Quel est le point commun entre De Watou, société qui vient de réaliser la co-acquisition d’un ensemble commercial près de Lille avec la plateforme de crowdfunding Baltis Capital, et Bellevilles, foncière agréée ESUS qui a été lancée en décembre dernier ? Toutes deux sont présidées par Sébastien de Hulster. Ce dernier partage sa vision de l’immobilier avec Décideurs.

Décideurs. Quel est votre parcours ?

Sébastien de Hulster. Après avoir obtenu un bachelor of business administration à l’Essec, j’ai travaillé pendant deux ans au sein du groupe Carrefour chez Champion. Cette première expérience a été très formatrice mais je me sentais plus à l’aise dans une structure très agile. J’ai donc rejoint en 2004 De Watou, la société fondée par mon père dans les années 80 pour réaliser des opérations de restructuration et de revitalisation dans le cadre de la loi Malraux. En réhabilitant plus de 250 immeubles, la structure avait acquis un savoir-faire dans la conduite de projets immobiliers en centre-ville. Nous avons repris les rênes avec mon frère Guillaume il y a 15 ans en poursuivant l’activité de notre père et en développant une activité d’investissement commercial au sein des villes secondaires.

Que représente De Watou aujourd’hui ?

La structure détient et gère 500 commerces ainsi que 150 logements. L’an dernier, nous avons acquis dans le cadre d’un club deal avec Verdoso, Hermann Frères et Foncières Sima un portefeuille de 120 commerces sur 30 sites auprès de Fiducial Gérance. Nous avons réalisé depuis des ventes utilisateurs pour les actifs localisés dans des régions où nous ne sommes pas présents et repositionnons les autres. Nous travaillons par exemple sur une galerie marchande aux Mureaux pour que les habitants de la zone de chalandise se réapproprient l’ensemble. Pour ce faire, nous souhaitons transformer la toiture de 15 000 m² afin d’installer de l’agriculture urbaine, des loisirs, de la restauration… Nous mettrons également à disposition d’associations et du pôle territorial de coopération économique des Mureaux trois cellules, une de manière définitive et deux autres à titre provisoire en attendant l’arrivée du nouveau locataire. 

L’urbanisme transitoire est justement une des marques de fabrique de Bellevilles, une foncière que vous avez lancé avec trois associés. Quelles en sont les spécificités ?

J’ai toujours été attiré par l’économie sociale et solidaire pour donner du sens à mon action. Quand mon cousin Jérémie Loevenbruck m’a demandé d’aider le collectif portant le projet des Halles de la Cartoucherie à Toulouse en apportant des conseils sur la structuration immobilière et le financement, j’ai immédiatement accepté. J’ai alors rencontré Alexandre Born (ndlr : ancien directeur du développement de l’agence PCA Stream) et l’architecte François Legendre qui portait une vision immobilière différente mêlant urbanisme transitoire, mixité des usages et modèle économique atypique. Notre collaboration permet d’accompagner le développement d’une halle gourmande avec 30 corners et d’implanter des activités sportives et culturelles autour.

Cette première opération nous a permis de concrétiser notre envie de faire l’immobilier autrement et nous avons donc créé en décembre dernier Bellevilles, une foncière solidaire agréée ESUS (entreprise solidaire d’utilité sociale) qui a pour but de rendre l’immobilier accessible à des projets d’intérêt général. Nous intervenons à ce jour sur une dizaine de projet totalisant pour les parties que nous gérons 13 000 m². Nous avons notamment un projet de réhabilitation d’une école dans le centre-ville d’Albi, un autre pour le château d’Arvieu dans l’Aveyron, nous accompagnons le projet de la Grande Coco à Paris 20e… A chaque fois, nous co-investissons aux côtés d’un collectif qui a besoin d’un acteur immobilier pour porter son projet. Nous nous adaptons à ces acteurs et leurs apportons notre expérience pour les aider à monter le programme. Notre objectif commun est de créer des lieux de vie différent qui (r)amènent de la vie dans les quartiers et (re)dynamisent les territoires dans une logique vertueuse. Nous prenons donc le contre-pied de l’immobilier classique. Et le modèle économique est au rendez-vous car nous nous inscrivons dans une logique de long terme.

Quelles sont les ambitions de Bellevilles ?

Elles sont difficiles à déterminer car les opportunités sont nombreuses. Nous n’aurions pas eu le même succès en 2015 qu’aujourd’hui. Les acteurs comme Plateau Urbain ou Etic ont ouvert de nouvelles perspectives. Nous avons lancé une levée de fonds il y a quelques semaines sur la plateforme de crowdfunding dédiée à l’investissement responsable « Lita » avec un objectif d’1 M€. Nous avons collecté 1,5 M€ à ce jour et avons prolongé le processus jusqu’à fin juillet pour atteindre 2 M€. La crise sanitaire a donné un coup d’accélérateur. Conséquence, nous avons revu nos perspectives à la hausse : alors que nous pensions mener une dizaine de projets de réhabilitation dans les villes moyennes, nous serons en mesure d’en conduire une vingtaine d’ici l’année prochaine. Bellevilles sera ainsi en mesure de prouver qu’il est possible de faire de l’immobilier autrement avec un modèle économique viable. Des acteurs traditionnels viennent d’ailleurs nous consulter. Nous travaillons par exemple avec Nexity sur un concours pour réhabiliter une ancienne chapelle à Clermont-Ferrand.

Qu’en est-il des objectifs de De Watou ?

Elles sont en partie nourries par Bellevilles même si les deux sociétés ont leurs activités propres. Nous continuerons notre activité historique de restructuration et de revitalisation tout en développer la partie dédiée aux bâtiments neufs en commerce. Nous nous sommes récemment associés avec la plateforme de crowdfunding Baltis Capital pour acquérir un ensemble immobilier de 14 cellules commerciales au Nord de Lille. Nous sommes dans une logique moyen terme, à horizon cinq ans, ce qui constitue une grande première dans l’immobilier. Nous pourrions même mener des opérations sur un temps de dix ans, ce qui rendrait l’immobilier accessible au plus grand nombre et viendront compléter l’offre de la pierre-papier.  

Propos recueillis par François Perrigault (@fperrigault)

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