Trois économistes français - Camille Landais, Emmanuel Saez et Gabriel Zucman – appellent de leur vœux l’instauration temporaire d’un impôt européen sur la fortune. L’objectif serait de financer une partie de la dette contractée par les États de l’UE pour soutenir l'économie en pleine tourmente.

"Notre proposition met en lumière la question, qui va nécessairement se poser, de la gestion de la dette publique générée par le Covid-19 après la crise. Quelles réponses apporter ?" C’est dans les colonnes de Capital que Camille Landais, célèbre économiste enseignant à la London School of Economics, s’interroge. Loin d’être gratuite, la question appelle une réponse simple à en croire cet expert. Avec deux de ses confrères, tous deux professeurs à l’université de Berkeley, Emmanuel Saez et Gabriel Zucman, il préconise une solution simple – au moins dans son principe – :  instaurer un impôt européen sur la fortune.

1 % des Européens concernés

Plus précisément, les trois hommes expliquent qu’il s’agirait d’une taxe sur le patrimoine qui ne concernerait que la frange la plus riche des citoyens de l’Union puisque seul les 1 % des Européens les plus aisés seraient concernés. Progressif, l’impôt ne porterait que sur les patrimoines totaux, c’est-à-dire net de dettes, supérieurs à deux millions d’euros. Le barème envisagé serait le suivant : un taux marginal de 1 % sur le montant de la fortune entre 2 et 10 millions d’euros, puis un taux marginal de 2 % sur le montant de la fortune entre 10 millions d’euros et 1 milliard d’euros et enfin un taux marginal de 3 % sur le montant de la fortune supérieur à 1 milliard d’euros. "Ce barème correspond, peu ou prou à ce qui se pratique (ou se pratiquait) au niveau national pour les pays qui possèdent un impôt sur la fortune", explique Camille Landais à Capital. Précision d’importance, ce nouvel impôt aurait une durée de vie limitée, s’agissant d’un "prélèvement temporaire".

Une application conditionnée à une réforme des institutions

En pratique, la création de ce nouvel impôt d’envergure européenne nécessiterait une refonte du système institutionnel européen tel qu’il existe aujourd’hui comme le reconnaît Camille Landais. "Cela passe par une forme de démocratie […]. Cette fiscalité s'appuierait sur une réforme des institutions européennes. Cela pourrait passer, par exemple, par l’instauration du Traité de démocratisation que propose l’économiste Thomas Piketty." Des travaux d’envergure au niveau de l’UE devront donc avoir lieu pour que le projet voie le jour. Mais d’autres questions restent en suspens. Comment concilier, par exemple, ce projet avec la situation d’États européens disposant déjà d’un impôt sur la fortune, comme c’est le cas en France avec l’IFI ? Pour les trois économistes, il serait alors logique de supprimer les mécanismes nationaux éventuellement déjà en vigueur.

Solidarité entre citoyens

Les avantages de ce mécanisme, à en croire ses fervents défenseurs, sont nombreux. Le principal consisterait dans la solidarité entre personnes (et non pas seulement entre États) qu’il permettrait d’instituer. Ensuite, cette taxe permettrait de renflouer un peu les caisses publiques dans une période ou l’équilibre budgétaire relève plus d’un rêve que d’une réalité et de mutualiser les dépenses liées à la lutte contre le coronavirus.

Signe que l’impôt demeure l’une des solutions envisagées pour accompagner la sortie d’une crise, treize professeurs de droit fiscal originaires de différents États membres viennent également de plaider pour la création d’un impôt – pas nécessairement sur la fortune ou le patrimoine – européen. Une chose est certaine : ces propositions aussi politiques qu’économiques ne sont pas pour demain, faute de consensus et de réforme institutionnelle.

S.V. 

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