Eurazeo Patrimoine est un spécialiste de l’investissement dans des sociétés possédant des actifs immobiliers. Son savoir-faire conjugué à des techniques de gestion pointues lui permet de devenir un acteur clé du marché. Renaud Haberkorn, managing partner, revient sur la stratégie et les axes de développement de la société.

Décideurs. Comment s’est organisée votre activité pour bâtir Eurazeo Patrimoine ?

Renaud Haberkorn : Notre stratégie historique consistait à s’éloigner de la stratégie patrimoniale dite « core + » en France en favorisant une stratégie davantage opportuniste à travers l’Europe, axée sur la valeur ajoutée. La finalité réside dans l’atteinte de nouveaux paliers de performances récurrents. Aujourd’hui, nous effectuons deux types de transactions en ligne avec notre ADN et les évolutions du marché. D’une part, nous réalisons des transactions immobilières à valeur ajoutée et d’autre part, des opérations se rapprochant davantage du private equity, notamment dans le secteur de l’hôtellerie ou des cliniques qui comporte une forte composante opérationnelle. En résumé, nous rachetons des sociétés qui exploitent les actifs qu’elles détiennent. Nous mettons ainsi nos techniques de gestion et notre savoir-faire immobilier au service de l’amélioration des marges et des revenus. Cette stratégie permet d’aligner les dimensions immobilière et opérationnelle, afin d’améliorer l’outil d’exploitation pour optimiser et éventuellement céder les actifs par la suite. Notre capacité à maîtriser le risque opérationnel pour réussir à créer de la valeur, à la fois immobilière et dans la gestion, nous différencie sur le marché.

En quoi votre activité se distingue-t-elle de celle des SCPI et des OPCI ?

Premièrement, les SCPI et les OPCI ne sont pas du tout en mesure d’acheter des sociétés exploitant leur immobilier. D’autre part, le point central de différenciation se trouve dans la typologie des actifs que nous possédons. Les SCPI achètent des actifs ayant un rendement établi, en prenant peu de risques tout en assurant le paiement à leurs actionnaires d’un dividende récurrent sur une période longue. Notre activité est fondée sur les TRI (taux de rentabilité interne), notamment pour les immeubles à restructurer. Notre travail consiste à créer et améliorer le produit, afin d’en optimiser le revenu, puis le revendre à un prix plus élevé que celui d’acquisition. Néanmoins, les fournisseurs de SCPI ou d’OPCI peuvent arriver en bout de chaîne une fois que la restructuration du produit est achevée. Leur succès et leur collecte nous sont bénéfiques, car ces structures seront plus à même de nous acheter nos produits. C’est un cycle de création de valeur où nous nous situons très en amont.

Votre positionnement est unique sur le marché français.  

Effectivement, il existe peu d’équivalent à l’activité d’Eurazeo Patrimoine sur le marché actuel. Par analogie, on retrouve ce type de stratégie dans des fonds anglo-saxons à Londres ou aux États-Unis.

Sur l’aspect de la gestion privée, quelle est votre valeur ajoutée ?

Nous avons adapté notre stratégie pour répondre à un marché que l’on considère en haut de cycle. Le plus important est d’obtenir des retours significatifs, sans prendre de risques inconsidérés sur des hypothèses de marché qui pourraient ne jamais se réaliser ou déconnectées de la réalité. Les transactions visant à racheter des sociétés qui exploitent leurs actifs nous permettent de trouver cet équilibre, en achetant un actif à faible coût, puis de travailler les aspects opérationnels et immobiliers en vue d’obtenir des performances satisfaisantessans avoir des anticipations de marché déconnectées de la réalité. Autrement dit, nous créons de l’alpha à bêta modéré.

Eurazeo Patrimoine a récemment acquis un immeuble à Euston dans la capitale britannique. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

L’analyse des marchés d’Europe nous a conduit à un constat simple : les actifs de bureaux sont intéressants, grâce à leur taille et à leur corrélation à la croissance de l’économie. Ils demeurent d’ailleurs l’essentiel de l’immobilier commercial. Cependant, en Europe continentale les immeubles de bureaux ont connu pendant trois à cinq ans une croissance très forte, avec des valeurs métriques toujours importantes. A contrario, depuis l’annonce du Brexit, le marché londonien s’est quelque peu appauvri. Certes les transactions sur des biens exceptionnels existent toujours et les valeurs y sont soutenues, mais elles sont minoritaires par rapport à celles sur les actifs traditionnels, à propos desquels on a constaté une moindre compétition et donc une diminution des prix. Par conséquent, sur un ratio opportunité - risque, la classe d’actifs « bureau londonien » est plus attractive. En pratique, avec Euston House nous achetons un immeuble peu risqué, avec des baux jusqu’en 2022. Par ailleurs, le quartier de Euston est en pleine expansion et attire des sociétés comme Google et Facebook. Grâce aux nombreuses infrastructures, notamment ferroviaires, qui s’y développent, nous serons en mesure de capter une croissance de la valeur locative déjà constatée. A l’issue des baux, nous prévoyons notamment de pouvoir presque doubler le prix des loyers.

Quels sont vos axes de développement pour 2019 ?

Notre objectif est de trouver des actifs et des segments créateurs de valeur. Nos plateformes actuellement en place fonctionnent bien, elles vont se nourrir de davantage de transactions. Concernant les cliniques, avec le Groupe C2S dans lequel nous avons investi en mars 2018, nous allons procéder à de nouvelles acquisitions. Enfin, nous sommes toujours prêts à investir sur des opérations immobilières de manière opportuniste.

Quelle est votre analyse du marché ?

La zone Euro sort d’une période de politique monétaire anormale qui a fortement nourri la croissance de la valeur des actifs. Cette période touche à sa fin et nous nous en réjouissons. En effet, l’investisseur que nous sommes va pouvoir se concentrer sur les fondamentaux immobiliers pour déterminer le prix des actifs. Nous sommes présents sur plusieurs marchés d’Europe tous distincts par leurs règlementations, leur fiscalité, leur dynamique et leur cycle. Il nous est essentiel de pouvoir appréhender ces éléments pays par pays, villes par villes. En pratique, investir dans plusieurs territoires est un réel effort mais aussi un vrai élément différentiant. Ces trois dernières années, chez Eurazeo Patrimoine, nous avons d’ailleurs entrepris un travail important d’acquisition et de restructuration d’actifs immobiliers dans plus de huit pays, axé sur une stratégie pan-européenne opportuniste. Notre savoir-faire en private equity est complémentaire de notre connaissance du marché des actifs immobiliers.

Propos recueillis par Yacine Kadri

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