Omniprésente dans les médias, l’avocate de Jean-Luc Mélenchon incarne, avec son style à la fois décontracté et décomplexé, les revendications de la France insoumise. Portrait d’une communicante politique d’un nouveau genre.

Difficile de passer à côté de Raquel Garrido. Depuis le début de l’automne, l’oratrice nationale de la France insoumise, devenue chroniqueuse dans une émission de divertissement sur C8, s’inscrit comme une figure incontournable de la sphère médiatico-politique. Pas une semaine sans qu’elle ne fasse la une des journaux. Parfois même contre son gré. Accusée par Le Canard enchaîné de ne pas avoir payé ses cotisations professionnelles, l’avocate, qui aurait par ailleurs « oublié » de déclarer ses revenus pour l’année 2016, cumule les casseroles. Jusqu’à desservir les intérêts de sa famille politique ? Qu’importe, cette fidèle de Jean-Luc Mélenchon, qui ne fait pour l’heure l’objet d’aucune poursuite, a la peau dure et se moque du qu’en dira-t-on. La preuve : c’est sur le compte Snapchat du blogueur expert de la téléréalité Jeremstar qu’elle choisit de répondre avec légèreté aux accusations du journal satirique, pointant du doigt les inexactitudes des informations publiées. 

« Je veux m’adresser à un public qui ne s’intéresse pas spontanément à la chose publique »

Faire le show

Si sa désinvolture et son attitude décomplexée agacent, notamment dans les rangs des partis traditionnels, force est de constater que, avec son style « girl next door », Raquel Garrido casse les codes de la communication politique. « Je veux m’adresser à un public qui ne s’intéresse pas spontanément à la chose publique », explique celle qui, le temps d’une chronique télévisée, n’hésite pas à faire le show, se glissant dans la peau d’un livreur Deliveroo pour dénoncer les conditions de travail imposées par l’entreprise de livraison de plats cuisinés. C’est pour le compte de la même émission, que la militante « antisystème » se faufile dans une conférence de presse du Premier ministre en août dernier, provoquant l’ire des journalistes. « J’ai donné un grand coup de pied dans la fourmilière, estime-t-elle non sans une certaine fierté. Depuis ce jour, la presse parisienne me déteste.»

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Raquel Garrido dans la peau d'un livreur Deliveroo le temps d'une chronique pour l'émission Les Terriens du dimanche sur C8.

Un mouvement plus souple, moins hiérarchisé

Pas de quoi impressionner cette militante aguerrie, engagée auprès de Jean-Luc Mélenchon depuis vingt-trois ans. Dès le début des années 1990, c’est pour le suivre qu’elle rejoint les rangs du PS. Sans grande conviction. « À l’époque, je ne vois aucune autre famille politique susceptible d’accéder au pouvoir », se souvient-elle. En 2008, ne pouvant cautionner le « virage social-démocrate » entrepris par le parti à la rose, Raquel Garrido participe activement à la création du Parti de gauche. Une nouvelle formation politique dont elle regrette rapidement le cadre « trop classique ». La militante rêve d’un mouvement plus souple, moins hiérarchisé où les enjeux de pouvoir n’ont pas prise. Lorsqu’en 2016, Jean-Luc Mélenchon lance la France insoumise, elle en est persuadée : la transformation de la vie politique française est en marche. Profitant de la perte de crédibilité des partis classiques, le mouvement suscite rapidement l’intérêt des sympathisants de gauche déçus par la politique de François Hollande et sceptiques face à la celle d’Emmanuel Macron.

Une vision différente

Très vite, Raquel Garrido se forge un statut à part au sein de cette nouvelle formation politique. Revendiquant son ancrage dans la société civile, l’avocate qui ne brigue aucun mandat répond à tous les micros qui lui sont tendus. Objectif ? Assurer le pluralisme politique, qui n’est, selon elle, pas représenté dans les médias, en portant une vision différente. Celle d’une société dirigée non plus par une oligarchie mais par le peuple lui-même, sans économie de marché, et aux richesses plus équitablement réparties. Pour atteindre cet idéal, et ainsi « éviter le chaos », elle en est persuadée : la France doit sortir de la Ve République et opter pour une VIe République. « La Constitution actuelle ne protège pas les Français. Nous assisterons à la fin de cette ère », soutient la militante, qui malgré les moqueries régulièrement de ses adversaires jugeant ses prises de position utopistes, reste convaincue que le mouvement fondé par Jean-Luc Mélenchon accèdera un jour au pouvoir. 

ImageRaquel Garrido aux côtés de Jean-Luc Mélenchon et Clémentine Autin lors d'une manifestation contre la réforme du code du travail. 

« N’attendez pas la consigne »

« La France Insoumise n’a rien d’un parti ordinaire, note-t-elle avec entrain. On y élabore des idées de façon collaborative, sans organigramme prédéfini. C’est une ambiance très agréable. » Revendiquant sa liberté de ton et son indépendance, celle qui affirme n’avoir jamais été rémunérée pour son action militante, l’assure : le fondateur du mouvement n’est pas le chef autoritairedictant à ses troupes leur façon d’agir et de communiquer que certains imaginent. « Il est très pragmatique et considère que chacun doit conquérir son propre accès pour être entendu, poursuit-elle. Sa seule consigne, c’est "n’attendez pas la consigne" ». L’oratrice reste néanmoins lucide. Seul Jean-Luc Mélenchon, par sa personnalité et son charisme, est en mesure de remporter l’élection présidentielle. « Je pense qu’il est le meilleur instrument pour défendre certains intérêts économiques, confie-t-elle. Je le pousse d’ailleurs à y aller. »

« La Constitution actuelle ne protège pas les Français. Nous assisterons à la fin de cette ère »

Une belle victoire

Outre son statut d’oratrice, cette polyglotte, ancienne spécialiste du droit international syndical, devenue avocate sur le tard, est également la première conseillère juridique du leader de la France insoumise. Lorsqu’en 2011, il est poursuivi pour injures par Marine Le Pen, c’est à Raquel Garrido— alors tout juste inscrite au barreau de Paris — qu’il fait appel pour le défendre. « À l’époque je ne connaissais rien en droit de la presse, se souvient-elle. Mais Jean-Luc me faisait confiance, il sait que je m’adapte vite. » Six ans plus tard, le duo Garrido/Mélenchon remporte la bataille judiciaire. « Depuis, on a le droit de dire que Marine Le Pen est fasciste, résume-t-elle. C’est une belle victoire. » Gagneront-ils aussi face à Bernard Cazeneuve ? Il y a quelques mois, l’ancien Premier ministre a porté plainte contre Jean-Luc Mélenchon pour diffamation, le leader de la France insoumise l’ayant accusé d’être responsable de l’assassinat de Rémi Fraisse, un militant écologiste accidentellement tué par un gendarme en 2014. Plus récemment encore, c’est à Manuel Valls qu’il s’en est pris, l’accusant de « proximité avec les thèse ethnicistes de l’extrême droite ». Raquel Garrido pourra-t-elle à nouveau plaider la liberté d’expression ? En attendant, c'est son propre dossier que l’avocate doit aujourd’hui défendre.

ImagePhoto publiée par Raquel Garrido sur son compte Twitter lors de la première émission des Terriens du dimanche sur C8 avec le sulfureux Jeremstar. 

Au cœur de la polémique

Accusée d’avoir cherché à frauder l’administration fiscale, l’insoumise est au cœur de la polémique. Répétant qu’elle n’a rien de grave à se reprocher, Raquel Garrido reconnait toutefois avoir oublié de déclarer ses revenus. « Un événement majeur de la vie démocratique de notre pays se déroulait à ce moment-là qui a capté toute mon attention », s’est-elle justifiée dans une interview accordée au Point en octobre dernier. Un argument difficilement recevable. Aucune dérogation n’est accordée aux militants politiques en période éléctoral, quand bien même contribueraient-ils à l’équilibre démocratique du pays. « On s’acharne sur moi, estime la militante. On cherche la petite bête. » Conservera-t-elle, à l’issue de cet épisode, la crédibilité nécessaire pour porter les couleurs de son mouvement ? Elle bénéficie quoi qu’il en soit du soutien inconditionnel du « Lider Maximo » de la France Insoumise.

@CapucineCoquand

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