Le régulateur a-t-il un rôle d’accompagnateur ou de contrôleur ? En matière d’innovation, l’Autorité des marchés financiers (AMF) se positionne ouvertement du côté des acteurs du marché, la réglementation les aidant à crédibiliser leurs projets et à se développer. Robert Ophèle retrace les grandes lignes de l’action de l’institution en faveur de la fintech.

DÉCIDEURS. Le numérique au service du ­secteur financier : quel est le rôle de l’AMF ?

Robert Ophèle. Dans un contexte de mutation des modes de consommation, le secteur financier n’a pas échappé ces dernières années à l’irruption des nouvelles technologies qui rythment notre quotidien. La digitalisation accrue des échanges, le recours croissant à l’intelligence artificielle et le déploiement de solutions de registres distribués, s’ils questionnent les modèles en place, peuvent permettre le développement d’une intermédiation financière plus efficace et moins coûteuse. Cela engendre aussi de nouveaux risques : opérationnels parce que liés à la sécurité des nouveaux systèmes, des risques de fragmentation des marchés, de mauvaise commercialisation de produits sophistiqués, voire toxiques, etc. Après avoir créé, au printemps 2016, une division dédiée à la fintech, à l’innovation et à la compétitivité, nous avons réaffirmé notre objectif de favoriser l’innovation et d’accompagner les acteurs dans le cadre de notre plan stratégique #Supervision2022. Il s’agit à la fois de détecter les tendances émergentes ou à l’œuvre et d’évaluer si la réglementation existante doit être adaptée.

Le secteur de la fintech a toujours un coup d’avance : le régulateur saura-t-il se doter des ­ressources internes nécessaires pour ­réguler rapidement ?

Le régulateur ne doit pas être suiveur. Notre ambition est bien d’identifier en amont les tendances structurelles de manière à être très tôt force de propositions en France, mais également au niveau européen, voire à l’international. Pour cela, l’AMF a à cœur d’être un régulateur ouvert, en témoignent les 300 entretiens et plus que nos services ont menés avec des porteurs de projets ­innovants au cours des deux dernières années ou encore la mise en place d’un forum Fintech avec l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) dans le cadre duquel les acteurs peuvent nous remonter les ­obstacles réglementaires qu’ils rencontrent dans leur quotidien.

Cette démarche de dialogue nous a permis d’être pionniers en matière de réglementation sur de nombreux sujets. À titre d’exemple, l’AMF, aux côtés de l’ACPR et du ministère de l’Économie, a contribué à l’élaboration d’un cadre français pour le crowdfunding dès 2014. Nous avons très rapidement vu émerger le phénomène des Initial Coin Offerings (ICO) et nous avons entamé nos réflexions en interne dès le premier semestre 2017 alors même que ces opérations de levées de fonds se comptaient encore sur les doigts de la main en France. Les équipes ont rencontré de nombreux porteurs de projets pour parfaire leurs connaissances des pratiques et proposer à l’automne 2017 des pistes d’encadrement éventuelles. Nous sommes prêts.

Vers quelle voie s’oriente l’AMF pour la ­régulation de l’ICO ?

Dans le cadre d’une consultation publique lancée à l’automne 2017, nous avions proposé trois pistes pour une réglementation future : un guide des bonnes pratiques à droit constant, l’extension du champ des textes existants pour appréhender les ICO comme des offres de titres financiers destinées au public et une législation nouvelle, adaptée aux ICO. Cette dernière option a reçu le plus net soutien, avec près de deux tiers des réponses. Et la voie d’un visa optionnel est celle qui a été privilégiée dans le cadre du projet de loi Pacte, actuellement discuté au Parlement. Toutefois, l’encadrement de l’émission de ces instruments, ou marché primaire, doit nécessairement s’accompagner d’une réflexion plus large couvrant les aspects de commercialisation de ces produits, le fonctionnement du marché secondaire et la sécurisation des crypto-actifs lorsque leur conservation est confiée à des tiers, ou encore la possibilité pour les fonds d’investissement de souscrire à ces nouveaux types d’instruments. Cette réflexion plus générale paraît indispensable pour conduire à la création d’un écosystème sain de ­crypto-actifs en France.

Propos recueillis par Pascale D'Amore

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