bonne dynamique d’équipe est essentielle pour l’efficacité de la fonction : le finance leadership team permet aux membres de l’équipe de se connaître, de mettre en commun leurs expériences, de se former ensemble, et in fine de mieux travailler ensemble. Ce finance leadership team est, par ailleurs, très pilote dans l’animation des carrières. Nous passons beaucoup de temps à revoir les organisations et le positionnement de nos managers. On échange, en étroite collaboration avec les ressources humaines, sur la construction des parcours. Nous veillons à proposer des carrières dynamiques et à disposer de profils cohérents et généralistes. Nous essayons de proposer à nos collaborateurs des mobilités qui élargissent leur palette de compétences. Cette politique active de développement des talents participe de façon importante à la satisfaction des membres de l’équipe finance (environ 700 au niveau mondial) et à la qualité de l’accompagnement par la finance, de la stratégie du groupe.

 

Quel rôle a joué la direction financière dans l’acquisition de WMF ?
C’est la troisième acquisition structurante pour le groupe après Moulinex au début des années 2000 et Supor, en Chine, en 2007. WMF réalisait 1,1 milliard d’euros de chiffre d’affaires avant son intégration. C’est entre autres, pour Seb, l’entrée dans le marché des équipements professionnels. La finance a joué un rôle central tout au long de ce projet. Avec l’équipe stratégie et notre banque conseil, nous avons conduit l’évaluation de l’opportunité et du business plan, tout le processus de due diligence (fiscalité, finance, juridique), la négociation des termes financiers, du contrat d’achat, les financements… Nous avons également bien sûr participé au dialogue avec le conseil d’administration, et géré l’obtention des autorisations de la commission européenne de la concurrence.
Par ailleurs, les équipes finance sont maintenant au cœur du processus d’intégration et de réalisation des synergies. Cette opération a été récompensée par le prix du Club des Trente, de la meilleure opération de fusion, cession ou acquisition de l’année 2016.

 

Et comment se déroule l’intégration aujourd’hui ?
Au titre de la finance, cela se traduit par la centralisation des fonctions spécialisées (fiscalité, audit, trésorerie, juridique…) et puis, plus généralement, un process d’harmonisation des pratiques de contrôle interne et des principes comptables. Il nous faut également raccorder nos systèmes d’information pour bénéficier d’un reporting de qualité. Nous avons détaché des collaborateurs pour ces missions, pour une durée de dix-huit mois. C’est une nécessité pour nous mettre au plus vite en position de piloter au mieux l’activité. Nous avons en effet besoin en particulier d’une information détaillée sur les marges par produit, par marché, d’une bonne compréhension des investissements mis en œuvre, etc. D’autant plus que l’une des clés de succès du groupe repose sur le suivi des marges consolidées, de manière parfaitement homogène, sur chaque catégorie de produit et chaque marché. Il est donc impératif pour nous de mettre ce suivi en place dans les mois qui suivent toute acquisition.

 

Quels sont vos prochains chantiers ?
Nous en avons principalement trois : la transformation digitale de la fonction, l’amélioration des outils, process et KPI, et, enfin, la poursuite de notre travail sur les organisations et les talents.

 

Pour finir, comment imaginez-vous la direction financière de 2025 ?
Nous nous intéressons très activement aux évolutions des technologies. Nous sommes en veille active sur les sujets de robotisation, mais pas encore en phase opérationnelle là-dessus. Les nouvelles technologies vont évidemment nous permettre de passer à une vitesse supérieure. Par exemple, nous allons pouvoir tirer meilleur parti de nos très riches bases de données pour donner aux managers un accès plus précis et plus ergonomique à la data et surtout aux insights les plus pertinents. En 2025, la direction financière consacrera beaucoup moins de temps à la production d’informations, celle-ci sera très automatisée. La direction financière sera dans l’aide à la décision. Le financier, lui, deviendra un professionnel hybride à la croisée des chemins entre un analyste, un grand consommateur et fin connaisseur de data et de technologies et un excellent communicant pour qu’en interne et en externe l’on puisse tirer le meilleur profit de toutes ces informations. Le numérique va tout transformer, mais la fonction finance devra toujours, outre le soutien aux initiatives de croissance, être en première ligne sur le respect des règles de compliance et l’évaluation des risques.

 

Propos recueillis par Mathieu Marcinkiewicz

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