Stéphane Chasseloup, avocat spécialiste du droit douanier chez Fidal, anticipe les conséquences douanières pour le Royaume-Uni du Brexit.

Décideurs. Quelles seront les conséquences douanières du Brexit pour les entreprises françaises ?

Stéphane Chasseloup. C’est un travail d’anticipation car la procédure de l’article 50 du traité de l’Union européenne permettant la sortie d’un État membre n’est pas encore enclenchée. Le régime intracommunautaire de TVA continue à s’appliquer jusqu’à la sortie effective du pays. Les conséquences pour les entreprises peuvent être analysées sous deux angles : celui des échanges entre le Royaume-Uni et la France et celui des entreprises exportatrices depuis le Royaume-Uni à destination de la France. Pour un échange avec le Royaume-Uni, on va passer d’une forme intracommunautaire à une opération d’import/export avec des formalités douanières à effectuer à chaque étape, ce qui n’était pas le cas auparavant, hormis la simple déclaration d’échanges de biens.

 

Décideurs. Et pour les entreprises britanniques ?

S. C. Le Royaume-Uni devrait négocier des accords commerciaux avec l’Europe, et c’est de cette négociation que vont dépendre les conséquences douanières. On peut compter actuellement trois types d’accords. En premier lieu, on connaît l’accord d’Union douanière, comme celui qui lie la Turquie et l’Union européenne. Il existe aussi les accords bilatéraux comme l’accord UE-Suisse, et les accords de libre-échange, comme UE-Norvège. Ce dernier représenterait selon les analystes le plus pertinent pour le Royaume-Uni. Mais serait-il prêt à subir le droit communautaire sans le voter ? L’hypothèse la plus probable va à l’accord bilatéral d’origine préférentielle. Cependant, il existe une limite : la Grande-Bretagne ne reçoit que 7 % des biens européens, alors que plus de 90 % des biens produits dans le pays sont exportés dans l’Union. Ce fort déséquilibre pourrait compliquer la création d’un tel accord car il n’y a aucune raison pour que l’Union européenne accepte de lever les barrières douanières afin de ne voir que 7 % de ses biens exonérés. Cela étant dit, la négociation d’un tel accord ne constituera pas la seule difficulté rencontrée par le Royaume-Uni.

 

Décideurs. C’est-à-dire ?

S. C. Il faut rappeler que l’Europe a conclu cinquante-huit accords bilatéraux préférentiels. Cela signifie, par exemple, qu’une entreprise française fabriquant ou transformant suffisamment en France pourra exporter des biens au Mexique sans payer de droits de douane. La Grande-Bretagne va devoir renégocier tous ces accords. Cela va s’avérer difficile car un pays seul n’a pas autant de poids que l’Union européenne dans la balance politique.

 

« Si un client venait me voir pour un projet au Royaume-Uni, j’y mettrais un avertissement de prudence, pour ne pas dire que je le déconseillerais vivement en l’état. »

 

Décideurs. Que conseilleriez-vous aux entreprises françaises implantées au Royaume-Uni : partir ou rester ?

S. C. Il est compliqué d’avoir une vision claire à ce sujet. Il sera en tous cas difficile pour les entreprises déjà implantées de revenir. Ce qui est sûr, c’est que tous les projets vont être bouleversés : ils seront gelés et à long terme peut-être abandonnés. Si un client venait me voir pour un projet au Royaume-Uni, j’y mettrais un avertissement de prudence, pour ne pas dire que je le déconseillerais vivement en l’état.

 

Décideurs. Comment le droit douanier britannique va-t-il évoluer?

S. C. Ce sera aux Britanniques de décider s’ils veulent appliquer des dispositions semblables à celles de l’Union européenne ou adopter un autre droit douanier autonome. Ce serait un retour en arrière inédit. Cependant, le Royaume-Uni ne sera pas totalement libre dans son choix car il fait partie de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Ses nouvelles dispositions devront notamment être conformes à l’accord Gatt de 1947. En tout état de cause, pour l’instant, le Royaume-Uni applique le droit douanier communautaire et l’appliquera jusqu’à sa sortie effective. Pour rappel, de tous les droits, c’est certainement celui qui est le plus harmonisé dans l’Union européenne, excepté en matière contentieuse.

 

Décideurs. Que manque-t-il pour l’harmonisation du contentieux douanier en Europe justement ?

S. C. Le nouveau code douanier de l’Union est applicable depuis le 1er mai 2016. Il contient des dispositions pertinentes, en matière de simplification et de dématérialisation, et d’autres décevantes, comme la nouvelle notion « d’exportateur ». Ce qui est frustrant, et même si c’est compréhensible au sens du droit communautaire, c’est que ce code ne va pas au bout de l’harmonisation en matière de sanctions. Le contentieux douanier est pénal en France alors que d’autres États membres prévoient une simple sanction administrative pour des manquements douaniers. Je regrette que l’harmonisation totale n’ait pas abouti en la matière.

 

Propos recueillis par Pascale D’Amore et Emilie Smelten

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