Si l’habit ne fait pas le moine, le cabinet fait sûrement l’avocat, et l’étude le notaire. Les praticiens du droit en sont conscients et savent que leurs espaces de travail affirment leur identité. Quand trouver son adresse est beaucoup plus porteur de sens qu’il n’y paraît.

Lorsqu’il s’agit de choisir des locaux, les appréhensions et les contraintes de chacun sont aussi nombreuses que leurs espérances. Les difficultés apparaissent dès que la décision de déménager ou d’emménager est prise. En général, ce sont les associés qui décident d’un tel changement (même s’ils peuvent désigner l’un d’entre eux, ou un office manager, pour prendre en main le projet), ce qui demande de s’entendre, un prérequis qui ne tombe pas sous le sens. Sylvain Hasse, head of corporate services chez Bnp Paribas Real Estate, témoigne : « Nous avons déjà vu des avocats ne pas se mettre d’accord et finalement renégocier leur bail. » Des moyens existent cependant pour que le projet ne meure pas à peine né.

L'immeuble suit l'humain

L’enjeu est tel que certains professionnels du droit font appel à des conseillers pour les épauler. Domicilier son cabinet ou son étude dans tel ou tel quartier constitue un élément stratégique. Lexfair Notaires, par exemple, a fait confiance à un courtier lors de son déménagement il y a un peu plus d’un an. Courtiers, promoteurs ou cabinets de conseil, qu’ils soient spécialisés en droit ou généralistes, de plus en plus d’experts proposent leurs services aux professions juridiques. « Elles recherchent une aide pour structurer leur réflexion immobilière », témoigne Olivier Neuman, associé chez Parella, un cabinet de conseil en immobilier d’entreprise.

Autre lieu qui attire : les Batignolles. En cause ? Leur proximité avec la nouvelle cité judiciaire.

Le prix d’achat d’un bien immobilier atteignant des sommets, la location est le contrat privilégié par les professionnels du droit. D’autant que les cabinets d’avocats sont réputés pour être sans cesse en mouvement. Des arrivées, des départs, des créations ou des fusions de structures : voilà à quoi ressemble le quotidien de leur univers. « Nous sommes partis de nos anciens locaux parce que notre étude a pris de l’ampleur », explique Olaf Déchin, associé chez Lexfair, qui a fait coïncider le déménagement de sa structure avec le renouvellement de son nom, abandonnant celui des associés pour une terminologie de marque. Autrement dit, l’immeuble suit l’humain.

Les fondateurs de boutiques privilégient souvent quant à eux les bureaux prêts à l’emploi qui offrent toutes les installations nécessaires aux premiers mois d’exercice, le temps de trouver l’adresse qui leur correspond. Regus est l’enseigne la plus répandue.

Quitter le triangle d'or

Le triangle d’or, cet espace délimité par les avenues Montaigne, des Champs-Élysées et George V, et ses environs abritent depuis longtemps des poids lourds de l’économie et de la culture française. Lieu des sièges sociaux d’enseignes comme le Plaza Athénée, le Fouquet’s Paris ou encore LVMH, ce quartier est également l’emplacement historiquement favorisé par les professions juridiques qui veulent être proches de leurs clients et promouvoir leur image. Les cabinets LPA CGR, Davis Polk, KGA, Lérins & BCW, Nomos ou Aston sont installés avenue des Champs Élysées. Ici, le marché de l’immobilier, qui fonctionne en grands cycles se succédant, n’est plus favorable aux locataires tel qu’il l’était encore récemment. Chez Bnp Paribas Real Estate, Sylvain Hasse l’explique ainsi : « Depuis deux ans, ce sont les propriétaires qui ont repris la main sur le marché. » Les demandes sont largement supérieures aux offres et les prix ne cessent d’augmenter. Les prix à l’achat s’élèvent jusqu’à 30 000 euros le mètre carré. Et les loyers sont tout aussi chers… Alors, partir ou rester ?

En majorité, les professionnels du droit privilégient encore le Triangle d’or et décident d’assumer le poids financier que cela représente. Certains même y reviennent. C’est le cas de Lexfair Notaires qui a choisi le 9e arrondissement et le charme de l’entrée du parc Monceau.

Les autres s’installent ailleurs. « Ils recherchent de plus en plus autour des grandes gares parisiennes », confie Véronique Couderc, consultante en management et organisation chez Jurimanagement, cabinet de conseil dédié aux avocats. L’accessibilité constitue un critère important au moment de choisir le lieu où les locaux seront implantés. Il est essentiel que les clients français et internationaux se rendent facilement chez leurs conseillers, comme les collaborateurs sur leur lieu de travail. Les cabinets s’adaptent en effet de plus en plus aux demandes des plus jeunes. Véronique Couderc les conseille d’ailleurs en ce sens : « Avant de déménager, les associés devraient recueillir l’avis du personnel administratif. »

Quitter le haussmanien

Autre lieu qui attire : les Batignolles. En cause ? Leur proximité avec la nouvelle cité judiciaire. Bignon Lebray est de ceux qui ont décidé de s’y installer après vingt-deux ans dans le 16e arrondissement. Maintenant situé avenue de Tocqueville, le cabinet justifie ce changement par le fait que les nouveaux locaux sont certifiés HQSE (hygiène, qualité, sécurité, environnement) et labélisés BBC (bâtiment basse consommation), qu’ils offrent des salles de réunion modulables, des terrasses et un jardin intérieur, autant d’atouts pour attirer les jeunes talents demandeurs de conditions de travail agréables. DS Avocats a lui aussi choisi un immeuble HQSE, rue Duret dans le 16e arrondissement, tout comme Allen & Overy avenue Hoche, 11 000 mètres carrés sur huit étages disposant de panneaux solaires thermiques sur la toiture.

Quitter le haussmannien et opter pour des bâtiments plus modernes est une démarche de plus en plus fréquente. Les grands espaces et la lumière provenant d’immenses baies vitrées sont plébiscités par les cabinets comme Linklaters, dans les locaux duquel une verrière surplombe l’espace, carré de forme. Dernièrement, Gide Loyrette Nouel a pris ses quartiers dans un bâtiment de la marine construit en 1948 redessinée par l’architecte Philippe Chiambaretta (PCA-Stream) et dont le chantier fut dirigé par Eiffage. Son bailleur a organisé les travaux d’aménagement avec sa collaboration pour qu’ils correspondent aux besoins du géant du droit français. Quelque 19 000 mètres carrés étudiés en fonction des besoins des 600 avocats parisiens de Gide, installés dans la partie moderne de l’ensemble immobilier avec conciergerie, restaurant, bibliothèque, coursives, terrasses et jardin intérieurs, les anciens bâtiments rénovés, mêlant vieille pierre et hightech, étant dédiés à la clientèle. En effet, si la modernité est très souvent privilégiée à l’intérieur, à l’extérieur, on conserve les façades. L’histoire du lieu demeure fondamentale pour s’inscrire dans la durée. Par exemple, Jones Day a choisi l’ancienne ambassade américaine comme nouveau lieu de vie. Une fois le perron franchi, en revanche, le XXIe siècle prend ses droits. Espaces aérés, lumineux, open spaces… Une tendance au modernisme de plus en plus affirmée. Chez Gide, Stéphane Puel, qui codirige le géant français, déclarait lors du déménagement : « Nous avons écrit l’histoire du cabinet dans nos bureaux du cours Albert Ier, nous préparons son avenir rue Laborde. »

L'attrait mitigé du coworking

WeWork, StartWay Coworking, The Bureau… Le coworking ou espace de bureaux partagés se développe de plus en plus dans le monde des affaires. Certains praticiens du droit optent pour ces nouveaux lieux, synonymes de modernité et de flexibilité. Constellation Avocats, nouveau-né de cette année 2019, a choisi cette manière d’exercer dans un immeuble WeWork (qui a ouvert en 2018 son quatrième espace avenue des Champs Élysées), tout comme l’étude ­Rebérat & Associés. Le concept n’est cependant pas si fréquemment adopté. Olivier Neuman l’explique : « Ce sont des métiers qui ne se prêtent pas facilement au coworking. » Pour exercer, les juristes ont besoin de confidentialité, ce qui semble en contradiction avec le fonctionnement de ce type de locaux. Les dossiers ne peuvent pas être visibles par les personnes extérieures au cabinet, les avocats souhaitent également parfois que certains clients ne se croisent pas, ou ne soient pas vus par autrui. Le marché offre cependant aujourd’hui aux professionnels des moyens de préserver leurs secrets, comme des filtres à installer sur les parois transparentes (la technologie permet de laisser passer la lumière tout en bouchant la vue), des écrans de visio-conférence ou des smartphones.

En somme, tout dépendra de ce que recherchent les cabinets : si c’est la discrétion qui est de mise (on pense aux structures qui conseillent les grandes entreprises ou qui accompagnent pénalement les dirigeants), alors le coworking ne sera pas adapté. Si, en revanche, le but est de côtoyer start-up, entrepreneurs, sociétés technologiques et lab de grands groupes, exercer dans des espaces partagés se révélera la solution idéale. Certains cabinets d’avocats ne posent pas de plaque en bas de leur immeuble, aucune indication n’est affichée dans le hall. C’est le cas de Stéphane de Navacelle, notamment spécialiste du contentieux des affaires, en matière pénale, discrètement installé dans un immeuble sur cour du 8e arrondissement. La forme garantit le fond.

Marine Noehser (@Mnsh57)

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