Le rapprochement des laboratoires Takeda et Shire bouleverse le monde de la pharmacie. Si ce groupe n’arrive qu’au huitième rang des leaders mondiaux du secteur, sa capacité d’innovation et de production de brevets augure d’avantages stratégiques décisifs.

Définitivement scellée en début d’année, l’intégration du laboratoire irlandais Shire par la major nippone Takeda se sera faite au forceps. Mis à part Christophe Weber, PDG de la multinationale japonaise, qui croyait vraiment à la faisabilité de cette fusion rebattant les cartes de l’industrie pharmaceutique mondiale ? C’est dans un climat parfois hostile que ce rapprochement économique s’est opéré. Au pays du Soleil-Levant, des mécontentements s’étaient fait entendre parmi les têtes pensantes du groupe Takeda dès la naissance du projet. « Nous y sommes résolument opposés, car les risques financiers sont trop importants et les bénéfices escomptés assez limités », déclarait Kazuhisa Takeda, ancien directeur de la firme et membre de la famille fondatrice de cette entreprise plus que bicentenaire. Du côté de Shire, on rechignait à signer une offre alors jugée insuffisante avant les 52 milliards d’euros proposés in fine pour forger cette alliance. Quant aux acteurs de l’industrie pharmaceutique, ils doutaient sérieusement de la capacité de Takeda de financer cette acquisition, créant ainsi un climat économique global à la baisse. Résultat ? Les actions du Japonais subissent une chute de plus de 25 % en mars 2018. Autant dire que ce deal n’était pas né sous une bonne étoile.

Avantage concurrentiel ou concurrence déloyale ?

Le rapprochement entre Takeda et Shire accouche d’un groupe de premier plan. Cette entité s’impose d’ores et déjà comme le huitième acteur mondial du secteur pharmaceutique avec un chiffre d’affaires de 31 milliards de dollars. On est loin du bilan mirobolant de Johnson & Johnson, indéboulonnable leader international avec un exercice financier 2018 de 71 milliards. Pourtant, avec cette fusion acquisition stratégique, Takeda ne cherche pas à gagner en capital. Son objectif premier vise surtout à asseoir son positionnement unique sur le marché mondial des médicaments : celui d’un acteur incontournable sur les thérapies contre les maladies digestives, les pathologies rares, le cancer et les affections du système nerveux. Autre avantage de la société : elle est aujourd’hui bien implantée en Asie, aux États-Unis et sur le Vieux Continent.


Cette entité s’impose  déjà comme  le huitième  acteur mondial du secteur

Pour contrer la création d’un monopoleur économique, l’autorité européenne de la concurrence, vigilante, a demandé quelques gages de confiance pour avaliser ce rachat. D’où la cession du SHP647, un traitement appartenant à Shire, alors que cette molécule est encore en phase d’essais cliniques. Les autorités antitrust du Brésil, de la Chine et des États-Unis ont, quant à elles, donné leur feu vert pour une exploitation commerciale des traitements Takeda-Shire sur leur territoire.

La recherche en première ligne

Pour consolider la R&D, le groupe nouvellement créé dynamise un réseau international autour de trois centres névralgiques. Aux États-Unis seront développés les médicaments utilisés notamment en oncologie et dans le traitement des maladies gastro-intestinales. Le Japon se spécialisera dans le domaine du système nerveux. L’Irlande, fief de Shire, continuera à innover sur les maladies rares. En presque quatre ans, « nous avons réussi à créer un réseau de 180 collaborations avec des laboratoires académiques, des biotechs ou des laboratoires pharmaceutiques », explique Christophe Weber. Une dynamique au long cours. La fusac entre Takeda et Shire va peut-être écrire une nouvelle page de l’histoire industrielle, économique et scientifique de la pharmacie.

Nicolas Bauche

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