Les électeurs potentiels d’Éric Zemmour viennent de milieux sociaux divers, contrairement à certaines idées reçues. Mais sur le plan des idées, ils sont unis par une peur de l’islam et une sensibilité aux questions sécuritaires. Focus sur un sondage de grande ampleur mené par Ipsos.

Nous avons tous entendu parler des Ovni. Mais, depuis quelques mois, est apparu sur le devant de la scène un Opni, soit objet politique non identifié. Si Éric Zemmour fait la Une des médias et des réseaux sociaux, son électorat potentiel est encore méconnu. Pour y voir plus clair, Ipsos a publié une vaste étude pour le compte du Cevipof, de la Fondation Jean Jaurès et du Monde. Son échantillon de 16 228 personnes permet une faible marge d’erreur et une analyse sociologique détaillée. De quoi mieux comprendre le phénomène.

Un électorat sociologiquement équilibré…

Principal constat, l’électorat Zemmour se "diversifie" peu à peu. Les premières études laissaient supposer que son socle électoral était constitué en grande partie de personnes âgées, instruites et à fort pouvoir d’achat. L’étude publiée mi-octobre relativise cette situation. Crédité de 16% au niveau global, celui qui rêve de rassembler la droite de la droite surperforme légèrement chez les plus de 65 ans (17%), mais reste à un niveau satisfaisant chez les moins de 35 ans (13%). Le différentiel entre "vieux" et "jeunes" n’est que de 4 points, contre 13 pour Xavier Bertrand dont l’électorat potentiel est grisonnant. Même si Éric Zemmour reste distancé par Marine Le Pen chez les CSP-, il est tout de même mesuré à 16% contre 14% chez les CSP+. Notons que c’est chez les femmes de moins de 35 ans qu’il est au plus bas (8%) tandis que c’est chez les hommes de plus de 60 ans qu’il effectue son meilleur résultat (20%). Si son électorat est donc hétérogène sur le plan social et générationnel, il est homogène sur le plan des idées.

… mais "réac"

Nul besoin de prendre de gants pour le dire, les électeurs prêts à glisser un bulletin Zemmour dans l’urne ont des idées qui relève de la droite réactionnaire (contrairement à Marine Le Pen au public plus social, populaire et populiste). Ainsi, 96% des "zemmouriens" considèrent que l’islam est une menace pour la République. Parmi leurs principales préoccupations, l’immigration (citée à 75%) et la délinquance (51%), soit respectivement 46 et 24 points de plus que la moyenne nationale. En revanche, les questions sociales ou écologiques figurent en bas de la liste..

Une mauvaise image

Pour le moment, les positions polémiques d’Éric Zemmour lui permettent de séduire un noyau de sympathisants loin d’être négligeable. Au fil des sondages publiés depuis deux mois, son électorat se consolide voire se renforce. Pourtant, dans l’opinion publique son image est particulièrement mauvaise. Sa candidature inquiète 57% des Français, soit plus que celles de Marine Le Pen (56%) et Jean-Luc Mélenchon (53%). Soulignons également que 83% Français estiment qu’il donne une mauvaise image du pays à l’étranger. Seul Jean-Luc Mélenchon fait pire avec 85%. Enfin, seuls 20% des personnes interrogées (soit peu ou prou son électorat potentiel) soutient qu’il a l’étoffe d’un président de la République. Si le score est faible, il reste néanmoins supérieur d’un point à Jean-Luc Mélenchon et de quatre points à Anne Hidalgo et Yannick Jadot. En somme, l’auteur de La France n’a pas dit son dernier mot dispose d’un socle solide séduit par ses outrances et sa volonté de casser les codes. Mais il rebute une large partie de l’opinion, notamment chez les électeurs de Marine Le Pen et de LR. De quoi lui assurer une niche électorale potentielle. Mais celle-ci aura des difficultés à s’élargir…

Lucas Jakubowicz

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