L’arrivée d’une poignée de start-up américaines décidées à démocratiser l’accès à l’espace secoue une industrie aérospatiale conservatrice. Toulouse, capitale européenne du spatial, a décidé de se lancer dans la course de ce nouvel âge cosmique.

Elon Musk a encore frappé. Le vibrionnant patron de SpaceX, également aux commandes du constructeur automobile Tesla, a réussi son pari : faire décoller la fusée la plus puissante au monde. Début 2018, les 2500 tonnes de poussée de la fusée Falcon Heavy ont réussi à mettre en orbite une voiture Tesla. La route vers Mars, pour laquelle la fusée a été construite, est encore loin. Mais grâce à ce gigantesque « coup de com », Elon Musk démontre au monde entier que le New Space est une réalité.

La Nasa "disruptée"

SpaceX, et derrière lui tous les nouveaux acteurs du secteur, a véritablement ouvert un nouveau chapitre dans l’histoire de l’aérospatial. Son succès s’appuie sur une conjonction de facteurs. D’abord les nouvelles start-up du spatial profitent de la plus grande disponibilité des composants miniaturisés, dont les prix ont en prime considérablement chuté ces dernières années grâce aux avancées technologiques. Elles peuvent également compter sur le soutien d’investisseurs privés, attirés par les promesses de ce nouvel eldorado. Enfin, ces acteurs ont apporté de nouvelles méthodes de développement à cette industrie connue pour son conservatisme et son obsession de la sécurité. Ils n'hésitent pas à multiplier les tests, et à adapter les performances de leur machine à leurs objectifs commerciaux.

Le New Space gagne ses galons avec le premier contrat de SpaceX. Dès 2008, la Nasa confie à la start-up californienne le ravitaillement de la station spatiale internationale. “Elon Musk a permis de montrer aux investisseurs que le secteur était intéressant”, explique Gregory Pradels, chargé de développement Nanosatellites au sein du Pôle Aerospace Valley. Ce premier contrat conforte leur crédibilité auprès des entrepreneurs du New Space, et finit d’attirer les investisseurs privés. En quelques années, des dizaines de start-up du spatial se créent, et proposent des offres autour des nouveaux marchés que sont le tourisme spatial, l’IoT, ou encore la surveillance par satellite. Le défi technologique cède alors la place à la bataille des prix. Certaines start-up proposent des tirs de satellites pour le dixième des prix pratiqués par la Nasa. “Les start-up du New Space sont revenues aux fondamentaux : revenir au juste prix et au juste besoin”, explique Gregory Pradels.

« Les start-up du New Space sont revenues aux fondamentaux » Grégory Pradels

Toulouse rêve à nouveau d’espace

Malgré la richesse de l'écosystème toulousain dans ce domaine, cette nouvelle ère spatiale a tardé à produire ses effets. En cause, un moindre accès aux financement privés, ainsi qu’une certaine forme d’élitisme. “La France a tout fait historiquement pour que cette industrie soit difficile à rattraper, en affirmant que le spatial était cher et difficile. C’était un enjeu de compétitivité internationale”, selon Gregory Pradels. Les géants du secteur, Ariane Espace en tête, limitent l’évolution de son modèle économique. Ariane 6, pourtant 40% moins cher qu’Ariane 5, ne présente pas une concurrence solide. Moins coûteuses et réutilisables, les fusées de Space X devraient encore pouvoir baisser leurs coûts dans les années à venir.

Toulouse a fini par prendre le virage du New Space. Etonnement, le coup d’envoi est venu d’Airbus. La branche aérospatial de l’avionneur, Airbus Defence and Space, est rentrée dans le projet de mégaconstellations de satellites de télécommunications OneWeb. Elle construira les satellites du projet porté par l’américain Greg Wyler. En 2017, le groupe a franchi une nouvelle étape, en dévoilant son projet Pléiade Néo, un projet de quatre satellites d’observation dont le lancement commencera en 2020. La particularité de ce projet est d’être développé sur fonds propres, et non grâce au financement du CNES. Derrière Airbus, une kyrielle d’entreprises plus petites du secteur, souvent issues de l’aérospatial, se lancent dans l’aventure en développant leurs propres projets. C’est le cas de Comat. “La start-up est devenue bicéphale. D’un côté elle continue d’élaborer des produits pour ses clients classiques, de l’autre, elle s’adresse au New space en développant des roues et des propulseurs électriques pour les nanosatellites”, explique Gregory Pradels. Nexeya, la star du New Space tricolore, suit le même chemin. Elle travaille avec le CNES, tout en développant simultanément un nanosatellite sur des fonds propres. Un effort accompagné également par le Pôle de compétitivité Aerospace Valley. “Toulouse a toutes les compétences pour faire du spatial. En Allemagne, avec le DLR, ou aux Etats-Unis, avec la Nasa, les centres sont éparpillés. À Toulouse, il y a tout”, déclare le spécialiste des nanosatellites. Le pôle a mis sur pied la New Space Factory, un regroupement d’une douzaine de PME destiné à représenter l’écosystème toulousain à l’international.

Vers une nouvelle étape en 2019

Cette année, le New Space tricolore doit entrer dans une nouvelle phase. OneWeb devrait commencer à lancer sa constellation, avec la mise en orbite par Soyouz des premiers satellites. Thales, également sur les rangs du New Space avec Thales Alenia Space, a investi dans la constellation BlackSky, qui devrait également commencer ses tirs cette année. Le nanosatellite de Nexeya devrait enfin faire ses premiers pas, avec un lancement à partir de Kourou cette année. “2018 a été une année formidable sur le plan scientifique, 2019 sera important pour le New Space” conclut Grégory Pradels.

 

Par Florent Detroy (@florentdetroy)

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