L’ancienne garde des Sceaux n’a rien oublié du leadership particulier qui a animé le précédent quinquennat. Députée européenne et maire du VIIe arrondissement de Paris, elle revient sur le rapport entretenu au collectif.
Décideurs. Le leadership collectif est-il en train de concurrencer le leadership individuel ?

Rachida Dati.
Le leadership peut être conçu et envisagé de différentes manières en fonction de l’objectif visé. Mais il faut avant tout être en capacité d’écoute, de se faire entendre, d’échanger et de décider. Le leadership collectif est plus difficile à mettre en œuvre que le leadership individuel. Toutefois le leadership suppose toujours l’échange et la concertation. Et il doit, selon moi, toujours être incarné.


Décideurs. Les grands succès remportés par votre famille politique relève-t-il d’un leadership individuel ou collectif ?

R. D.
Il ne faut pas voir les choses de façon binaire. On dit souvent de l’élection présidentielle dans la Ve République qu’il s’agit de la rencontre entre un homme et un peuple. Il n’y a pas de grande victoire sans une personnalité exceptionnelle. Le leadership individuel demeure donc indispensable. Mais en politique, cette personnalité ne peut gagner que si elle est appuyée par une équipe solide qui l’éclaire et l’aide à prendre des décisions pour son programme et à convaincre sur le terrain. Je l’ai vu très concrètement en 2007, lorsque j’étais porte-parole de Nicolas Sarkozy. Ségolène Royal et lui étaient des candidats charismatiques qui incarnaient un renouveau avec un vrai leadership. Mais avec un paradoxe chez la candidate socialiste qui voulait adopter un style de leadership collectif avec la démocratie participative. Ce ne fut pas concluant.


Décideurs. Leadership individuel et collectif sont-ils complémentaires ?

R. D.
À l’UMP, depuis 2012, nous avons connu différentes formes de leadership. Nicolas Sarkozy, en revenant comme président de l’UMP, rassemble le plus grand nombre autour de lui. Il est sensible aux différents courants et a multiplié les instances de décision. Avant cela, nous avons connu le triumvirat qui a assuré l’intérim après la démission de Jean-François Copé. Ce fut une instance collective de direction et de décision de l’UMP. Les deux formes de leadership apparaissent donc assez complémentaires.


Décideurs. Comment un ministre, un chef de parti ou un militant doivent-ils envisager leur rôle au sein d’un environnement de leadership collectif ?

R. D.
Le ministre a un devoir de solidarité qui est consubstantiel à sa fonction : la fameuse solidarité gouvernementale. Lorsque je l’étais, j’y étais fortement attachée. Les divergences que je pouvais avoir avec d’autres membres du gouvernement ou avec la ligne fixée par l’exécutif, je les réglais en interne. Un chef de parti, de son côté, doit pouvoir organiser le leadership collectif, mais sans oublier de donner la direction et de trancher parfois. Enfin, un militant dans un parti moderne ne peut pas rester un simple exécutant. Je répète que ce sont nos meilleurs conseillers. Partout en France, ils sont au plus près des citoyens.


Décideurs. Si le leadership collectif complète efficacement l’individuel, il peut également générer des effets pervers, comme une certaine tyrannie de la majorité. L’avez-vous constaté ?

R. D.
Je ne parlerais pas de la tyrannie de la majorité car nous sommes en démocratie. Que cela nous plaise ou non, la majorité fonde le projet collectif. Ce qui n’empêche pas certaines personnalités d’exprimer leurs divergences. Au sein de ma famille politique, nous réunissons de nombreuses sensibilités. Pour les départementales, nous avons même rassemblé dès le premier tour avec nos alliés centristes. Cela n’empêche pas ces derniers d’avoir une existence autonome et de compter des leaders autonomes aux idées propres.
La meilleure forme de leadership, c’est celle qui associe le collectif à l’individuel. Cela ne devrait pas être l’un ou l’autre, car c’est la complémentarité qui fonde le succès.


Propos recueillis par Julien Beauhaire

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