Concepteur de produits de contraste et de dispositifs d’imagerie médicale, le groupe français Guerbet, créé en 1926, est un des experts mondiaux du secteur et signataire en décembre 2021 d’un accord de collaboration avec son homologue italien Bracco. Sarah Catoen, global discovery director depuis novembre 2020, revient sur leurs objectifs en matière de R&D, dont le développement de partenariats, du produit Gadopiclénol, utilisé pour les IRM, mais aussi l’intérêt pour le Made in France.

Décideurs. Quelle est votre feuille de route depuis votre nomination au poste de global discovery director de Guerbet, en novembre 2020 ?

Sarah Catoen. Tout d’abord, nous aspirons à développer et renforcer notre portefeuille d’innovations. Forts de nos savoir-faire et expertises historiques, cette étape sera essentielle à notre activité d’imagerie diagnostique pour laquelle nous décelons un potentiel à très forte valeur médicale. C’est aussi le cas des dispositifs que nous élaborons dans le cadre de traitements contre le cancer.

Comment parvenez-vous à fédérer les différents pôles de recherche dans le contexte Covid ?
Quel que soit le contexte, c’est au laboratoire que notre cœur de métier trouve sa place. Par essence, nous travaillons en présentiel. Cette pandémie nous a contraints à revoir nos modes de fonctionnement, afin d’intégrer une part de télétravail. Toutefois, en dehors du tout premier confinement, nous avons poursuivi notre activité de recherche. En fonction de leurs besoins, les différents pôles ont d’ailleurs pu maintenir une importante part d’activité sur site. Ce qui, couplé à notre plan d’action résolument tourné vers l’innovation, sont de solides atouts qui permettent de fédérer les équipes de chercheurs. Pourtant l’absence de moments « traditionnels » de convivialité a affecté le moral de chacun. Pour remédier à cela, tous ont rivalisé de créativité pour organiser des événements contribuant à créer du lien. Cela a notamment été le cas lorsque les collaborateurs se sont lancés un défi photographique. Un projet  d’ailleurs tout à fait en ligne avec notre activité relative à l’imagerie médicale.

"Nous allions nos expertises clés à celles de partenaires ayant une proximité technologique avec notre core business."

Quels partenariats avez-vous menés pour accélérer l’innovation au sein de Guerbet ?
L’exemple le plus récent de partenariat est notre investissement, en septembre dernier, dans la société française NH TherAguix, spécialisée dans le développement de nanomédicaments innovants pour le traitement des cancers par radiothérapie. Les partenariats que nous nouons nous servent à diversifier nos activités et, en outre, à accélérer l’innovation. À cet égard, nous allions nos expertises clés à celles de partenaires ayant une proximité technologique avec notre core business. Nous collaborons avec des équipes académiques d’excellence dont les travaux de recherche et les expertises sont non seulement complémentaires, mais aussi en synergie avec nos activités et savoir-faire. Nous travaillons également avec de jeunes start-up innovantes en matière d’open innovation. Ce type de collaborations permet de réduire les risques technologiques et de commercialisation grâce à la complémentarité de nos compétences, et ce, à différentes étapes du développement.

Concernant les enjeux du « Made in France », vous misez sur un nouveau produit, le Gadopiclénol, qui sera produit dans le Morbihan. Cette décision de produire en France est-elle liée au contexte sanitaire actuel ?
En réalité, le schéma de production du Gadopiclénol a été pensé indépendamment du contexte sanitaire. Bien que le groupe Guerbet soit tourné vers l’international, la France reste son premier ancrage géographique. Pour mémoire, nous possédons trois sites industriels et de recherche en France. Le siège social de Villepinte est accompagné des sites d’Aulnay-sous-Bois, Lanester et Marans. Il existe également un centre de R&D et d’assemblage de dispositifs médicaux à Lyon et une société commerciale, Guerbet France. Pour être tout à fait précis, le principe actif de Gadopiclénol sera produit en Charente et dans le Morbihan, alors que sa partie pharmaceutique le sera à Aulnay-sous-Bois et à Raleigh aux États-Unis. De manière constante, Guerbet optimise l’utilisation des capacités de tous ses sites de fabrication, afin de renforcer sa compétitivité.

Quelle est la maturité de Guerbet en matière de propriété intellectuelle ?
L’une des priorités de Guerbet est de défendre sa propriété intellectuelle. Ce principe de base est possible grâce à son département brevet composé de deux mandataires européens et d’une US patent attorney qui gèrent le portefeuille de brevets, dessins et modèles industriels. En concomitance, le département juridique se charge de la gestion de son portefeuille de marques. En outre, un réseau de cabinets de Conseils en propriété industrielle soutient activement ces deux pôles de manière complémentaire. À son actif, le groupe a un peu plus de quatre-cent cinquante brevets et dépôts de brevets en cours d’examen. Riche d’une vingtaine de dessins et modèles industriels et de plus de mille trois-cents marques enregistrées ou en cours d’enregistrement, le portefeuille de Guerbet est bien garni. Il comprend des principes actifs – notamment des agents de contraste ou de radiothérapie –, de nouvelles formulations pharmaceutiques, des émulsions, des procédés de formulation et de fabrication ainsi que des systèmes d’injection ou des dispositifs médicaux, tels que des seringues, des tubulures ou des micro-cathéters.

"Les agences du médicament imposent des contraintes de plus en plus lourdes, afin d’assurer la sécurité des produits. Ces nouvelles normes allongent la durée et augmentent les coûts de développement des médicaments et des devices."

Quels sont les principaux défis à la fois technologiques, réglementaires et scientifiques de votre industrie ?
Globalement, nous faisons face aux mêmes défis que ceux présents dans l’industrie pharma « thérapeutique ». Le premier concerne l’innovation. Le développement actif des génériques nous force à redoubler d’efforts en matière de recherche pour affronter la concurrence. Notre secteur d’activité ne fait malheureusement pas exception à la règle ! En parallèle, le deuxième point est celui du prix du médicament ou du device. Tout l’enjeu repose sur l’entretien de l’innovation, qui a un coût, face aux éventuels remboursements que celle-ci pourrait générer. Le troisième et dernier défi est réglementaire. Les agences du médicament imposent des contraintes de plus en plus lourdes, afin d’assurer la sécurité des produits. Ces nouvelles normes allongent la durée et augmentent les coûts de développement des médicaments et des devices. Dans le même temps, la durée des brevets reste la même et les génériques conservent leur potentiel concurrentiel, ce qui, pour une innovation, renforce davantage l’incertitude d’accès au marché.

Propos recueillis par Anne-Sophie David

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