Tatyana Terentyeva est la directrice des ressources humaines de Rosatom, l’agence fédérale russe de l’énergie atomique. Dans un secteur économique fortement dominé par les hommes, elle donne son opinion sur la diversité, en défendant l’égalité des sexes et la place des femmes aux postes de direction.

Décideurs. Vous êtes directrice des ressources humaines dans un secteur économique dominé par les hommes. Quels sont les systèmes favorisant la diversité chez Rosatom ?

Tatyana Terentyeva. Selon le Global Energy Talent Index 2019 [indice mondial des talents dans le secteur de l’énergie, ndlr], les femmes ne représentent que 11 % des travailleurs dans le secteur de l’énergie. Pourtant, chez Rosatom, elles occupent presque 30 % de tous les postes d’encadrement.

Nous devons cette diversité au fait que notre objectif est de trouver et d’encourager le potentiel caché, quels que soient l’employé et son origine. C’est ce qui motive notre processus d’embauche. Notre écosystème de talents nous permet de favoriser ceux-ci dès le plus jeune âge. Nous travaillons avec des établissements d’enseignement primaire, secondaire et supérieur, en faisant en sorte à chaque niveau d’encourager la curiosité pour les sciences, les technologies, l’ingénierie et les mathématiques (Stim), de souligner que chacun a une large palette d’opportunités et que l’industrie nucléaire garantit une longue carrière réussie.

Actuellement, notre écosystème de talents comprend 400 écoles maternelles, élémentaires et secondaires, plus de 230 écoles supérieures et universités et un système de progression professionnelle pour les 260 000 employés de l’entreprise répartis dans 400 entreprises nucléaires et institutions de R&D. Dans le cadre de l’évolution de carrière des employés, Rosatom Academy propose plus de 250 programmes de formation, auxquels 85 000 employés du secteur participent chaque année. Rien que cette année, nous prévoyons de former 50 000 personnes aux affaires internationales et de développer l’habileté numérique de base de 40 000 employés.

Notre entreprise donne la priorité à une démarche centrée sur l’humain, en tenant compte des besoins et des ambitions de chaque individu, pour s’assurer que chacun réalise son potentiel.

Si une entreprise vous demandait conseil pour promouvoir l’égalité, que lui diriez-vous ?

Je conseillerais à toutes les entreprises du monde d’adopter une démarche centrée sur l’humain pour toutes leurs actions. Que l’on soit un homme ou une femme, quelles que soient l’origine ou les difficultés rencontrées dans la vie, la seule constante est que nous sommes tous différents. Nous travaillons tous différemment et avons tous des ambitions différentes. Un employeur doit admettre cela et veiller à ce que lieu de travail soit propice à la productivité de tous les employés.

Une démarche centrée sur l’humain nous permet de cerner les motivations réelles d’un employé et de savoir comment l’aider au mieux à évoluer. Par exemple, historiquement, le grand frein à l’entrée des femmes dans le monde du travail a été leur rôle de mère. C’est pourquoi nous nous efforçons de développer une infrastructure sociale, notamment des crèches, des séjours en villégiature, etc., pour que les parents qui travaillent se sentent soutenus et non accablés du temps qu’ils passent à la maison ou au travail.

En tant que femme à un poste de direction, quels défis rencontrez-vous dans le secteur nucléaire ?

Dans ma vie professionnelle chez Rosatom, je n’ai jamais rencontré d’obstacle insurmontable dû à mon sexe. Il est vrai que je travaille dans les RH, ce qui, en Russie du moins, est perçu comme une profession majoritairement féminine. Mon expérience pourrait être totalement différente dans les technologies de l’information, ou, plus généralement, dans le secteur du numérique et des technologies.

Rosatom ne m’a jamais semblé une entreprise fermée aux femmes ou dans laquelle les femmes pourraient avoir des difficultés à réussir. Par exemple, notre service de la numérisation est dirigé par une femme et le PDG de notre entreprise de combustible nucléaire TVEL est également une femme. Pour moi, il s’agit plutôt d’offrir des opportunités, de donner aux filles et aux jeunes femmes la curiosité des STIM et de leur inculquer qu’elles sont capables de faire tout ce qu’elles veulent.

Il est également utile d’avoir des exemples, des modèles à suivre. Le simple fait que notre entreprise confie des postes de direction à des femmes montre aux jeunes filles les opportunités qui s’offrent à elles.

Les femmes expliquent parfois qu’elles ont peu de modèles auxquels s’identifier. Pensez-vous qu’il est nécessaire de promouvoir le mentorat au sein de l’entreprise et comment faire ?

Chez Rosatom, nous donnons à nos employés le choix parmi divers déroulements de carrière et une fois que la personne a choisi sa voie, nous utilisons divers outils. L’un d’entre eux est le mentorat. Le mentor peut être un membre de l’encadrement, d’une autre division ou d’une autre fonction, puisque nous promouvons le développement de carrière vertical et horizontal.

Notre système de mentorat s’est révélé si efficace que nous avons réussi à l’étendre pour que toute personne cherchant à développer ses compétences saisisse cette occasion. Dans la culture de l’entreprise, il est universellement admis que chaque employé a accès au programme de mentorat.

Un mentor est quelqu’un à qui l’on peut poser n’importe quelle question relative à son déroulement de carrière. Il accepte d’aider quelqu’un d’autre dans son évolution professionnelle pendant un an, un an et demi, deux ans, ce qui peut être extrêmement précieux tant pour les hommes que pour les femmes, à chaque étape de leur carrière dans le secteur.

Nos grands dirigeants ont eux aussi des mentors. Étant donné qu’il s’agit d’une personne ayant acquis de l’expérience dans un certain domaine ou à un poste donné, l’âge ou le statut n’entrent pas en ligne de compte dans notre système de mentorat. En d’autres termes, un cadre dirigeant ou n’importe quel employé ayant de l’ancienneté peut avoir un mentor plus jeune. Les jeunes gens ont beaucoup à apprendre à la génération précédente, en particulier dans le domaine de la numérisation. Nous appelons cela le « mentorat inversé » et il est très utile pour remotiver et rétablir l’implication de nos employés les plus anciens.

Quant aux femmes, nous avons remarqué qu’elles tirent un grand avantage du mentorat qu’elles apportent à leurs collègues. D’après notre expérience, les femmes assurent souvent un mentorat pour les compétences relationnelles, en aidant leurs collègues à développer leurs aptitudes de communication et de travail en équipe. Ce type de rôle responsabilise les femmes, permet aux hommes de mettre de côté leurs préjugés sur les femmes au travail et incite celles-ci à se soutenir entre elles et à réussir.

Pensez-vous que les femmes dirigent d’une autre façon que les hommes ?

Non, je ne le pense pas. Il existe un stéréotype à deux facettes : soit elles sont trop douces, soit elles sont agressives et caractérielles. J’ai pourtant observé ces défauts chez des hommes comme chez des femmes. Tout dépend de la personnalité de chacun. À mon avis, le sexe n’a rien à voir là-dedans.

La seule manière de lutter contre ce stéréotype est de placer plus de femmes à des postes de direction. Selon un rapport de Grant Thornton, en Russie, plus de 40 % des postes de direction sont occupés par des femmes, alors que dans certains pays, ce chiffre est bien plus bas,

en Russie, plus de 40 % des postes de direction sont occupés par des femmes, alors que dans certains pays, ce chiffre est bien plus bas

jusqu’à 8 % seulement de femmes parmi les grands dirigeants. Je ne peux qu’imaginer la situation de ces dernières dans ces pays-là, qui doivent briser le plafond de verre et prouver à leurs collègues masculins qu’elles sont d’aussi bons dirigeants qu’eux, si ce n’est de meilleurs.

Vanessa Frey

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