Et de 26 ! C’est au tour de Spendesk de passer la barre de valorisation du milliard de dollars et d’intégrer le club – de moins en moins fermé – des licornes françaises. Innovant et lucide, Rodolphe Ardant, son CEO, révèle sa vision d’une croissance pérenne et les défis à relever pour conquérir un marché BtoB de niche : la simplification des processus de gestion financière.

Décideurs. Depuis 2016 et la création de Spendesk jusqu’à votre récente levée de fonds et l’acquisition du statut de licorne quel regard portez-vous sur le parcours de votre entreprise ?

Rodolphe Ardant. En lançant ma première entreprise, dès ma sortie de Polytechnique en 2007, j’ai appris de mes erreurs et des problématiques opérationnelles que je rencontrais. Je me suis rendu compte que la culture d’entreprise est cruciale, or les processus financiers font perdre du temps à tous les collaborateurs et limitent leur autonomie, ce qui est frustrant pour tout le monde. C’est à ce moment-là qu’est née l’idée de Spendesk : il fallait proposer une plateforme agile pour permettre aux départements financiers de garder une visibilité sur les dépenses tout en garantissant une agilité opérationnelle aux collaborateurs. L’intuition était bonne car le marché est là : aujourd’hui on s’adresse à des entreprises qui ont en moyenne entre 50 et 1 000 collaborateurs sur trois marchés stratégiques en Europe, la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne. Nous sommes confiants pour la suite, nos chiffres d’usage parlent d’eux-mêmes : en 2021, nous avons aidé à gérer plus de 3 milliards d’euros d’achats et de dépenses opérationnelles, trois fois plus que ce qui a été dépensé depuis la création de Spendesk en 2016.

Vous avez un modèle et une stratégie de levée de fonds atypiques : deux levées de 100 millions d’euros en un an et un profil fonds plutôt diversifié, pourquoi ces stratégies ? 

À l’origine, nous avons voulu avoir des investisseurs très actifs dans notre participation. C’est le cas d’Index Venture, de Eight Roads, de General Atlantic et de eFounders qui ont des équipes opérationnelles très performantes. Avec l’arrivée récente de Tiger Global, c’est différent : il s’agit d’investissements plus passifs, ils sont arrivés dans notre capital grâce à leur confiance en notre capacité à faire partie des géants de demain et en apportant les fonds nécessaires à notre accélération. Enfin, parce que notre marché est en construction, nous ne savons pas encore où il ira. Demain peut-être, nous lèverons encore plus de capital mais, à date, je privilégie des levées par étape en cohérence avec nos objectifs plutôt que de collecter le maximum de capital d’un coup et le laisser dormir. Idem pour l’introduction en Bourse, nous en sommes loin et, à long terme, ce ne sera qu’une étape car notre ambition est de faire naître un marché et d’en devenir les leaders.

"Nous sommes passés d’un monde où l’entreprise impose ses manières de travailler à un monde où le collaborateur décide lui-même" 

Malgré votre statut de licorne, vous ne communiquez pas votre chiffre d’affaires et votre valorisation, pourquoi ce choix ?

C’est une philosophie. La communication sur les montants de valorisation est un mauvais indicateur. Là n’est pas l’enjeu. Atteindre le statut de licorne donne un signal fort aux talents de demain : nous faisons partie des acteurs validés par le marché, or notre priorité est de recruter et doubler notre équipe actuelle de 350 collaborateurs cette année et même d’atteindre 1 000 collaborateurs en 2023. Actuellement, même si notre chiffre d’affaires est multiplié par plus de deux chaque année et que notre modèle d’abonnement est rentable, notre ambition est essentiellement de remplir la mission de libération des entreprises et de leurs collaborateurs pour leur permettre de travailler de manière agile. 

Quels défis rencontrez-vous en ciblant ce nouveau marché de l’industrie des transactions financières en entreprise ?

Nous sommes passés d’un monde où l’entreprise impose ses manières de travailler aux collaborateurs à un monde où le collaborateur décide lui-même de la façon dont il va travailler, ce qui se répercute sur les flux de travaux entre l’équipe financière et les équipes opérationnelles ! Aujourd’hui nous nous adressons à plus de 3 500 entreprises mais le potentiel de marché est gigantesque, nous estimons qu’en Europe un million d’entreprises ont besoin d’une plateforme de transactions financières telles que Spendesk, et la demande est stimulée par le contexte sanitaire. Enfin, si à court terme nous nous concentrons sur le marché européen, à long terme nous envisageons le marché américain. L’internationalisation est un défi de taille car la culture des dépenses et la manière dont les gens opèrent au sein de leur entreprise sont différentes. En Europe, nous avons une logique de débit alors qu’aux États-Unis il y a la culture du crédit. Le problème est le même pour tout le monde : permettre aux collaborateurs de dépenser de l’argent qui ne leur appartient pas dans un contexte professionnel, et, en fonction de la culture locale, la réponse donnée doit toujours s’adapter.

Propos recueillis par Céline Toni

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