Par un arrêt récent du 28 février 2018, la Cour de cassation a rappelé les règles applicables lorsqu’une instance prud’homale est en cours à la date du jugement d’ouverture d’une procédure collective (sauvegarde judiciaire, redressement judiciaire ou liquidation judiciaire).

En l’espèce, une salariée, engagée le 17 janvier 2012 en qualité de commis de cuisine dans le cadre d’un contrat de professionnalisation, a été licenciée le 2 janvier 2013 pour faute grave. Saisi par la salariée de diverses demandes indemnitaires et de rappels de salaires à l’encontre de la société, le Conseil de prud’hommes a par jugement du 7 avril 2014, considéré que le licenciement était justifié et a ainsi débouté la demanderesse de l’intégralité de ses demandes. Celle-ci a alors interjeté appel de ce jugement. L’audience devant la Cour d’appel s’est tenue le 2 mars 2015. Entre temps, le Tribunal de Commerce avait prononcé l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la société. Par un arrêt du 7 avril 2015, la Cour d’appel a infirmé le jugement du Conseil de prud’homme d’Agen, déclaré le licenciement abusif et condamné la société au paiement de diverses sommes à titre de rappels de salaire et de dommages-intérêts, et ce, alors même que le liquidateur judiciaire de la société n’avait pas été appelé à l’instance.

 

C’est dans ce contexte que le liquidateur judiciaire a formé un pourvoi en cassation. Parmi ses principaux arguments, le liquidateur reprochait à la Cour d’appel d’Agen :

  • de l’avoir été jugé sans avoir été entendu ni appelé à l’audience
  • et d’avoir condamné la société au paiement de sommes alors que compte tenu de l’ouverture d’une procédure collective, seule une inscription au passif de la société du montant des condamnations était possible.

L’attendu de la Cour de cassation dans l’arrêt rendu le 28 février 2018 est très clair et ne souffre pas la critique :

«  Mais attendu que, selon l'article L. 625-3 du code de commerce, les instances en cours devant la juridiction prud'homale, à la date du jugement d'ouverture, sont poursuivies en présence du mandataire judiciaire et de l'administrateur lorsqu'il a une mission d'assistance ou ceux-ci dûment appelés, que le mandataire judiciaire informe dans les dix jours la juridiction saisie et les salariés parties à l'instance de l'ouverture de la procédure ; que la cour d'appel n'ayant pas été informée par le mandataire judiciaire de la société Hantelia de l'ouverture d'une procédure collective, sa décision échappe aux critiques du moyen (Cass. Soc. 28 février 2018 n°15-24856)

Par cet arrêt, la Cour de cassation rappelle une fois de plus la règlementation relative au sort des instances prud’homales postérieurement à l’ouverture d’une procédure collective.

Les instances prud’homales en cours sont poursuivies, de plein droit, après l’ouverture d’une procédure collective

L’ouverture d’une procédure collective a pour effet essentiel d'empêcher, temporairement, toute action en justice contre le débiteur pour obtenir le paiement d'une somme d'argent, ainsi que toute mesure d'exécution (saisie) sur ses biens[1].

L’objectif est de reconstituer progressivement la trésorerie de l’entreprise durant ce laps de temps et de permettre aux organes de la procédure de trouver une solution permettant de remédier à la situation le plus rapidement possible.

Cette règle ne s’applique cependant pas aux instances prud’homales. La loi prévoit, en effet, que les instances en cours devant les juridictions prud’homales sont poursuivies de plein droit[2].

Toutefois, cette poursuite des instances prud’homales impose que les organes de la procédure collective puissent intervenir à l’instance dès lors qu’ils sont intéressés, au premier plan, par la décision qui sera rendue. Des règles de mise en cause de ces organes ont donc été instituées.

Les organes de la procédure collective et l’AGS doivent être mis en cause dans les instances prud’homales en cours

Doivent être mis en cause, dans les instances prud’homales en cours, le mandataire judiciaire et l’administrateur (en cas de sauvegarde ou de redressement judiciaire)[3], le liquidateur (en cas de liquidation judiciaire) et le commissaire à l’exécution du plan (lorsque la décision intervient après l’adoption du plan)[4]. Concrètement, il revient aux juridictions la charge de convoquer ces organes[5] et la sanction en l’absence de respect de cette procédure est sévère, la décision étant considérée comme « non avenue »[6], c’est-à-dire inopposable au représentant des créanciers.

 

Toutefois, pour que les juridictions puissent mettre en cause les organes de la procédure encore faut-il qu’elles aient été préalablement informées de l’ouverture de cette procédure. Or, ce rôle d’information revient aux mandataires judiciaires ou au liquidateur[7].

Lorsque le mandataire ou le liquidateur n’informe pas la juridiction prud’homale et les salariés parties à l’instance de l’ouverture de la procédure collective, l’instance se poursuit valablement et leur est opposable.

C’est en ce sens que la Cour de cassation s’est prononcée dans l’arrêt rendu le 28 février 2018, considérant que les juges du fond, qui n’avaient pas été informés par le mandataire de la société de l’ouverture d’une procédure collective, avaient valablement rendu leur décision.

Par cet arrêt, la Cour de cassation confirme ainsi sa position et souligne une fois de plus l’importance d’une collaboration étroite entre le représentant légal de l’entreprise et le mandataire désigné par le Tribunal de commerce dans le cadre de l’ouverture d’une procédure collective. En effet, comme le rappelle le Code de commerce[8], c’est bien le débiteur (i.e. l’entreprise en difficulté) qui doit, en premier lieu, donner toutes les informations utiles aux organes de la procédure collective.

 

Il est à noter que la décision sera également opposable à l’AGS[9], lorsqu’elle couvre la créance, dès lors qu’il revient au mandataire ou au liquidateur judiciaire de la mettre en cause dans l’instance[10].

 

***

 

[1] Articles L. 622-21 et L. 622-22 du Code de commerce

[2] Article L. 625-3 du Code de commerce

[3] Article L. 625-3 du Code de commerce

[4] Article L. 626-25 du Code de commerce

[5] Cass. soc. 9 mars 2011 n° 09-67.312

[6] Cass. soc. 29 février 2000 n° 97-45.669

[7] Articles L. 625-3, L. 631-18 et L 641-4 alinéa 4 du Code de commerce

[8] Articles R. 625-5, R. 631-32 et R. 641-33 du Code de commerce

[9] Cass. soc. 17 septembre 2003 n° 01-41.255

[10] Article L. 631-18 alinéa 5 et L. 641-14 alinéa 3 du Code de commerce

 

Alix Combes, Côme de Grival, Avocats, Capstan Avocats

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