Le millésime 2021 s’inscrit comme une année record pour le cabinet White & Case. Malgré un marché du restructuring particulièrement atone depuis le début de la crise sanitaire, l’équipe dédiée est restée dynamique sur les dossiers de place, stratégiques. Saam Golshani, associé chargé de l’équipe fait le bilan d’une année remarquable et en tire les conséquences pour l’avenir de la pratique.

Décideurs. En ce début d’année, quel bilan faites-vous de l’année 2021 pour l’activité de l’équipe ?

Saam Golshani. L’année 2021 a été une année de transition. Dans le domaine des restructurations, nous avons été largement occupés l’an passé par la mise en œuvre de dossiers qui avaient débuté en 2020 comme Technicolor, Vallourec, Comexposium ou encore Europcar. Nous avons également eu l’occasion d’intervenir sur l’une des restructurations emblématiques de l’année, Pierre & Vacances, sur laquelle nous avons conseillé un des candidats repreneurs mais qui n’a finalement pas souhaité remettre d’offre. L’activité de l’équipé a été particulièrement soutenue par la continuité de ces dossiers et pas forcément par de nouveaux, une résultante des aides de l’État mises en place en réponse à la situation sanitaire et économique qui ont fortement diminué les difficultés de liquidité des entreprises.

En matière de distressed M&A, les opérations ont été nombreuses. On peut notamment citer la reprise de Bertin Technologies par le fonds public/privé FCDE ou encore celle, en début d’année, de la marque française de bijoux Agatha par le groupe Thom Europe.

2021 aura été marquée à la fois par des dossiers judiciaires d’une certaine taille, des contentieux complexes ainsi que des restructurings financiers majeurs, avec notamment la plus grosse opération menée en France depuis Eurotunnel : le restructuring de Vallourec. Cette opération a démontré à quel point le système français est sophistiqué et permet ce type de restructuration d’envergure. Il va d’ailleurs s’adapter encore plus à ces besoins de marché avec la transposition de la directive européenne.

À ce sujet, quel regard portez-vous sur les conséquences de la transposition de la directive européenne sur le droit français ?

La directive européenne renforce la compétitivité du marché français du restructuring. Aujourd’hui, les nouveaux dossiers sont encore peu nombreux pour en observer les conséquences mais nous remarquons que les investisseurs financiers anglos-axons sont particulièrement intéressés et satisfaits par cette amélioration du droit français. Tout ce qui contribue à la fluidité du marché, comme le mécanisme de cession des créances ou encore la capacité d’accéder au capital en cas de défaillance des actionnaires, aide à améliorer la liquidité du marché restructuring et améliore donc les options pour l’entreprise. Celle-ci étant le principal bénéficiaire des investissements en new money, tout ce qui incite à rendre le marché français attractif pour ces investisseurs est positif pour l’entreprise.

À titre d’exemple, mettre fin à cette capacité d’imposer un plan à dix ans à des créanciers dans le cadre d’une sauvegarde, c’est forcer l’actionnaire et l’entreprise à être responsables et à négocier avec les créanciers. Cela évite la tentation d’étaler les créances pour gagner du temps comme on a pu l’observer sur un dossier de place récent. Or, le temps n’aide jamais une entreprise. Pour s’en sortir elle a besoin de capitaux et d’un alignement d’intérêts entre les actionnaires et le management, le tout dans un environnement de plus en plus compétitif. La directive européenne permet de redonner la main au chef d’entreprise. Ainsi, les pouvoirs sont rééquilibrés entre les mains du dirigeant et les créanciers les plus seniors.

"La directive européenne permet de redonner la main au chef d’entreprise"

Pouvez-vous revenir sur les difficultés du dossier Comexposium sur lequel vous êtes intervenu ?

Ce dossier, que nous suivons depuis ses débuts, est le digne successeur de Cœur Défense, compte tenu des problématiques contentieuses qu’il soulève et de sa complexité générale.

Aujourd’hui, la plupart des financements LBO large-cap sont soumis au droit anglais. Cela permet de simplifier la syndication avec les CLO (Collateralized loan obligations), mais aussi parce que, traditionnellement, les investisseurs financiers, y compris français, étaient mal à l’aise avec les procédures de sauvegarde notamment depuis les dossiers Belvédère et Cœur Défense. Pour la première fois, avec Comexposium, il y a cette confrontation entre le droit du contrat, anglais, et une sauvegarde ouverte par les actionnaires uniquement pour gagner du temps. Cette confrontation n’aura d’ailleurs plus lieu d’être grâce à la transposition de la directive européenne. Il s’agit donc d’un combat d’arrière-garde assez symbolique entre ce qu’a été le droit français et ce droit anglais, choisi par les parties dans le contrat. Des enseignements très intéressants se dégageront des prochaines décisions des différentes juridictions dans cette affaire en France et au Royaume-Uni, le tout à l’aune du Brexit.

Le marché des restructurations tourne actuellement au ralenti, que nous réserve 2022 ?

Entre les reconductions de PGE et les aides d’État, le marché est aujourd’hui un peu atone mais il reprendra bientôt, surtout dans certains secteurs particulièrement impactés par la pandémie.

Cependant, je ne crois pas à une vague de restructurations du fait en partie à l’interventionnisme des États. Néanmoins, on peut estimer que l’inflation qui s’installe désormais de manière durable dans la zone euro forcera les banques centrales à relever leurs taux directeurs et donc à augmenter les intérêts. Cela aura un impact sur la marge des entreprises et sur l’accès aux liquidités. Nous allons sans doute progressivement sortir de cet univers où les liquidités sont gratuites et complètement disponibles. Des situations de tension devraient apparaître dans des secteurs affectés par la pandémie pouvant entraîner la nécessité d’apporter de nouveaux capitaux à des conditions et des rémunérations différentes si les actionnaires existants ne sont pas prêts à le faire.

"Je ne crois pas à une vague de restructurations du fait en partie à l’interventionnisme des États"

Quels sont les objectifs du bureau parisien de White & Case pour 2022 ?

Nous allons poursuivre la stratégie que nous avons mise en place ces dernières années afin de nous positionner délibérément sur le segment du large-cap et sur les dossiers complexes. Citons comme exemples le dossier Vallourec en restructuring, la fusion des activités de TF1 et M6, l’acquisition d’Aviva France par Aéma Groupe ou celle de HELLA par Faurecia en M&A, les IPOs tech d’OVHcloud ou de Believe, l’ensemble des SPACs ainsi que le premier de-SPACing, sans oublier le dossier Lagardère où nous sommes intervenus pour le compte d’Amber Capital. Cette activité s’articule autour d’un travail en collaboration intime entre nos équipes pluridisciplinaires en marchés de capitaux, M&A large-cap, coté et non coté, situations complexes et LBO, ainsi que l’accompagnement d’investisseurs financiers. Un panel que nous souhaitons totalement exhaustif. Nous souhaitons encore accentuer notre positionnement sur le segment large-cap et dossier complexe afin de proposer à nos clients une interface avec une profondeur quasi unique.

Nous allons poursuivre sur cette lancée avec des équipes embarquées qui travaillent extrêmement bien ensemble, que ce soit le contentieux, l’activisme, le boursier, les financements ou encore le regulatory. Nous avons par ailleurs démarré une plateforme de contrôle des investissements étrangers qui couvre toute l’Europe et pilotée depuis Paris par notre associé Orion Berg. Cela fait de nous le seul cabinet international possédant à Paris un associé qui ne travaille que sur ces sujets de manière dédiée.

Propos recueillis par Béatrice Constans

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