Que le référendum sur l’environnement ait lieu ou non, le président réalise un très beau coup politique et met l’opposition dans l’embarras. Tout en plaçant l’écologie au centre du jeu.

Que retenir de la rencontre de trois heures entre Emmanuel Macron et les représentants de la Convention citoyenne pour le climat (CCC) le 14 décembre ? Sûrement la volonté du président de la République de lancer un référendum pour intégrer dans l’article 1er de la Constitution les notions de défense du climat et de préservation de l’environnement. Elles seront donc mises sur le même plan que des valeurs fondamentales telles la laïcité, l’indivisibilité de la République ou encore l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Pour le moment, aucune date de consultation n’est fixée.

Le Sénat au pied du mur

Comme l’a précisé le Président, le projet doit "d’abord passer par l’Assemblée nationale puis le Sénat et être voté en termes identiques". L’article 89 de la Constitution précise que "le projet de révision n’est approuvé que s’il réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés".

Du côté de l’Assemblée nationale, l’adoption ne devrait pas poser trop de difficulté. En revanche, pour le Sénat, la situation est différente. Majoritairement à droite, il pourrait tenter de mettre des bâtons dans les roues de l’exécutif en avançant plusieurs prétextes. Le plus probable est d’arguer que la Charte de l’environnement est intégrée à la Constitution depuis quinze ans. Bruno Retailleau, président du groupe LR majoritaire au Sénat s’est montré réservé sur l’annonce du président de la République : "Si c’est un coup politique, nous n’y prêterons pas la main. Si c’est utile, nous l’étudierons. Il faudra apprécier quelle est l’étendue, notamment des conséquences".

Dilemme pour l’opposition

Pour l’opposition, cette proposition de référendum a tout du cadeau empoisonné. Soutenir l’initiative revient à approuver Emmanuel Macron, notamment sur sa politique environnementale. Plutôt ennuyeux pour une gauche qui cherche à discréditer le bilan écologique du gouvernement et faire de l’écologie un axe de campagne centrale pour la présidentielle de 2022. Pour la droite qui essaie de se démarquer de la Macronie, approuver sans réserve le projet de référendum reviendrait, en partie, à abandonner son rôle d’alternative.

Si tous les partis soutiennent ce projet, Emmanuel Macron a toutes les raisons de se frotter les mains : son action en faveur de l’environnement sera reconnue, il ôte un angle d’attaque à ses adversaires, joue le rôle de rassembleur et se place plus que jamais au centre du jeu politique. D’autant plus que la probabilité que les Français votent « oui » est très forte. Après tout, qui peut s’opposer à une meilleure prise en compte de l’environnement ?

Les partis peuvent, scénario le plus probable, s’opposer au projet. Les arguments ne manquent pas : "cela ne va pas assez loin" diront les uns, "c’est une manœuvre politicienne" assèneront les autres. Peut-être. Ce qui est certain, c’est que rejeter le projet de référendum fera les affaires d’Emmanuel Macron qui pourra légitiment dire : "Au moins j’agis", "Personne n’est allé aussi loin", "l’opposition est dans l’obstruction politicienne". Et il est probable que l’opinion publique le soutienne. Que le référendum ait lieu ou pas, il y a deux gagnants : l’environnement plus que jamais mis au centre des politiques publiques et Emmanuel Macron qui réalise un très beau coup politique.

Lucas Jakubowicz

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