Plus de trois ans après son lancement officiel, l’association Circolab a défriché un certain nombre de dossiers et développé une boîte à outils utilisables par les acteurs de l’immobilier pour développer l’économie circulaire dans le secteur du bâtiment. Thierry Laquitaine, son président, liste les actions menées et dévoile les prochains axes de travail.

Décideurs. Pouvez-vous nous présenter l’association Circolab ?

Thierry Laquitaine. Circolab est une initiative de maitres d’ouvrages, principalement des directeurs du développement durable, de l’environnement, de grandes sociétés immobilières ou de constructions tels qu’AEW, Allianz, Covea, Generali, Groupama, Deloitte, Vinci et d’architectes, Karine Jevelot. Nous avons commencé à nous réunir fin 2016 à l’initiative de Rébecca Couzens, un an avant le lancement officiel de l’association fin 2017. Nous avions déjà pour la plupart des prototypes de projets de réemploi, qui impliquaient des immeubles de nos portefeuilles respectifs, nous voulions travailler sur des projets impliquant la circulation de matériaux entre des bâtiments appartenant à des maîtres d’ouvrage différents dans une logique de massification du réemploi. Nous avons amorcé cette démarche en nous appuyant sur une étude de l’ADEME portant sur les freins et obstacles du réemploi pour ensuite travailler à identifier précisément les obstacles et à les lever de manière systématique, en développant des outils pragmatiques et opérationnels. Nous nous sommes rapidement rendus compte que pour être efficace et entrainer les différents partenaires, nous devions échanger avec d’autres acteurs de la chaine de valeur du bâtiment. Nous avons ainsi été rejoints par des juristes, des fiscalistes tel que le cabinet TAJ, des bureaux de contrôle comme Bureau Veritas et Qualiconsult des assureurs en sollicitant nos courtiers et compagnies d’assurances respectives… Nous avons également interrogé nos directions juridiques.

Ce travail opérationnel mené sur la base du bénévolat nous a amené à rédiger une méthodologie du réemploi pour avoir une terminologie et une approche commune. En parallèle, nous avons été rejoints par de nouveaux acteurs comme des collectivités, Plaine Commune, la Métropole du Grand Paris, la Région Ile de France. Une fois la note méthodologique rédigée, nous l’avons soumise à plusieurs acteurs, dont le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) et la Fédération française de l’assurance (FFA), et amendée en fonction de leurs retours pour la rendre utilisable par tous. Nous avons également défini, avec le concours du CSTB, des indicateurs permettant d’objectiver l’impact environnemental et socio-économique des projets de réemploi, rédigé un clausier à intégrer dans le cahier des charges des maîtres d’ouvrage et mené des travaux sur l’upcyclage. Nous tirons la pelote et découvrons au fur et à mesure de nouveaux sujets à explorer. A chaque fois qu’un nouveau besoin est identifié et que les membres souhaitent s’y engager, un groupe de travail collaboratif est mis en place avec un ou deux pilotes pour aboutir à un livrable. Circolab compte aujourd’hui 70 membres effectifs représentatif de la chaîne de valeur immobilière industriels, architectes, promoteurs, maitres d’ouvrage publique et privée, entreprises de construction, consultant, AMO, experts, juristes, entreprises de déconstruction, entreprises de valorisation, spécialiste du BIM, exploitants et mainteneurs….

"Notre objectif est de faire du réemploi une pratique courante dans tous les métiers de la chaine de valeur du bâtiment"

Trois ans après la création de Circolab, quel bilan tirez-vous ?

Il est extrêmement positif. Grâce à nos nombreuses actions, nous avons défriché un certain nombre de dossiers qui font date et développé une boîte à outils utilisables par les acteurs de l’immobilier et particulièrement les maîtres d’ouvrages. La Fondation Bâtiment Energie a repris par exemple nos travaux sur le diagnostic ressources. Par ailleurs, Circolab reste très dynamique. J’en veux pour preuve la participation en moyenne d’une cinquantaine de personnes à nos plénières actuellement en visioconférence. L’écosystème est maintenant en place et poursuit son développement, générant de nouvelles initiatives et engendrant des synergies entre les membres. Nous avons également lancé en 2020, en partenariat avec le Geste d’Or, un trophée économie circulaire.

Quels sont vos prochains axes de travail ?

Nous avons un groupe de travail sur le BIM, piloté par Builders & Partners, afin d’exploiter le potentiel de la maquette numérique pour conserver les informations essentielles sur les composants des immeubles pour pouvoir les exploiter le moment venu. Un autre est dédié à l’exploitation des bâtiments, dans la mesure où les mainteneurs sont essentiels dans le réemploi car ils décident de la fréquence de remplacement des matériaux. Nous travaillons sur le sujet avec des acteurs comme la branche de GA Smart Building dédiée au facility management ou la société Auxygene. Nous avons systématiquement la volonté de travailler avec des opérationnels qui vont faire la différence sur le terrain. En parallèle, nous allons lancer le premier label du réemploi pour le bâtiment en France. Il permettra la labellisation par des organismes tiers d’opérations de construction, de rénovation et de démolition en faisant la synthèse de tous les travaux préparatoires menés ces dernières années. Une fois ce label et la RE2020 en vigueur, nous pourrons pousser plus en avant nos réflexions relatives à la survaleur. Nous avons également pour projet de créer une plateforme numérique qui sera dédiée aux maîtres d’ouvrages pour les assister dans leurs opérations de réemploi. A ce propos, plusieurs dizaines de projets sont en cours chez nos membres. Les retours d’expérience seront précieux car le développement du réemploi nécessite un temps de maturation, d’acculturation et de montée en compétences des équipes et des prestataires. L’association Circolab contribue activement à cette phase.

Quelles sont vos ambitions à moyen terme ?

Notre objectif est d’augmenter de manière significative le taux de valorisation de la matière, d’amortir au maximum son impact environnemental et de faire du réemploi une pratique courante dans tous les métiers de la chaine de valeur du bâtiment. En ayant à l’esprit que notre industrie est un des principaux secteurs émettant des gaz à effet de serre en France, que 50 à 70 % des émissions carbone d’un immeuble sont recensées lors de la phase amont de son cycle de vie et que la moitié des matériaux « critiques » recensés par l’Union européenne sont utilisés dans la construction, le réemploi apparait comme incontournable et décisif. De plus, cette démarche fait partie des « quick win » : à la différence du passage du transport thermique à celui électrique par exemple, il n’y a pas de problématique capitalistique à son développement. Pour faire de l’économie circulaire la norme, nous devons collaborer avec l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur de l’immobilier. De plus, au niveau nationale et régional, une gouvernance équilibrée doit se mettre en place pour développer et coordonner efficacement ce sujet. Nous n’avons pas encore eu d’échange avec le gouvernement sur cet aspect, je le regrette. Il y aurait intérêt à s’inspirer des exemples de la Belgique et des Pays-Bas.

Propos recueillis par François Perrigault

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