Alors que la Société de la Tour Eiffel devait présenter son nouveau plan stratégique cet été, la crise sanitaire et économique a changé la donne. Thomas Georgeon, directeur général, et Bruno Meyer, directeur général délégué, explique à Décideurs comment la foncière traverse la situation actuelle.

Décideurs. Comment évaluez-vous la solidité de votre portefeuille de locataires ?

Thomas Georgeon. Nous avons développé notre propre méthode en nous basant sur une analyse multicritères : le secteur d’activités, le ratio de solvabilité, la mesure du risque crédit… Cette démarche a été revue et avalisée par le cabinet EY et présentée au conseil d’administration en juillet dernier. Elle a permis de démontrer notre résilience avec une faible exposition au risque de signature. Nous récoltons ainsi les fruits de notre stratégie résolument multilocataires. Suite aux départs de Capgemini à Suresnes et d’Alstom à Massy, nous avons en effet débloqué un programme de capex pour rendre nos deux actifs multilocataires. Chacun est désormais reloué à plus de 30 % et la commercialisation se poursuit. Le bail moyen de la Société de la Tour Eiffel portant sur une surface de 1 000 m², cette « atomisation » nous protège, d’autant que notre patrimoine s’apparente plutôt à du middle et back-office dans les schémas directeurs immobiliers de nos clients. Or ce ne seront pas les premiers à faire l’objet d’arbitrages en cas d’optimisations des surfaces par recherche d’économie. Au contraire, nous bénéficierons peut-être d’un phénomène de report dans certains endroits car nos actifs offrent un très bon rapport qualité-prix et ils répondent aux préoccupations sanitaires avec un ratio m² / poste de travail plutôt élevé.

Décideurs. Comment s’est déroulé le recouvrement des loyers du T3 ?

Bruno Meyer. Nous sommes sur un trend de recouvrement très positif. Il est identique à celui observé l’année dernière à la même période. De plus, nous n’avons pas eu à mettre en place des mesures d’accompagnement supplémentaires par rapport au deuxième trimestre. Nous n’avons donc pas fait de provisions pour dépréciation sur des loyers impayés. Cette situation positive s’explique en grande partie par la relation avec nos locataires liée à l’internalisation de tous les métiers de la foncière.

"Nous allons réaliser de nouveaux arbitrages d’ici la fin de l’année"

Quelles sont vos convictions quant à l’évolution des valeurs locatives sur les marchés que vous ciblez ?

Thomas Georgeon. Tout d’abord, l’activité locative de la Société de la Tour Eiffel n’a jamais été aussi intense ! Nous maintenons nos valeurs faciales pour le moment dans tous les secteurs géographiques où nous sommes présents. Les métropoles régionales souffrent à l’heure actuelle mais elles affichent des loyers au m² raisonnables, ce qui nous rend optimistes ; ces marchés devraient redémarrer sans trop de difficultés quand la situation économique s’améliorera. De plus, le marché locatif est au rythme du bail 3/6/9, ce qui devrait naturellement le faire sortir de sa torpeur de 2020.

Quid des valeurs vénales ?

Thomas Georgeon. Les repricing actuellement ne sont pas aussi importants qu’anticipés par certains acteurs, et nous ne nous attendons pas à voir des évolutions marquées sur les valeurs au 31 décembre. N’oublions pas que les afflux de capitaux à déployer dans l’immobilier restent très importants. Cette tendance amène à relativiser le mouvement de « flight to quality » prédit par nombre d’observateurs. En effet, le sous-jacent reprend de l’importance : son emplacement, bien sûr, mais aussi la qualité de signature de ses locataires, sa modularité, sa performance environnementale, en lien notamment avec le décret éco-tertiaire. Sur ce point, nous sommes totalement prêts et armés, capables de mettre en place des critères d’appréciation à l’acquisition comme à la vente. En parallèle, la Société de la Tour Eiffel a lancé un travail pour évaluer la résilience technique de son patrimoine, dont nous aurons les résultats d’ici la fin de l’année.

Où en est le plan de cessions de la Société de la Tour Eiffel ?

Bruno Meyer. Nous avons avancé à plus de 60 % notre programme de cessions de 189 M€ à date et nous allons réaliser de nouveaux arbitrages d’ici la fin de l’année. Nos dernières ventes, à savoir le parc des Tanneries à Strasbourg et l’immeuble Triopolis à Villeneuve d’Ascq, ont été finalisées au prix des promesses. Toutefois, nous n’avons pas de pression pour achever rapidement ce programme de cessions d’actifs non-stratégiques car notre ratio loan-to-value est redescendu en-dessous de 40 % suite à l’émission de 180 M€ de titres subordonnés à durée indéterminée (TSDI) en juin dernier.  

"Nous avons le socle nécessaire pour saisir d’éventuelles opportunités de croissance externe"

Les sale-and-leaseback constituent-ils un axe de développement pour la Société de la Tour Eiffel ?

Thomas Georgeon. Nous l’avons déjà fait et nous n’excluons pas d’en acquérir suivant les opportunités qui se présenteront. Notre point fort est notre culture client solide, incarnée et long terme. Mais nous serons vigilants quant à la localisation, au profil des utilisateurs et à la taille des dossiers.

Etudiez-vous de nouvelles opérations de croissance externe ?

Bruno Meyer. Nous avons mis moins d’un an à achever la fusion avec Affine et nous avons dépassé nos objectifs. Nous avons à cette occasion mis en place l’organisation, les processus et les outils d’une grande foncière. Nous avons donc aujourd’hui le socle nécessaire pour saisir d’éventuelles opportunités de croissance externe, ainsi que les moyens financiers grâce au soutien fidèle et  renouvelé de nos actionnaires.

Où en est la rédaction de votre nouveau plan stratégique ?

Thomas Georgeon. Notre plan stratégique était prêt au début de l’été. Mais compte tenu de la crise sanitaire et économique qui devrait perdurer, nous avons décidé de nous focaliser actuellement sur nos forces et notre résilience. Cela ne signifie pas que nous arrêterons de nous développer, bien au contraire. Nous poursuivons la commercialisation des actifs de Suresnes et de Massy ; nous avons trois nouveaux projets de développement dans notre pipeline à Lyon, Aubervilliers et Puteaux suite aux départs respectifs d’Orange, Atos et Coty, annoncés à l’été 2020 ; le plan de cessions continue et nous restons à l’affut d’opportunités d’investissement intéressantes à saisir.

Propos recueillis par François Perrigault (@fperrigault)

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