Activité des entreprises ralentie ou à l’arrêt, salariés en chômage partiel, licenciements, liquidation de sociétés, demandes de financements à l’État… Les effets des mesures de confinement se font déjà sentir et se répercutent sur l’activité des cabinets d’affaires. En cette période exceptionnelle et pour les mois à venir, certaines spécialités sont particulièrement sollicitées.

Le nombre de recrutements dans les cabinets d’affaires décroît depuis le commencement de la crise sanitaire du coronavirus. Quelques-uns, et pas des moindres, ont cependant marqué le début du mois d’avril. Chammas & Marcheteau, cabinet spécialiste du corporate/M&A, a annoncé la création d’un département restructuring avec l’arrivée d’un nouvel associé, Stéphane Cavet. Emmanuel Drai, l’un des fondateurs de Drai Forget Boché Dobelle (DFBD), a rejoint l’équipe restructuring de Simon Associés. Le cabinet Paul Hastings se préparait depuis plusieurs mois déjà à accueillir Guilhem Bremond, spécialiste des restructurations, afin de créer un département dédié à la matière à Paris. Un heureux hasard au moment où les besoins en droit des procédures collectives se font sentir et vont aller crescendo.

Le restructuring, l’as de la crise

Parmi les avocats interrogés dans le cadre de l’enquête lancée par Décideurs Juridiques (voir les données ci-dessous), 54,4 % considèrent que le M&A et le private equity seront les spécialités les plus durement affectées par la crise sanitaire. Rien de très surprenant quand on sait que les opérations d’acquisition ou de fusion ne sont plus une priorité, la plupart des entreprises se battant actuellement pour survivre. Viennent ensuite le contentieux général des affaires pour 40,1 % des répondants, en raison de la fermeture des tribunaux, et l’immobilier pour 38,1 %. Pour 71,8 % en revanche, le restructuring est la matière la plus sollicitée dans les cabinets (voir les données ci-dessous).

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Une tendance déjà ressentie par les experts de la matière : « Nous connaissons un surcroît d’activité très net. Nous sommes face à une crise de trésorerie sans précédent, qui entraîne pour certaines entreprises une rupture d’activité totale d’une brutalité totalement inédite, dans les secteurs aérien, automobile, du retail, du tourisme, de l’hôtellerie et de la restauration notamment, explique Laurent Jourdan, associé spécialiste du restructuring chez Racine. Tous les dossiers en cours sont affectés. » Cela dit, toutes les entreprises, tous secteurs confondus, sur-sollicitent les cabinets, et ce, indépendamment de l’état de leur santé financière avant la crise : « Les entreprises en difficulté auparavant et que nous accompagnions déjà subissent une dégradation de leur situation que nous devons traiter. Des entreprises qui ne connaissaient pas de difficultés avant la crise sanitaire se trouvent brutalement dans une situation dramatique et nous sollicitent elles aussi. » Un vent de panique souffle actuellement dans le milieu entrepreneurial qui donne du grain à moudre aux avocats spécialistes du restructuring. Mais pas qu’à eux.

Bonne pioche pour le droit social

« Nous sommes très sollicités et les conférences téléphoniques s’enchaînent », confie de son côté Pascale Lagesse, associée à la tête de la pratique droit social du cabinet Bredin Prat. L’avocate et son équipe sont plus que jamais mobilisées, les dirigeants étant confrontés à un océan de questions : quels salariés mettre en chômage partiel ? Peut-on les obliger à poser leurs congés payés ? Est-il possible de procéder à des licenciements ? Etc. Et, « au-delà de la gestion de l’urgence, il faut assurer la reprise dans des conditions sanitaires sécurisées », rajoute l’avocate. L’employeur étant soumis à l’obligation générale de sécurité et protection de la santé physique et mentale des travailleurs, il doit adopter les mesures nécessaires pour faire face à l’épidémie. Selon les secteurs d’activité concernés, la tâche n’est pas forcément évidente, surtout si le travail à distance est impossible. « Les dirigeants nous interrogent également beaucoup sur d’autres questions “classiques” de droit social : comment réunir le CE de l’entreprise, convoquer un salarié à un entretien préalable de licenciement par exemple... En somme, toutes les questions de droit social qui concernent les entreprises, mais dans un nouveau cadre, à savoir celui du confinement, illustre l’associée de Bredin Prat. Les équipes dédiées au droit social ne connaîtront donc aucun temps mort. « Il faut déjà anticiper la fin du confinement et la reprise avec les questions d’adaptation des organisations de travail, de restructuration des effectifs, de télétravail , de durée du travail… », évoque Pascale Lagesse.

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Trio gagnant

La pratique du financement des entreprises connaît, elle aussi, un sursaut d’activité au sein des cabinets. En pleine crise de trésorerie, ces dernières cherchent en effet par tous les moyens à sortir la tête de l’eau. Le 16 mars dernier, le président de la République annonçait le déploiement d’un dispositif inédit permettant à l’État de garantir 300 milliards d’euros de prêts pour soulager la trésorerie des entreprises et des professionnels qui subissent le choc lié à l’urgence sanitaire jusqu’au 31 décembre prochain. De nouveaux moyens de financement, comme ce fameux prêt de
300 milliards (PGE), et des assouplissements, comme le report des charges sociales, la renégociation des prêts et de leurs délais de paiement ou encore des taux d’intérêt, ont été mis en place pour surmonter les pertes des entreprises. Le recours à des avocats est indispensable pour toutes les entreprises qui veulent entamer ces démarches.

De nombreux cabinets surfent ainsi sur la vague du restructuring en concentrant leurs efforts sur cette matière

Ces questions de financement sont par ailleurs directement liées aux problématiques de restructuring et de droit social. Et Laurent Jourdan de relever : « Avec nos équipes M&A, droit social et financement, nous venons de céder le contrôle d’une entreprise en sauvegarde, en pleine crise sanitaire. » Le cabinet Bredin Prat a choisi de mettre en place une cellule de crise « Covid-19 » spécialement dédiée aux problématiques relatives à l’épidémie et regroupant toutes les spécialités indispensables au conseil des entreprises. « Ce qui nous permet d’accompagner nos clients sur les questions de financement des besoins de trésorerie , d’obtention de prêts garantis par l’État ou de chômage partiel par exemple. Cette initiative répond à un vrai besoin des entreprises », constate l’experte du droit social Pascale Lagesse. « Les avocats spécialistes du restructuring vont désormais être étroitement associés, et de manière croissante certainement, aux dossiers des équipes corporate et financement », renchérit de son côté François Kopf, associé au sein du cabinet Darrois Villey Maillot Brochier.

Mise risquée sur le restructuring

Si le déconfinement se prépare, l’épidémie elle demeure. Et les conséquences économiques s’en ressentiront encore dans les mois à venir. L’activité des cabinets d’avocats aujourd’hui bousculée ne ressortira pas non plus indemne de cette crise. Certes, les structures naturellement positionnées sur les matières « rentables » en cette période exceptionnelle pourront poursuivre sur leur lancée et compenser les pertes d’activité des équipes qui fonctionnent au ralenti. De nombreux cabinets surfent ainsi sur la vague du restructuring en concentrant leurs efforts sur cette matière. Mais cette logique est à double tranchant. « Le marché du restructuring s’est beaucoup intensifié ces dernières années, car les cabinets anticipaient qu’une crise allait survenir un jour, mais sans bien sûr savoir quelle en serait la nature, ni l’ampleur, analyse François Kopf. Aujourd’hui, on pressent qu’elle pourrait être longue et profonde dans ses effets. Les activités traditionnelles vont probablement attendre de nombreux mois avant de retrouver leur rythme d’avant crise. Les cabinets s’adapteront néanmoins et beaucoup d’avocats intégreront cette nouvelle dimension restructuring dans l’accompagnement des problématiques de leurs clients. » Choisir de tout miser sur le droit des procédures collectives sans réelle expertise en la matière ne se révélerait donc pas une stratégie judicieuse pour les cabinets. Une hypothèse que les prochains mois viendront peut-être confirmer.

Marine Calvo

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