Au sein des plateformes digitales, les plateformes de mise en relation (Uber, Deliveroo, Stuart, Chauffeur privé…) sont en plein essor. Elles sont en effet génératrices de nouvelles formes de travail et pourvoyeuses de nombreux emplois. La médiatisation créée autour de ces nouveaux acteurs et les enjeux liés à ces nouvelles activités, ont trouvé un premier écho législatif dans la loi Travail du 8 août 2016.

Englobées sous la dénomination « responsabilité sociale », et précisées par une circulaire[1] du 8 juin 2017, de nouvelles règles issue de la Loi Travail entreront en vigueur le 1er janvier 2018 (articles L. 7342-2 et suivants du Code du Travail), et imposent aux plateformes de mise en relation :

  • La prise en charge de la cotisation d’accidents du travail des travailleurs indépendants, dans des conditions et limites fixées par le Décret n° 2017-774 du 4 mai 2017, sauf si la plateforme a mis en place un contrat collectif comportant des garanties au moins équivalentes à l’assurrance volontaire prévue par l’article L. 743-1 du Code de la sécurité sociale, et que la cotisation est prise en charge par la plateforme.

 

  • La prise en charge de la contribution à la formation professionnelle des travailleurs indépendants prévue par l’article L. 6331-48 du Code du Travail.

 

Le travailleur indépendant peut également demander à la plateforme le bénéfice d’une validation des acquis de l’expérience (VAE). Les frais d’accompagnement du travailleur sont pris en charge dans la limite de 3% du plafond annuel de la sécurité sociale (Décret n° 2017-774 du 4 mai 2017, nouvel article D. 7342-3 du Code du Travail). La plateforme est par ailleurs tenue de verser une indemnité au travailleur indépendant, dans les conditions et limites visées par le Décret précité, pour compenser la perte de revenu occasionnée par le bénéfice de la VAE.

Parallèlement à ces nouveaux droits sociaux, le législateur a introduit, depuis 2016, la possibilité pour les travailleurs utilisant des plateformes de mise en relation, de s’entourer d’organisations syndicales pour défendre collectivement leurs revendications professionnelles et notamment, le droit de grève.

Ainsi, les travailleurs indépendants peuvent désormais constituer une section syndicale au sein de la plateforme, dès lors que l’organisation syndicale compte plusieurs adhérents. Ce dispositif mériterait des précisions, dès lors qu’aucune notion de représentativité n’a été prévue par la Loi et laisserait entendre que toute organisation professionnelle peut constituer une antenne syndicale chez un intermédiaire en vue de faire valoir des revendications.

La constitution de la section syndicale, établie selon la circulaire au visa de l’article L. 2142-1 du Code du Travail, devra pour sa part être clarifiée, dès lors que ce texte traite en réalité des sections syndicales d’entreprise, situation non comparable avec celle des plateformes de mise en relation.

Un régime juridique hybride voit donc le jour pour les acteurs de la nouvelle économie digitale, empruntant à la fois du droit commercial, dans ses aspects économiques, et du droit du travail, dans ses aspects sociaux.

Cette solution peut apparaître, à première lecture, critiquable. Une plateforme de mise en relation est un intermédiaire entre différentes parties, notamment entre un travailleur indépendant (livreur, chauffeur…) et un utilisateur (le client final).

Les indépendants ne réalisent pas de prestation pour le compte des plateformes de mise en relation, empêchant, par principe, la consécration du lien de subordination juridique nécessaire à l’application des règles du droit du travail. Plus encore, les relations contractuelles entre la plateforme et les  indépendants sont fondées sur le droit commercial.

Toutefois, l’intention du législateur n’a pas été d’appliquer aux travailleurs indépendants les règles relevant de la relation de travail subordonnée figurant dans le Code du Travail et régissant leur rapport juridique. Au contraire le législateur entend les écarter de ces règles et crée un corpus de règles propres et autonomes,  insérées dans le même Code, mais visant à sécuriser ces nouveaux acteurs dans leurs conditions d’exercice. 

Cette mixité juridique mérite des précisions législatives ou réglementaires, de manière à ce que les garanties instituées au profil des travailleurs indépendants ne se révèlent pas être source de complexité et d’insécurité juridique pour les plateformes de mise en relation.

Faute de retenir un mécanisme simple en faveur des travailleurs indépendants, il existe de surcroit un risque de fragiliser cette nouvelle économie, les créations d’emploi et d’empêcher le développement de nouveaux acteurs. Il est à espérer que les réflexions en cours sur l’évolution éventuelle du statut des travailleurs indépendants des plateformes digitales tiennent compte ces remarques.

[1] Circulaire interministérielle n° DGT/RT1/DGEFP/S DPFC/DSS/2C/2017/256  du 8 juin 2017 relative à la responsabilité sociale des plateformes de mise en relation par voie électronique.

 

Laure Marques avocat, senior associate - Capstan Avocats

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