Par Sarah Bailey, of counsel, et Frédérique Potin, avocat. Simmons & Simmons
Les projets en date du 27 mars 2013 de refonte de la Directive sur les marques et de révision du Règlement sur la marque communautaire sont présentés comme une consolidation et une optimisation du système existant. Plutôt que d’une révolution il s’agit de faciliter l’accès à cette protection efficace avec notamment des taxes de dépôt et de renouvellement revues à la baisse.


En 2011, l’Institut Max-Planck a émis un rapport sur le fonctionnement du système européen des marques, mettant en évidence certaines lacunes de ce système et des besoins nouveaux. Les propositions de règlement modifiant le règlement n°?207/2009 sur la marque communautaire (le «?Projet de Règlement?») et de refonte de la Directive 89/104 rapprochant la législation des états membres sur les marques (le «?Projet de Directive?») constituent la réponse à ce rapport, avec une adoption prévue dans le courant de l’année 2014. Leur champ est très large et vise notamment une harmonisation de la procédure d’enregistrement, la lutte contre la contrefaçon des biens en transit sur le territoire de l’UE et une meilleure collaboration entre les offices nationaux et communautaire. La France devra revoir certains aspects de sa législation et de sa pratique en droit des marques, que nous examinons ci-après.

Le contrôle des termes étrangers descriptifs
Si des marques composées d’un terme étranger descriptif des produits et services visés par la demande d’enregistrement peuvent aujourd’hui être valablement enregistrées dès lors que le terme est incompris d’une grande partie du public concerné, cette possibilité devrait être dorénavant sévèrement limitée. En effet, le Considérant 11 du Projet de Règlement prévoit que «?les marques pour lesquelles la demande est rédigée dans des caractères ou une langue non intelligibles au sein de l’Union ne devraient pas pouvoir bénéficier d’une protection si elles devaient se voir refuser l’enregistrement pour des motifs absolus une fois traduites ou transcrites dans l’une quelconque des langues officielles des états membres?». En conséquence l’article 7 du Projet de Règlement et l’article 4 du Projet de Directive, tous deux relatifs aux motifs absolus de nullité, disposent que ces motifs de refus s’appliquent même lorsqu’ils n’existent qu’une fois la marque traduite dans une langue officielle ou dans des caractères en usage dans les états membres. Ainsi, tant les offices nationaux que l’OHMI, vont devoir se montrer plus exigeants lors de l’examen des demandes d’enregistrement constituées d’un terme en langue étrangère.

Assouplissement de la notion d’usage sérieux
Une marque enregistrée doit être utilisée, sinon elle risque d’être frappée de déchéance au bout de cinq ans. Lorsque la marque est exploitée sous une forme légèrement différente de celle enregistrée alors, si cette forme n’altère pas le caractère distinctif de la marque, cet usage peut faire échec à une action en déchéance. Toutefois il en va différemment lorsque la marque légèrement modifiée est elle-même enregistrée : pour la jurisprudence (Com 16?février 2010, 08-21.079) l’usage de celle-ci ne peut normalement pas constituer un usage sérieux de la marque originelle. Les projets de réforme s’emparent du problème et disposent que «?l’usage d’une marque européenne sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée devrait suffire à préserver les droits conférés, que la marque ait ou non été enregistrée sous la forme sous laquelle il en est fait usage?». L’article 15 du Projet de Règlement et l’article 16 du Projet de Directive reprennent cette formulation. La sécurité juridique des titulaires de marques en sortira ainsi opportunément renforcée.

Procédure administrative de déchéance et de nullité

Dans une disposition qui va profondément changer l’approche française, le Projet de Directive prévoit, à ses articles?45 et?47, l’obligation d’instaurer une procédure administrative pour les actions en déchéance et en nullité. C’est ce qui est exprimé dans le considérant 36 du Projet de Directive : «?afin de se doter d’un système efficace de déclaration de déchéance ou de nullité, les états membres devraient prévoir une procédure administrative de déchéance ou de nullité similaire à celle applicable aux marques européennes au niveau de l’Union?». Une telle procédure administrative qui n’existe pas aujourd’hui, devrait ainsi voir le jour en France. Pour les états n’ayant pas encore mis en place une procédure administrative d’opposition, celle-ci deviendrait également obligatoire.

Suppression des rapports de recherche
Suite au constat de l’inefficience du système actuel des rapports de recherche, les rapports émis tant par l’OHMI que par certains offices nationaux devraient être supprimés (article?39 du Projet de Règlement). La publication de la demande d’enregistrement n’aurait dès lors plus lieu d’être différée et les propriétaires de marques communautaires antérieures ne se verraient plus notifier les demandes d’enregistrement postérieures.

Saisie douanière
L’arrêt de 2011 rendu par la Cour de justice dans l’affaire Philips/Nokia C-446/09 a causé un certain émoi en empêchant la saisie de biens contrefaisants en provenance de pays tiers et, a priori, en transit sur le territoire de l’Union : ces marchandises ne pouvaient plus être considérées comme des contrefaçons car elles étaient introduites sur le territoire douanier de l’Union sous un régime suspensif.
À l’avenir, les titulaires de marques nationales européennes ou de marques Communautaires devraient être en mesure d’« empêcher tout tiers d’introduire, dans le contexte d’une activité commerciale, des produits sur le territoire douanier de l’Union sans qu’ils y soient mis en libre pratique?» (article?9 du Projet de Règlement et article?10 du Projet de Directive).

Mauvaise foi
S’il est possible de s’opposer à une demande d’enregistrement de marque sur la base d’une marque antérieure, cette procédure d’opposition ne s’étend pas aux marques antérieures n’ayant pas d’effet sur le territoire de l’UE. Le Projet de Règlement (article?8) et le Projet de Directive (article?5) introduisent une forme d’opposition pour dépôt effectué de mauvaise foi en cas de risque de confusion avec une marque antérieure protégée en dehors de l’Union, faisant l’objet d’un usage sérieux hors ou dans l’Union et lorsque le demandeur est de mauvaise foi.

Taxes

Afin d’éviter l’encombrement des registres par des marques au champ de protection trop large et de réduire les coûts, les Projets prévoient l’acquittement de taxes de dépôt ou de renouvellement pour les marques nationales européennes ou les marques communautaires, applicables classes par classe et non plus de façon groupée pour les trois premières classes. Il en résultera une baisse des taxes pour le déposant/titulaire comme ceci est illustré par le tableau (prévisionnel) ci-dessous concernant les marques communautaires.

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