En peu de temps, le monde de la restauration s’est effondré. Les habitudes perdues seront-elles retrouvées ? Comment les restaurateurs peuvent-ils rebondir ?

Prendre la bonne vague

Les consommateurs sont de plus en plus exigeants mais semblent plébisciter plusieurs grandes tendances : la santé, le respect de la planète, l’aventure et le réconfort. La santé est plus que jamais au centre des préoccupations. En conséquence le bio connaît une forte augmentation (+14% en 2019). Les “aliments-santé” vont probablement gagner en popularité, tout comme les plats “faits-maison” à base de produits frais. La restauration durable, encore balbutiante, devrait se développer à travers davantage de menus végétariens, de produits de saison, de producteurs locaux, et de réduction du gaspillage... Pour les restaurateurs le défi consistera à rendre accessible au plus grand nombre et aux petits budgets la nourriture saine.

Plus qu’avant, un repas au restaurant devra prendre la forme d’une expérience qu’on ne peut pas trouver ailleurs. Surprendre, apprendre, faire voyager, mettre les difficultés du quotidien en pause. Avec le tourisme affaibli, la cuisine typique d’autres pays déjà populaire pourrait bien décoller dans les mois à venir. Et tout laisse penser que le poke bowl hawaïen est promis à un bel avenir. Enfin la “cuisine réconfort” n’est pas toujours diététique mais aide à garder le sourire. Quand les temps sont durs, elle réconforte comme elle l’a fait pour les soignants recevant les petits plats de nombreux restaurateurs solidaires.

Restauration rapide... je t’aime moi non plus

Les files d’attentes de trois heures devant les rares fast-food ouverts durant le confinement ont surpris. Pourtant, la France pays de la gastronomie est le second marché mondial du géant américain. L'essor indéniable de la restauration rapide (35% du marché de la restauration) amène à nous questionner. Le snacking serait-il incompatible avec la santé ou le développement durable ? Pas forcément. La restauration rapide, saine et responsable a du potentiel. Certains chefs étoilés ont sauté le pas, comme Thierry Marx et son snacking Marxito ou encore, Anne-Sophie Pic et ses verrines “fait maison” Daily Pic.

Le digital, allié incontournable

Un bon concept ne suffit pas pour tourner à plein. La concurrence va rester rude, car amplifiée par la pression sur le pouvoir d’achat des consommateurs dans un contexte de crise économique. Pour survivre, la visibilité et la fidélité feront la différence. Même les grandes tables ne sont pas épargnées ; elles sont nombreuses à avoir pris le virage des réseaux sociaux ou des plateformes de réservation. Face à une offre foisonnante le digital aide les consommateurs à choisir et l’essor de la réservation en ligne est inévitable. Il semble donc indispensable d’être visible en ligne pour se faire remarquer, puis garder le lien avec sa clientèle pour la fidéliser.

Allo Restau ?

Les restaurateurs les moins épargnés par la crise sanitaire sont ceux qui ont intégré la livraison dans leur modèle. Cependant, si les pizzas, sushis et burgers sont généralement adaptés à la livraison, ce n’est pas encore le cas pour la restauration plus traditionnelle. La livraison implique de revoir son mode de production, ses produits, mais aussi sa rentabilité qui est rognée par la commission de 30% des plateformes. Malgré toutes ces contraintes, la livraison ou le retrait sur place peut être une solution à court terme pour certains restaurateurs, et pourquoi pas une piste à étudier pour le long terme ?

Transparence, qualité, juste prix.

La crise va accroître certaines attentes des consommateurs vis-à-vis des restaurants. Pendant le confinement certains ont (re)découvert la cuisine “fait-maison”. De plus en plus ils voudront connaître l’origine des produits, comment ils ont été cultivés ou élevés, voir les plats préparés devant eux. Encore plus qu’avant, ils voudront que le prix payé corresponde à la qualité globale perçue : repas, mais aussi accueil, ambiance, expérience. Crise sanitaire oblige, ils vont être aussi plus sensibles aux précautions d’hygiène. Cela va-t-il perdurer en devenant une nouvelle habitude ?

L’importance de l’humain

“Traverser la rue” pour trouver un emploi dans la restauration ? Pas si faux avant la crise, avec plus de 30 000 postes vacants chaque année. Le recrutement dans la restauration est un débat épineux. Toujours est-il que ceux qui parviennent à constituer une équipe soudée et stable disposent d’un atout considérable. La robotisation n’est pas pour demain, du moins dans la restauration traditionnelle, qui a encore besoin de mains agiles et de cerveaux créatifs. La restauration va-t-elle se tourner vers la formation “tout au long de la vie” ?  Certaines écoles en ont fait le pari, comme La Source et son approche très pédagogique centrée sur la restauration éco-responsable et les métiers de demain.

Un pour tous, tous pour un ?

75% des restaurateurs sont des indépendants et 90% des TPE. Ils sont donc limités dans leurs ressources, seuls face aux changements. Mais de nouvelles structures apparaissent sous la forme de lieux pluridisciplinaires comme le Ground Control à Paris, ou encore Food Traboule à Lyon qui regroupe une dizaine de restaurateurs dans un bâtiment historique. Et si ce type de regroupement était l’une des voies d’avenir pour les indépendants ? La cuisine est un domaine de création, nul doute que les professionnels sauront lui créer un bel avenir.

Amélie Calas, co-fondatrice de Tips. Recrutement dans l'hôtellerie-restauration

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