Passionné par l’industrie, Serge Bourdon est entré « aux Chantiers » il y a un an. Il y pilote non seulement les ressources humaines mais aussi la communication. À ses yeux, le très médiatisé changement d’actionnaire attendu de STX est presque un « non-sujet ».

Décideurs. Vous avez la double casquette de directeur des ressources humaines et de la communication. Ce n’est pas trop difficile à assumer dans des périodes de forte médiatisation, comme celle du changement annoncé d’actionnaire ?

Serge Bourdon. Ce poste hybride est assez traditionnel chez STX. Il y a toujours eu un « DRHC » dans l’entreprise. De mon côté, j’avais l’habitude de gérer la communication interne. J’avais déjà la responsabilité de la communication externe dans mon précédent poste dans la chimie et c’est avec plaisir que je la retrouve dans ma fonction actuelle. Il est vrai que je préfère que ce changement d’actionnaire intervienne maintenant et pas juste au moment de mon arrivée dans l’entreprise ! Dans l’intervalle, j’ai eu le temps de me plonger dans les dossiers avant d’avoir à gérer la situation actuelle.

 

Les salariés sont-ils préoccupés par l’actualité et les différentes rumeurs sur le futur nouvel actionnaire de STX ?

Sans doute mais que partiellement. Leur principale préoccupation est plutôt de ne pas revenir à l’époque où il n’y avait plus de commandes et où l’entreprise vivait de sérieuses difficultés. C’était il n’y a pas si longtemps. Actuellement, nous avons un carnet de commandes rempli, même s’il ne l’est pas de façon certaine pour dix ans. Les commandes de navires sont assurées de 2017 à 2022, mais pour 2022 à 2026, c’est sur option, il faut que les premières commandes se passent bien. Tout le monde reste très vigilant. Les salariés ont déjà vécu plusieurs changements d’actionnaires. Ils savent que la situation de l’actionnaire est distincte de celle des Chantiers eux-mêmes. D’ailleurs, l’entreprise sud-coréenne qui détient STX a des difficultés depuis plusieurs années, ce qui n’est plus notre cas. Notre carnet de commandes est certainement très enviable. Pour finir, nous pouvons aussi espérer qu’un nouvel actionnaire investisse dans la société, et accélère encore le développement du chantier…

"Nous pouvons espérer qu'un nouvel actionnaire investisse dans la société et accélère encore le développement du chantier"

 

Il vous faut donc accompagner ce développement. Or STX rencontre des difficultés pour recruter, vous vous êtes exprimé sur le sujet. Quelles sont exactement ces difficultés ?

Depuis un an, nous avons recruté à peu près autant de cadres que de techniciens/agents de maîtrise et nous accélérons aujourd’hui le recrutement ouvrier. Et, oui, nous rencontrons des difficultés. C’est presque devenu la tarte à la crème mais c’est vrai, il nous est difficile de trouver les chaudronniers et les soudeurs. Or nous avons besoin de 60 soudeurs et 40 chaudronniers d’ici à fin 2017.

 

Comment expliquez-vous cette situation paradoxale ?

La première explication est que ces métiers ont mauvaise presse. Il paraît plus respectable de porter une cravate et un attaché case que de travailler dans un atelier. Il y a également un problème évident de formation initiale. L’Éducation Nationale a supprimé le CAP de soudeurs il y a trente ans, et n’a jamais pensé qu’il faudrait restaurer ce type de formations. L’ensemble de la filière navale a fait du lobbying pour que l’on crée un nouveau CAP. Si elle n’a pas obtenu tout à fait gain de cause, il a tout de même été décidé de créer une option soudage en 2e année du CAP de chaudronnier. Mais le programme est en cours de rédaction et les jeunes n’y sont pas encore. Dernière explication, les gens se sont un peu détournés de ces métiers du fait des difficultés rencontrées par l’entreprise. Ils se sont dit qu’il fallait s’orienter vers des secteurs d’avenir, car « la navale, on ne sait pas où ça va ». Et pourtant, à Saint-Nazaire, c’est une grande fierté de travailler aux Chantiers et on y rencontre une sorte « d’élite ouvrière »…

"L’Éducation Nationale a supprimé le CAP de soudeurs il y a trente ans."

 

Comment pallier ces difficultés de recrutement ?

Nous faisons feu de tout bois. Nous participons à des job datings, nous passons des annonces sur Le Bon Coin, nous avons même acquis des espaces publicitaires sur You Tube… Nous avons désormais les mêmes outils que DCNS, Airbus ou Total. Et puis nous avons noué des partenariats avec Pôle emploi. Nous avons en particulier développé le recours à la MRS, la Méthode de Recrutement par Simulation. Les personnes qui sont parties dans une autre filière, ou ont un diplôme complètement différent comme cuisinier par exemple, peuvent s’intégrer à ce programme. Sur une demi-journée, leurs aptitudes à commencer une nouvelle formation sont testées et ils peuvent ensuite s’intégrer dans un parcours de formation si le résultat est positif. Bien entendu, nous intégrons également des apprentis, des alternants… Nous avons actuellement 50 alternants, et nous comptons maintenir cet effort dans les prochaines années.

 

L’image de STX dans la région est un peu chahutée. Il se dit parfois qu’elle ne fait pas assez vivre le bassin local. Que répondriez-vous à ces critiques ?

C’est compliqué parce qu’au niveau du bassin, nous avons simplement une pénurie de candidats…. ! Et il y a des mouvements contradictoires. Les Pays de la Loire attirent beaucoup. De nombreuses personnes décident de venir y vivre. Mais cela ne fait pas nécessairement diminuer de beaucoup le taux de chômage de la région. Pourquoi ? Parce que lorsqu’un foyer vient s’installer, il y a certes une personne qui prend un poste… mais il y a aussi son conjoint, qui le suit et pour cela démissionne… et s’inscrit à Pôle emploi.

 

On parle aussi du nombre de salariés étrangers présents sur le chantier. Que répondre à cela ?

Effectivement ce sujet des salariés détachés est récurrent… Mais cela ne représente que 1 000-1 500 personnes. C’est 10 à 15 % des effectifs travaillant sur le site, et 30 % au maximum en période de forte activité. Et il faut bien avoir en tête que nos activités sont très cycliques. Une fois qu’un bateau est terminé, il y a un vrai creux, il ne se passe presque plus rien et ce n’est pas forcément facile à absorber. Il faut aussi réfléchir à cet aspect. Pour nos coréalisateurs – c’est ainsi que nous appelons nos sous-traitants habituels – cela pourrait entraîner de la casse sociale. S’il était possible de ne faire travailler que des Français, on le ferait…

 

 

Propos recueillis par Marie-Hélène Brissot

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