Sous le feu des projecteurs mondiaux, l’OMS est, comme à chaque grande crise sanitaire, critiquée pour son manque de réactivité dans la gestion de la pandémie liée au Covid-19. Quels seront ses arguments de défense ? On fait le point.

Institution fondée en 1948 par les Nations unies, l’OMS est représentée par 194 membres. Elle joue un rôle majeur dans la recommandation, la coordination et l'aide à la prévention et au traitement des enjeux sanitaires dans le monde. L’organisation fait face actuellement à des critiques pour avoir tardé à prendre des mesures pour contrer la propagation du coronavirus Covid-19. En effet, ce n’est que le 24 janvier que l’OMS a reconnu ce nouveau virus comme étant bien transmissible d'homme à homme alors qu'il est apparu à Wuhan, en Chine, dès décembre 2019. À la suite de cette première observation, les dépistages à la sortie des aéroports ont commencé dans certains pays. Mais il faut attendre le 31 janvier, pour que l’institution déclare l’état d’urgence de santé publique internationale.

À ce moment-là, la réaction, considérée comme tardive de l'OMS, résulte des choix qu'elle avait faits auparavant, à savoir relayer la position des autorités chinoises qui déclaraient, le 14 janvier, qu'il n'y avait aucune preuve de transmission d'homme à homme du virus. Au même moment, à Taïwan, des responsables sanitaires émettaient des alertes directement auprès de l'institution sur l'urgence de la situation. Sans résultat. Il faut donc attendre le 11 mars pour que l'OMS déclare le caractère pandémique du coronavirus.

Pourtant ce retard aurait pu être évité si l’organisation avait pu mener une enquête approfondie sur la réelle nature du virus présent en Chine. Selon Michel Kazatchkine, ancien directeur du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme : "L’OMS aurait dû dire : non, vous n’avez pas rapporté suffisamment tôt les données comme vous vous y êtes engagés."

Il faut attendre le 11 mars pour que l'OMS déclare le caractère pandémique du coronavirus.

Les actions de l'OMS, jugées trop "conciliantes" envers la Chine lui ont valu la suspension de la contribution financière des États-Unis – son plus gros donateur avec 400 millions de dollars en 2019, soit environ 15 % du total – sur le budget de son programme 2020-2021. Et la décision du président américain a provoqué un tollé. L'Institution "regrette cette décision" et son directeur, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a affirmé qu’elle allait étudier l’impact de la décision des États-Unis afin de la compenser. La Chine est alors entrée en jeu. Elle a annoncé, une semaine après le désengagement des États-Unis, qu'elle verserait 30 millions de dollars supplémentaires, soit 28 millions d'euros, pour aider à l'amélioration des systèmes de santé dans les pays en développement, comme l'a déclaré Geng Shuang, porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois. De leurs côtés, l’Allemagne a dénoncé la décision de Washington, Moscou l’a qualifiée "d’approche très égoïste" et la France  "espère un retour à la normale".

Mais les États-Unis pourraient ne jamais rétablir leur contribution à l'OMS. Le secrétaire d'État, Mike Pompeo, a déclaré que l'épidémie de coronavirus soulignait la nécessité de revoir l'Organisation mondiale de la santé (OMS), prévenant que Washington pourrait même mettre sur pied une alternative. Donald Trump a avait demandé à son administration de cesser de financer l'OMS, l'accusant d'avoir "failli à ses devoirs essentiels" dans la lutte contre l'épidémie de coronavirus.

Comme une impression de déjà-vu

Déjà en 2014, l'institution onusienne, à l'époque dirigée par Margaret Chan, avait été fortement critiquée sur son retard à donner l'alerte sur la propagation du virus Ebola qui ravageait les trois pays d'Afrique de l'Ouest, Guinée, Liberia et Sierra Leone. L'épidémie avait été déclarée le 22 mars 2014 par le ministère guinéen de la santé et l'organisation Médecins sans frontières avait lancé l'alerte le 31 mars de la même année. À l’époque, ce n'est qu’au mois d’août que l'OMS se manifeste pour annoncer l'état d'urgence de santé publique mondiale. Critiquée pour sa lenteur à réagir, des experts mandatés par l'ONU avaient rédigé un rapport un an après cette crise afin d'évaluer ses modes opératoires. Et le bilan ne fût pas flatteur, pointant "de graves lacunes dans les contacts avec les communautés locales au cours des premiers mois de l’épidémie", allant même jusqu’à conclure : "Il y a un consensus fort pour dire que l'OMS n'a pas une capacité et une culture suffisamment fortes pour mener des opérations d'urgence." Accablant.

Ebola en 2014 : des experts avaient affirmé que l'OMS n'avait ni la capacité ni la culture pour mener des situations d'urgence

En guise de réponse, Margaret Chan avait alors lancé un plan d’amélioration en trois axes : renforcer les moyens de l'OMS en situation d'urgence, améliorer les systèmes de santé des pays émergents et enfin organiser le développement de nouveaux médicaments. Le budget de ce programme avait été évalué à 100 millions de dollars et les fonds devaient provenir des États membres. Fière de cette initiative, la directrice de l'OMS avait déclaré : "Le monde imprévisible des microbes nous réservera toujours des surprises. […] [et] ne doit plus jamais être pris par surprise faute de préparation." Pourtant, cinq ans plus tard, l'OMS se retrouve à nouveau face à une crise sanitaire dont la gestion est, une nouvelle fois, critiquée.

La riposte de l'OMS

Lors d'une conférence de presse virtuelle organisée à Genève le 20 avril, le directeur de l'Organisation Mondiale de la santé, affirmait n'avoir rien dissimulé à l’État américain au sujet du Covid-19. "Il n'y a pas de secret à l'OMS. Parce que si l'on conserve des informations secrètes ou confidentielles c'est dangereux", a ainsi lancé Tedros Adhanom Ghebreyesus, appelant à "l'unité nationale" et à la "solidarité mondiale" pour endiguer l'épidémie. L’occasion aussi pour l’OMS de démentir publiquement la réception d'informations venant d'experts Taïwanais, "Taïwan n'a pas notifié de transmission interhumaine, ils ont simplement demandé des éclaircissements tout comme d'autres entités".

Dès le mois de janvier, l'OMS donnait des recommandations sur la manière d’appréhender le virus, de s’en protéger et d’éviter de futures contaminations. Selon Anne Sénéquier, médecin, chercheuse et codirectrice de l’Observatoire de la santé mondiale de l'Iris  : "L'OMS a très vite communiqué sur les pays régionaux pour dire qu'il y avait ce risque de pneumonie atypique." Par ailleurs, l’organisation a misé sur la transparence en publiant quotidiennement sur son site un bulletin épidémiologique contenant des informations et chiffres en temps réels sur le nombre de pays touchés et le nombre de décès. En parallèle, l’OMS a piloté de nouvelles initiatives à l'image du lancement d'un essai clinique, dans le but de trouver un traitement efficace au Covid-19. L’organisation a également organisé un concert virtuel en partenariat avec la chanteuse Lady Gaga et l'association "Global Citizen", dans le but de soutenir le personnel soignant à l'échelle mondiale.

L’organisation a misé sur la transparence en publiant quotidiennement sur son site un bulletin épidémiologique

Pur produit de l'ONU, l'OMS est tributaire de la volonté de ses 194 États membres ainsi que des relations géopolitiques entres ces États. Entre l’intérêt sanitaire d’un côté et l’intérêt politique de l’autre, le numéro d’équilibriste est complexe, voire périlleux. Le budget de l’OMS restant limité, Anne Sénéquier estime que l’organisation "n’a fait que ce qu'elle a pu, avec les outils qu'on lui a donné."

Annaëlle Ntsame

Newsletter Flash

Pour recevoir la newsletter du Magazine Décideurs, merci de renseigner votre mail