Stéphane Huten, associé responsable de la pratique Corporate M&A du bureau parisien d’Hogan Lovells a récemment accompagné les fondateurs du groupe Euro Ethnic Foods dans la cession de la branche épicerie de Grand Frais. Il revient sur cette opération et plus largement sur l’activité M&A passée et à venir.

Décideurs. Avec un chiffre d’affaires qui ne cesse de croître depuis dix ans, quelles raisons ont poussé les fondateurs d’Euro Ethnic Foods à céder 60 % de la branche d’activité "épicerie" de Grand Frais, dont ils sont actionnaires ?

Stéphane Huten. Euro Ethnic Foods possède un business model résilient ainsi qu’un support intelligent de croissance à long terme. Le partenariat avec un fonds comme PAI Partners, permet une croissance interne comme externe, tout en affirmant le groupe sur la scène française, en intensifiant le réseau, mais aussi à l’étranger grâce au modèle de croissance de Grand Frais, qui peut facilement se reproduire. Pour réaliser un développement de cette envergure, s’adosser à un partenaire financier tel que PAI était une option à étudier de près.  

Quels ont été les critères étudiés dans le cadre du choix de votre partenaire PAI Partners, au cours de cette opération ?

Évidemment, la capacité de développement de PAI dans le secteur du retail est probablement l’une des meilleures au vu de son track record et n’est plus à démontrer. Mais le choix du fonds, c’est aussi une histoire d’hommes et de femmes, puisque les fondateurs se sont entendus avec PAI pour garder un positionnement important avec 40 %. Il était donc nécessaire d’avoir des personnes prêtes à se conformer à un schéma de partenariat. Des types de contrats sur lesquels PAI s’est déjà positionné, renforçant l’intérêt porté au fonds.

Quels impacts la crise sanitaire a-t-elle eu sur la réalisation de l’opération, dans le temps et les négociations ?

L’activité d’Euro Ethnic Foods a très bien résisté à la Covid-19. C’est un de ces deals qui a pu bénéficier des difficultés économiques pour confirmer une thèse de solidité et de résilience de l’activité. Celle-ci, comme pour les secteurs de la tech ou de la santé, s’est avérée être une valeur refuge à la suite de la pandémie. La crise sanitaire a finalement été un facteur de renforcement de l’intérêt des parties pour l’opération car l’entreprise possédait cette capacité à résister dans le temps, même face aux évolutions économiques majeures que nous avons connues ces derniers mois.

Quels sont les enjeux et obstacles rencontrés dans des opérations de carve-out comme celle-ci ?

Dans l'opération Grand Frais, le défi a été de trouver le bon équilibre entre les actionnaires. Les deux doivent travailler intelligemment dans le temps et dans l’intérêt de l’entreprise tout en laissant à chacun sa place dans ce schéma de partenariat. La spécificité de cette opération est de mêler un LBO avec un partenariat 40/60. Le deal n’était pas complexe en lui-même puisqu’il portait sur un actif très sain et structuré.

"La crise sanitaire a finalement été un facteur de renforcement de l’intérêt des parties pour l’opération"

Hogan Lovells a su mobiliser différentes équipes sur ce dossier, le travail conjoint des practices fait-il partie de l’ADN du cabinet ?

Effectivement, cette opération, sans difficulté majeure, mais pleine d’enjeux correspond bien à l’ADN d’Hogan Lovells. Nous avons pu faire travailler sur ce dossier à la fois les équipes financement sur la dette LBO, les équipes anti-trust en matière de concurrence, les équipes fiscales et juridiques sur l’angle de structuration du deal mais aussi l’intégralité des équipes LBO sur les aspects package. Sur une transaction comme celle-ci, toutes les practices pertinentes ont été amenées à travailler ensemble. Cela exprime combien le modèle de notre cabinet vise à gérer l’ensemble des points de vue d’une même opération, et ce, depuis une seule adresse.

Après une année 2020 mouvementée, qui finit sur une belle opération pour les équipes d’Hogan Lovells, que pouvons-nous attendre pour la structure en 2021 ?

L’année 2020 a été mouvementée car les processus de vente ont beaucoup souffert en début d’année, lors du premier confinement. Pourtant, le miracle s’est produit et l’activité a très bien redémarré. Nous devrions pouvoir faire mieux que l’an passé chez Hogan Lovells. Nous avons notamment conseillé le consortium d’investisseurs ActoMezz, mené par Andera Partners, dans le cadre de la prise de participation dans Sogetrel jusqu’à la cession de cette dernière par Latour Capital pour 300 millions d’euros. Nous avons également assisté Towerbrook Capital Partners dans le cadre de l’acquisition de la division ferroviaire de Consolis.

Plus globalement, notre activité en private equity, qui s’est renforcée sur le segment upper mid à large-cap, nous permet de conforter notre positionnement sur ce marché en dépit d’une période complexe. Nous commencerons 2021 avec le sourire malgré cette année si particulière.

Quelles sont, pour vous, les grandes tendances qui feront le marché M&A 2021 ?

La tendance pour 2021 devrait se tourner vers les actifs résilients tels que la santé, la tech ou encore le secteur alimentaire. D’autres secteurs, plus classiques à l’instar de l’automobile, l’aéronautique ou l’hôtellerie, souffrent énormément, entraînant une baisse drastique du volume transactionnel. Nous nous attendons à un phénomène de report du marché sur les actifs résilients impliquant une plus grande concurrence sur un nombre d’actifs plus réduit. Il faudra, à l’avenir, encore plus de vitesse et d’efficacité pour assister ses clients sur ces dossiers disputés.

En regardant plus loin, 2021 pourrait être l’année du capital long avec des difficultés à anticiper les tendances macroéconomiques dans la durée. Les structures qui sont moins contraintes à un horizon de désinvestissement, comme les family offices ou les fonds evergreen, vont sans doute voir des opportunités s’ouvrir parce qu’ils sont capables d’investir avec moins de contraintes de temps, et donc moins de pression de la part du marché.

Il reste cependant une interrogation concernant l’incidence de la Covid-19 et la potentielle arrivée d’un vaccin sur le marché. Soit celui-ci se normalisera pour revenir à son état passé, soit il restera durablement touché, avec des actifs résilients qui conserveront une cote plus élevée. Des actifs, parmi lesquels nous retrouvons ceux nécessaires à l’homme en ces temps de crise, notamment au titre de la santé et de l’alimentation, et qui devraient rester un certain temps des valeurs refuge.

Propos recueillis par David Glaser

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