Dans son rapport publié en 2017, « L'économie de la mer en 2030 », l’OCDE avertissait ses membres de l’importance de conserver la biodiversité marine et la qualité des eaux. L’organisation publie un nouveau document intitulé “Sustainable Ocean for All - Harnessing the Benefits of Sustainable Ocean Economies for Developing Countries”. Décryptage.

L’OCDE considère comme catastrophique la gestion des espaces marins et des ressources qu’ils contiennent,  et les impacts des activités humaines comme "durables et, dans certains cas, irréversibles". L’absence de vision commune, de concepts partagés complique la mise en place d’une coopération internationale performante de ces territoires communs. L’organisme souligne le fait que des stratégies nationales morcelées ne peuvent se substituer durablement à la gestion d’un bien commun de ce type et qu’"une telle fragmentation de l'élaboration des politiques ne sera pas suffisante pour apporter les changements urgents et systémiques nécessaires à une économie océanique durable". Pourtant, la protection des océans est  absolument essentielle pour la sauvegarde de la biodiversité et le ménagement des économies en développement, souvent très dépendantes des océans. Où agir ? Et comment ? Voilà les questions centrales soulevées par le dernier rapport de l‘OCDE.   

Un biome vital à bout de souffle 

Si l’importance des océans dans les économies des différents pays à travers le globe n’est plus à démontrer, certains États en sont plus dépendants que d’autres. C’est notamment le cas de nombreux  pays en développement dont une grande partie du PIB est consacrée aux activités primaires. La dégradation des milieux marins toucherait ainsi inégalement les pays autour du globe, mettant en difficulté les territoires les plus pauvres . Ainsi, le secteur du tourisme représente 50 % du PIB du Cap Vert et 65 % de celui des Seychelles. Autre exemple, , la production offshore de pétrole constitue la moitié du PIB de l’Angola et 89 % de ses exportations. Le document de l’OCDE rappelle l’importance de placer le curseur au bon endroit, en protégeant les océans tout en restant juste, et en ne pénalisant pas plus les pays défavorisés. Cependant, la tâche est ardue, tant l’économie de ces États repose sur des activités destructrices des écosystèmes marins, de la pêche intensive au minage offshore.  

Les activités anthropiques génèrent des retombées désastreuses,  devenant insoutenables pour les océans, de plus en plus pollués et acides. La biodiversité marine a également dramatiquement chuté, la ponction de ressources halieutiques se faisant à un niveau bien supérieur à son seuil de renouvellement depuis des décennies. Le rapport dépeint une véritable crise océanique, entraînant à des fréquences inédites des catastrophes naturelles, et banalisant les phénomènes d’extinction d’espèces.  

Des opportunités politiques et financières  

De par la nature même des océans, qui sont par essence des biens communs, la moindre action unilatérale engendre des conséquences dramatiques sur les eaux territoriales d’un autre État. Le document appelle donc à une gestion soutenable des fonds marins, et insiste sur la nécessité et l’efficacité d’instruments politiques à la portée globale. Au contraire, mener des réflexions politiques fragmentées ne pourra   établir un management équilibré des ressources océaniques.  

Au volet politique, s’ajoute l’aspect financier. Il est tout à fait  envisageable d’imposer des taxes sur les déchets plastiques, - des pénalités s’appliquant déjà à toute pollution en milieu aquatique-, des frais supplémentaires pour l’exploitation de ressources sous-marines ou des incitations financières à développer un tourisme plus responsable. Néanmoins, le document relève une note positive : à l’horizon 2020, pas moins de 57 pays avaient mis en place des instruments économiques liés à l’océan, c’est-à-dire trois fois plus qu’en 1980. Il devient absolument essentiel d’identifier les indicateurs permettant de mesurer la santé des biomes marins : stocks de poissons disponibles, état des récifs coraliens, quantités de ressources exploitables.  

Afin d’appliquer  efficacement  les outils politiques et financiers, les auteurs rappellent que les États peuvent s’appuyer sur les avancées technologiques. La cartographie des fonds marins de plus en plus précise, et les nouveaux systèmes de suivi des navires de pêche sont autant d’exemples d’opportunités permettant de contribuer à la construction de "stratégies nationales océaniques".  

Une meilleure mesure des aides au développement  

L’une des principales valeurs ajoutées de ce rapport de l’OCDE est l’estimation des Assistances officielles au développement (AOD) qui a l’avantage de fournir un début de réponse à la question de l’allocation des aides pour le développement. Ces dernières ont notamment pour objectif d’aider les pays en développement, souvent incapables d’accéder aux fonds et aux innovations nécessaires à la mise en place de stratégies d’exploitation des océans soutenables. Si le volume de ces aides est, selon le document, en croissance, ce dernier nuance rapidement les faits en soulignant que ces sommes restent  faibles , soit environ trois milliards de dollars par an.  

De plus, moins de la moitié de ces 3 milliards de dollars inclut la dimension de soutenabilité. Une partie de ces montants a permis à des filières comme celle du transport maritime de se développer encore plus, sans toutefois inclure de vision soutenable. Par ailleurs, ces fonds pourraient, selon le rapport, être utilisés plus judicieusement. De fait, ils sont aujourd’hui dirigés principalement vers trois secteurs : les transports maritimes, la pêche et la protection du milieu marin, laissant ainsi les autres secteurs démunis. Cette polarisation des investissements s’ajoute à d’autres problèmes, à l’heure où certains pays s’appuient massivement  sur les ressources marines. Les États devront donc coopérer pour avoir une chance d’établir un plan d’action international satisfaisant tout le monde.  

Par Thomas Gutperle

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