La responsabilité environnementale et sociale n’est plus circonscrite aux seules directions du développement durable : elle se diffuse à toutes les pratiques de l’entreprise, jusque dans ses livres comptables.

« Compter ce qui compte réellement. » C’est avec ces mots qu’Hervé Gbego, fondateur de ComptaDurable, décrit son activité. Créé en 2011, le cabinet incarne une nouvelle tendance parmi les experts-comptables : celle de la prise en compte non plus seulement des problématiques financières des entreprises, mais aussi de leur impact environnemental et social.

Mue des pratiques comptables

Dès 2007, l’Ordre des experts-comptables a montré son intérêt pour la question en créant un club développement durable. Il organise par ailleurs chaque année une soirée de remises de trophées RSE de la profession comptable, dont la 19e édition s’est tenue en décembre dernier. Parmi les lauréats se trouvent de grandes entreprises comme le spécialiste du stylo et du briquet Bic, distingué pour la qualité des informations RSE produites en réponse à l’article 225 de la loi Grenelle 2, qui impose aux entreprises de plus de 500 salariés la publication d’un rapport détaillant les conséquences sociales et environnementales de leur activité. Des entreprises de taille plus petite sont également récompensées, comme Carmine SA, entreprise familiale spécialisée en ravalement, lauréate de la catégorie meilleure démarche RSE.

Un coût environnemental au bilan

Rarement mis sur le devant de la scène, les comptables ont pourtant un rôle de taille à jouer : celui de la prise en compte des enjeux de RSE dans les bilans des entreprises. Une gymnastique devenue la raison d’être d’Hervé Gbego, développeur de la méthode CARE (pour comptabilité adaptée au renouvellement de l’environnement), qui étend les principes de la comptabilité traditionnelle aux capitaux extra-financiers. « En appliquant cette méthode, le comptable ne va pas chercher à savoir si l’enjeu environnemental dégrade la valeur de l’entreprise, explique le fondateur. Il va identifier les enjeux environnementaux de l’entreprise, les ressources qu’elle utilise, et mettre au passif du bilan le coût de la préservation de la qualité de ces ressources pour l’entreprise. » L’expert s’oppose ainsi au modèle de la fair value, qui tend à se concentrer sur la valeur pour l’actionnaire, pour lui préférer une approche patrimoniale qui s’appuie sur la méthode des coûts historiques.

Capitaux financier, naturel et humain

Loin de se limiter à l’environnement, cette méthode peut également s’étendre aux problématiques sociales et notamment à la préservation du capital humain. Le raisonnement est le même : l’entreprise doit s’assurer de l’intégrité physique et psychique de ses salariés, ce qui a également un coût. Difficile à mesurer, argueraient certains. « Dans les comptes d’une entreprise rien n’est jamais parfait, nous faisons des hypothèses », tempère Hervé Gbego. Les nouvelles technologies et notamment les possibilités offertes quant au traitement de données de plus en plus nombreuses contribueront certainement à l’essor de cette démarche, en facilitant la prise en compte des données extra-financières. Jusqu’à ce que l’intégration des capitaux financier, naturel et humain dans les bilans comptables ne soit plus l’exception mais la règle.

Camille Prigent (@camille_prigent)

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