C’est dans un chaleureux appartement boutique de l’avenue Georges V conçu comme un club anglais qu’Olivier Bréhaut (le responsable commercial des lieux) nous reçoit. Ici, chez Scabal, tout est singulier. Un espace élégant, intimiste et discret, où l’on est accueilli comme à la maison. Une maison remplie d’étoffes exceptionnelles, de pièces uniques et d’accessoires de très grande qualité. Bienvenue dans l’antre parisien de ce tailleur, drapier et façonnier né en Belgique il y a 82 ans. Depuis, de Londres à Paris, de New York à Tokyo jusqu’à Dubaï, la griffe Scabal a séduit le monde entier…

Décideurs. Pouvez-vous nous raconter l’histoire de cette belle maison, européenne bien avant l’heure ?

Olivier Bréhaut. L’acronyme Scabal signifie "Société commerciale anglaise, belge, allemande et luxembourgeoise", ce qui présageait déjà, de sa destinée européenne. Elle a été fondée en 1938 en Belgique par Otto Hertz, un négociant de tissus pour hommes qui importait des étoffes à une époque où ceux-ci n’avaient d’autre choix que de faire confectionner leurs costumes puisque le prêt-à-porter n’existait pas. En véritable passionné, Otto Hertz s’est vite installé à Londres, sur la mythique Savile Row, où il s’est associé à J. Peter Thissen qui possédait une entreprise de vente de tissus.

Cette collaboration a alors permis d’exporter le savoir-faire de la maison. Et pas seulement en Europe. Partout dans le monde, jusqu’en Asie et aux États-Unis. Plus tard, en 1989, Scabal a vécu un nouveau tournant avec la création à Sarrebruck d’un atelier permettant la réalisation de costumes masculins haut de gamme. Aujourd’hui, Gregor Thissen – président exécutif de Scabal et représentant de la troisième génération – perpétue la notoriété de la maison dont l’une des spécificités est d’assurer une fabrication 100 % européenne, et de proposer des tissus toujours innovants.

C’est-à-dire ?

L’innovation est inscrite dans les gènes de Scabal. Lorsque, dans les années 1970, J.-Peter Thissen a acheté notre unité de production d’Huddersfield, il a mis au point le premier tissu Super 100’s – le Summit – et des tissus intégrant des fragments de diamants – Diamond Chip – et de lapis-lazuli. Toujours en quête de perfection, Scabal a ensuite proposé des laines ultrafines. C’est ainsi qu’il est devenu l’initiateur des 120’s, 150’s et 180’s, puis des 250’s. Aujourd’hui, nous proposons notamment le Scabal Orchid, un tissu composé d’une molécule odorante qui, froissée, délivre un délicat parfum.

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Pouvez-vous nous parler de votre nouvelle collection ?

Nous en proposons deux par an, avec des tissus qui sont tous conçus en Angleterre avant d’être distribués dans plus de soixante-quinze pays. Notre cœur de métier étant d’être drapiers, nous vendons ces tissus à de grands couturiers – Hermès, Chanel ou Berluti par exemple. Nous fabriquons aussi nos costumes, aussi bien pour le business et les cérémonies que pour le casual. Le tout dans un style anglais modernisé, c’est-à-dire présentant des lignes plus souples et plus confortables. Pour cette collection automne-hiver, nous avons imaginé des tissus en fonction de l’architecture de monuments de plusieurs villes du monde : le Louvre à Abu Dhabi, le Chrysler Building à New York ou encore l’Opéra de Sydney, notamment. Sans oublier nos tissus composés de fils d’or, de poudres de diamants ou de lapis-lazuli.

Vos costumes sont proposés en demi-mesure. De quoi s’agit-il ?

En France, la demi-mesure [ou mesure mécanique, Ndlr] n’est souvent vue que comme de "simples" retouches sur un costume existant. Il s’agit en réalité de créer un patronage aux mesures du client. Et c’est un bel atout pour ceux dont les morphologies n’entrent pas dans une base normée, ainsi que pour les esthètes qui apprécient le tombé d’une manche ou encore l’ajustement à hauteur d’une martingale sur une veste de chasse. Enfin, c’est aussi la possibilité de s’offrir une tenue entièrement personnalisée à un prix proche du prêt-à-porter haut de gamme.

L'innovation est inscrite dans les gènes de Scabal

Pour un client, quelles sont les différentes étapes ?

Nos clients sont accueillis sur rendez-vous. Ensemble, nous choisissons un tissu parmi nos 5 000 références, puis nous déterminons un style en fonction de la coupe, des revers, du type de poche jusqu’au boutonnage. Scabal est le seul, à ma connaissance, à pouvoir garantir une qualité rigoureusement contrôlée, de la création du fil du tissu jusqu’à la pose du bouton cousu. La troisième étape consiste en la prise de mesures. Un mois plus tard, la pièce est prête pour un premier essayage. Mais nos clients ne sont pas obligés de venir jusqu’à nous. Nous sommes toujours en mesure de leur proposer un rendez-vous à leur hôtel, à leur domicile ou à leur bureau. Et, bien entendu, nous adaptons notre agenda à leur rythme.

De nombreuses personnalités ont contribué à la renommée de la maison. Pouvez-vous nous en citer quelques-unes ?

Costumes ou tissus griffés Scabal sont portés par des personnalités issues de milieux aussi divers que la politique, le sport, les arts. Ainsi, en 1971, Scabal a demandé à Salvador Dali de lui livrer sa vision de la mode masculine de l’an 2000. Ces réflexions ont donné naissance à une collection d’une douzaine d’œuvres d’art [soigneusement conservées dans les coffres-forts de la société, Ndlr]. On peut aussi voir les tissus et les costumes Scabal au théâtre, à l’opéra, au cinéma. Dans Le Parrain, TitanicMission Impossible, ou plus récemment dans The old man and the gun, avec Robert Redford. Sans oublier les séries, comme la britannique Peaky Blinders.

Les rois ont également fait appel à nous, notamment la famille royale de Belgique. Les présidents américains, de Lyndon B. Johnson à Barack Obama, nous ont également fait confiance. Il faut dire que le tailleur de la Maison Blanche (feu Georges de Paris) était un inconditionnel de la marque.

Avez-vous des projets particuliers pour 2021 ?

Nous devions habiller la délégation belge des Jeux olympiques d’été de Tokyo, ainsi que celle des Jeux handisports. Le Japon est un marché important pour Scabal; nous en étions donc d’autant plus fiers. Hélas, la crise sanitaire ne nous a pas permis d’aller jusqu’au bout de ce projet. Si tout va bien, ce devrait être pour 2021. De même, comme les tournages, le théâtre et les opéras reprennent peu à peu, nous devrions renouer avec nos collaborations régulières. Nous réalisons aussi des costumes pour le Musée Grévin. Ce fut le cas, par exemple, pour la statue du violoniste Renaud Capuçon qui y a fait son entrée en 2019. Enfin, nous organisons régulièrement des moments conviviaux avec nos partenaires : des artistes, des bottiers, des horlogers, des barbiers ou des producteurs de cognac avec lesquels nous proposons des dégustations. Nous espérons pouvoir renouer avec ces habitudes dès cette rentrée.

Laurent Fialaix

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