Un sondage "OpinionWay – Square pour Les Echos et Radio Classique", explore le soutien des Français aux quelques mesures ou incantations environnementales annoncées par le gouvernement. Les résultats en disent moins sur la pénétration des enjeux écologiques dans l’opinion que sur le vide abyssal du récit politique qui doit les porter. Explications.

Bonne nouvelle :"les Français sont globalement favorables au plan de lutte contre le réchauffement climatique prévu par le gouvernement, malgré quelques réserves dans le détail", résume OpinionWay dans sa note d’analyse. En effet, ils sont 71% à se dire favorables à l’objectif du gouvernement de faire de la France "la première grande nation écologique à sortir des énergies fossiles", 89% à soutenir l’amplification du programme "MaPrimeRénov", 78% pour l’alignement de la rémunération des chefs d’entreprise sur l’atteinte d’objectifs environnementaux, ou encore 70% en faveur du dispositif de location longue durée d’un véhicule électrique à moins de 100 euros par mois. Même la controversée relance de la construction de nouveaux réacteurs nucléaires recueille 65% d’avis favorables. Un plébiscite en forme de satisfecit pour le gouvernement ? Pas si sûr.

Hors sol

Car, à y regarder de plus près, ce soutien apparent semble complètement décorrélé de toute réalité économique ou sociétale : tout juste un ramassis de bonnes intentions désincarnées, comme on peut souhaiter la fin de la guerre dans le monde, l’éradication de toutes les maladies, ou l’harmonie perpétuelle du genre humain jusqu’à la fin des temps. La bonté d’âme est sans limite pour qui n’engage rien. 83% des Français sont d’accord pour dire que c’est une bonne chose que la France soit à la pointe de la lutte contre le réchauffement climatique. Tant qu’une éolienne n’est pas installée à côté de chez eux. Tant que le prix du carburant n’est pas trop élevé. Tant qu’ils peuvent prendre l’avion sans trop culpabiliser ou que leur travail et leur niveau de vie ne s’en retrouvent pas menacés. Entendons-nous bien, il ne s’agit pas de souligner une hypocrisie populaire sur le sujet. Chaque bouleversement du monde est analysé à l’aune de son impact sur sa sphère personnelle. Mais c’est un fait qui ne peut être dépassé que dans le cadre d’un récit politique honnête, exigeant, global, qui trace un chemin clair, commun et cohérent de transformation durable. À ce titre, ce sondage relève du vertige.

Diagonale du vide

Un vertige à l’image des premières annonces faites en la matière par le gouvernement d’un président réélu qui avait prévenu pendant sa campagne : "Ce quinquennat sera écologique ou ne sera pas". Plutôt que la planification promise, nous avons eu droit à un lot de mesurettes censées répondre à une sobriété aussi neuve que subie, conséquence directe de la guerre en Ukraine. Et Agnès Pannier-Runacher de s’ériger courageusement contre la climatisation avec les portes ouvertes ou l’éclairage lumineux des vitrines. Ouf, nous voilà sauvés, le mouvement enclenché, les grandes lignes d’un nouveau récit collectif tracées. Les médias et les sondeurs ne sont pas en reste, relevant, chafouins, que "si 96% des Français estiment qu’il faut investir face au réchauffement, ils sont partagés sur l’orientation à donner à ces investissements. Une courte majorité (54%) estime qu’il faut privilégier la lutte contre le réchauffement climatique afin de limiter son impact. À l’inverse, 42% jugent qu’il faut privilégier les investissements pour s’adapter à ses conséquences". Comment peut-on, encore aujourd’hui, poser les termes de l’équation ainsi, alors que chacun sait que le Salut ne pourra passer que par l’action simultanée de ces deux leviers ?

Le seul enseignement à tirer de ce sondage est l’impérative nécessité d’un débat politique et public exhaustif sur la transition écologique. Selon un sondage exclusif de l’institut Jurassic : "les dinosaures étaient 89% à se dire opposés à l’impact d’une météorite".

Antoine Morlighem

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