Les cours d’appel de Douai et de Paris ont récemment jugé que les plus-values réalisées par les dirigeants sur les bons de souscription d’actions (BSA) qui leur ont été attribués doivent être soumises à cotisations sociales [1].

Sylvain Clérambourg est associé du cabinet d’avocats FTPA. Il intervient notamment en matière de fusions-acquisitions, capital-investissement, restructurations et droit des contrats ([email protected]).

Ces arrêts font écho aux redressements de l’administration fiscale visant à requalifier en revenus d’activité les plus-values de cession de valeurs mobilières réalisées par les managers hors du cadre des mécanismes d’intéressement prévus par la loi (BSPCE, actions gratuites, stock-options), notamment quand les titres sont attribués à des conditions préférentielles et sans risque financier pour les intéressés.

Aux cas d’espèce, des dirigeants avaient eu l’opportunité d’investir dans leur société en souscrivant des BSA. Leur cession ultérieure, ou leur exercice afin de céder les actions corrélativement attribuées, a généré une plus-value que l’Urssaf a décidé de soumettre à charges sociales. Le redressement est confirmé par les juridictions sociales, à notre connaissance pour la première fois.

Les juges fondent leur décision sur l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale selon lequel « pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains […] et tous autres avantages en argent [ou] en nature […] ».

Ils considèrent (i) que les managers ont bien bénéficié d’un tel avantage tenant, pour la cour d’appel de Paris, à l’attribution même des BSA et du droit corrélatif de souscrire à une augmentation de capital à un nombre réduit de personnes et (ii) que l’avantage a bien été octroyé en contrepartie ou à l’occasion d’un travail comme en attestent, dans le cas parisien, l’engagement des managers de céder leurs titres en cas de départ ainsi que, dans le cas douaisien, la rédaction du contrat d’émission et de l’objet social de la société.

L’avantage est donc soumis à charges sociales pour un montant qui, selon la cour d’appel de Paris, doit être quantifié au moment de la cession (de sorte que l’assiette des cotisations correspond à la totalité de la plus-value réalisée).

Le raisonnement est critiquable.

Tout d’abord, la possibilité donnée aux managers de souscrire au capital ne devrait pas, en soi, permettre de qualifier l’avantage octroyé à l’occasion du travail (quel que soit le nombre de bénéficiaires) [2].

Par ailleurs, le raisonnement fait fi de la qualité d’investisseurs des managers. Les juges font peu de cas du risque financier pris par ces derniers et du caractère aléatoire du gain de sortie. Les analyses sont peu circonstanciées et la cour d’appel de Paris affirme même que « si les BSA représentent un investissement […], soumis à des aléas et à des risques inhérents à l’activité, cela ne retire en rien l’existence d’un avantage […] ».

Également, la valorisation de l’avantage au moment de la cession et non à la date de la souscription peut être discutée.

Enfin, l’analyse pénalise la société émettrice (qui assume les charges sociales) alors que ce sont ses actionnaires qui ont choisi de renoncer à une quotité de capital au profit de dirigeants, qui ont décidé d’investir.

La solution renchérit grandement le coût des BSA. Elle ne semble pas opportune dès lors que ces instruments ne sont pas toujours substituables par les outils d’intéressement dont l’usage est encadré légalement (BSPCE, actions gratuites, stock-options). La décision de la cour de cassation sera donc très attendue.

 

[1] CA Douai 31.05.17, n°14/03902 et CA Paris 06.07.17, n°14/02741.

[2] À la différence, éventuellement, du rabais sur le prix des bons qui avait été consenti dans l’affaire de Douai.

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